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Danielle Wong : « La politique monétaire actuelle est loin d’aider les exportateurs »
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Danielle Wong : « La politique monétaire actuelle est loin d’aider les exportateurs »

Quelle est la situation actuelle pour les sociétés exportatrices ?
Même si les exportations ont augmenté de 8,6 % au premier semestre, le bilan n’est guère brillant puisqu’au fi nal, nous avons connu une nette dégradation de notre balance commerciale.
Nous importons deux fois plus que ce que nous exportons. Et, on attend un déficit commercial record pour l’ensemble de l’année. Par ailleurs, la politique montaire qui est actuellement menée est loin de nous aider, alors que pendant des années elle a accompagné le développement des industries exportatrices. Actuellement, une activité comme le textile se retrouve dans un véritable corset. Les usines textiles sont payées jusqu’à six mois après avoir expédié leurs produits.
Imaginez que vous exportez maintenant des chemises à un euro, avec un euro à Rs 45. Six mois plus tard, vous êtes payés avec un euro qui ne vaut plus que Rs 40. Ce n’est pas tenable. La zone franche d’exportation rapporte Rs 40 milliards au pays chaque année. Il devrait y avoir une volonté politique pour stabiliser la roupie et permettre à ce secteur de réaliser des profits afin qu’il puisse investir.
Pourtant, la «Bank of Mauritius» (BoM) a mis en place des swaps de devises et a multiplié les interventions sur le marché des changes. Cela ne vous a-t-il pas aidé ?
Les swaps de devises ont apporté une aide, mais cela n’a pas réglé le problème de fond qui est l’appréciation de la roupie. La Banque de Maurice a procédé à sept interventions sur le marché des changes depuis le mois de juillet, c’est énorme et cela a empêché une trop forte appréciation dela roupie. Mais, alors que nous sommes supposés être dans une situation de «free fl oat», ces interventions ne donnent-elles pas des signaux contradictoires ? La politique monétaire devrait être revue dans son ensemble car, pour l’instant, il est difficile d’avoir une vue générale et nous constatons un manque manifeste de sérénité. Nous nous battons pour une roupie compétitive car c’est elle qui nous a permis de bâtir un secteur à l’exportation viable.
Justement, le comité de politique monétaire de la BoM se réunit le 27 septembre. Qu’en attendez-vous ?
Il faudrait que le comité de politique monétaire décide une baisse du taux repo. Avec le lancement de l’Economic Restructuring and Competitiveness Programme, on voit qu’il existe une volonté de bien faire, mais nous constatons également qu’il existe un manque de coordination avec la politique monétaire afi n d’assurer une croissance harmonieuse. Il faudrait revenir au niveau que la roupie connaissait il y a quelque temps. Il s’agirait là d’une politique d’ajustement et non pas de véritable dépréciation de la roupie.
Cela constituerait un signe fort pour montrer aux exportateurs que leurs intérêts sont défendus. En fait, nous ne sommes pas, dans l’absolu, contre la roupie forte mais la question est de savoir si nous avons les moyens de disposer d’une devise forte.
On parle beaucoup de la nécessité de réorienter géographiquement nos exportations. Qu’en pensez-vous ?
Il y a des décennies que nous travaillons avec l’Europe et nous ne pourrons pas changer de marché du jour au lendemain. Reste que nous sommes privilégiés car nous disposons de nouveaux horizons. La diplomatie économique nous a permis de dégager des perspectives en Afrique et en Asie.
Nous pouvons développer l’idée de hub entre les continents asiatique et africain. Sur l’Afrique, il faut exploiter les opportunités que nous procurent le COMESA (NdlR, Common Market for Eastern and Southern Africa) et la SADEC (NdlR, Southern African Development Community).
La question est maintenant de savoir si nous avons les capacités de développer ces nouvelles pistes. Car, pour cela il faut de la volonté, de l’argent et du temps.
De nombreux observateurs estiment que les exportateurs mauriciens doivent se positionner sur des produits à plus forte valeur ajoutée et faire des gains de productivité avant de réclamer une compétitivité monétaire. Partagezvous cet avis ?
Tout cela demande beaucoup d’investissement et il faut avant tout trouver des acheteurs. Dans le textile, nous n’avons pas besoin des mêmes soutiens que dans l’hôtellerie ou le sucre. Le textile est beaucoup plus diversifié et donc beaucoup plus compliqué. Nous n’avons que 40 ans d’histoire industrielle car nous avons, à l’époque, importé une tradition textile.
Parallèlement, l’Afrique et l’Asie disposent des matières premières comme le coton, et ont donc une tradition millénaire en la matière. Dans le textile à Maurice, on travaille sur une plus grande technicité avec par exemple, les tissus pour les fauteuils d’avions ou le textile pour l’enrobé des routes. Maurice veut également se positionner comme un fashion center en développant de nouveaux créneaux.
Quelles sont les autres faiblesses de notre activité à l’exportation ?
Avant tout la logistique. Notre logistique est loin d’être comparable à celle d’un pays comme Singapour. Le manque d’infrastructures constitue le maillon faible de notre activité. Nous nous sommes concentrés sur le transport international de marchandises, mais nous avons oublié les infrastructures terrestres et le transport des individus. Nous devons penser l’aménagement de nos infrastructures dans son ensemble. S’il n’y a pas de prise de conscience en la matière, nous ne pourrons pas augmenter notre productivité et notre compétitivité s’en ressentira. Nous avons d’ailleurs organisé récemment «la Semaine de la logistique» afi n de faire prendre conscience de l’importance de cette dimension dans notre économie.
Propos recueillis par Pierrick Pédel
 
 
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