La situation des enfants de rue est alarmante, selon le travailleur social Edley Maureer. L’un d’eux, David Legentil (à droite sur la photo), a été condamné pour viol. Pour les travailleurs sociaux, cela aurait pu être évité…

Les travailleurs sociaux qui ont suivi David Legentil ne s’attendaient pas à pareil verdict. En effet, David Legentil, âgé de 18 ans, devra passer 19 ans en prison pour avoir violé une jeune femme de 22 ans à Sodnac, le 23 mai 2008. Le verdict est tombé le vendredi 5 juin. Des travailleurs sociaux qui l’ont connu relancent le débat concernant la situation des enfants de rue. Ils tirent la sonnette d’alarme et espèrent que les autorités réaliseront qu’il faut «sauver ces enfants.»

«David Legentil était un enfant de rue. Quand nous l’avons connu, il avait 11 ans. Il n’a pas connu d’enfance comme les autres enfants de son âge. Il vivait sur la plage et a connu des moments durs dans la vie. Je me demande ce qu’il adviendra de lui après 19 ans passés dans une prison. Sortira-t-il meilleur ou pire?», s’interroge Edley Maureer, qui avait été l’un des premiers à être formés pour encadrer les enfants de rue en 2002.

Certes, il condamne l’acte du jeune homme. Mais il ajoute que si le travail débuté avec lui en 2002 avait continué, David Legentil n’aurait pas été en cellule aujourd’hui. Monique Rose, éducatrice elle aussi, dans la région de Pointe-aux-Sables, a suivi le jeune homme. «Il avait des rêves et des ambitions. Quand nous l’avons rencontré, il était brisé et voulait se reprendre en main. Depuis qu’il a trois ans, il passe par des moments difficiles. Son père a fait plusieurs fois la prison et sa mère n’a jamais été là pour lui. Si aujourd’hui il est devenu ce qu’il est, c’est que quelque part nous sommes coupables. Quand le projet a cessé en 2006, il y a eu une rupture entre David et nous », précise-t-elle.

Beaucoup d’enfants qu’elle a suivis sont désormais incarcérés dans des prisons. Des jeunes, dit-elle, qui étaient sur la bonne voie. Le projet avait vu le jour grâce à Sam Lauthan, ministre de la Sécurité sociale à l’époque. Quatorze autres travailleurs sociaux avaient été formés pour être sur le terrain. En avril 2006, le couperet tombe et le nouveau gouvernement décide de mettre au placard le projet «enfants de rue.»

Un mois après, Edley Maureer, aidé d’autres personnes, mettent en place le Service d’accompagnement, de formation, d’intégration et de réhabilitation de l’Enfant (SAFIRE). «Nous avons lancé cette ONG pour combler ce vide et continuer notre action sur le terrain auprès des enfants de rue», explique-t-il.

Les six éducateurs de rue au sein de SAFIRE s’occupent de 200 enfants et sont placés dans six régions alors qu’il y a, selon Edley Maureer, plusieurs poches de pauvreté dans le pays. «Nous avions observé qu’il y a plus de 6 500 enfants de rue et ces enfants sont délaissés. Pour que nous puissions descendre davantage dans les poches de pauvreté, il nous faut plus de financement et d’éducateurs. Si nous ne faisons rien, ces enfants risquent de chuter et être un danger pour la société. Nous devons leur venir en aide. David Legentil aurait pu être sauvé», poursuit le coordonateur de SAFIRE. Il tient à remercier les trois partenaires qui aident l’ONG. A savoir La Fondation Nouveau Regard du Groupe Ciel, Fondation Espoir et Développements de Beachcomber et Fondation Médine Horizon. «Eux ont cru en nous», se réjouit Edley Maureer.

La situation des enfants de rue s’aggrave, selon les travailleurs sociaux. Le nombre augmente chaque année. Solange Potou est engagée dans les faubourgs de la capitale. Elle dit constater que les enfants de rue sont en hausse: «Les travailleurs sociaux font leur part, mais que font les autres?»

En attendant, il y a peut-être d’autres enfants de rue comme David Legentil qui errent dans les rues.

Edley Maureer parle de la situation des enfants de rue (video: KM)