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Dinesh Somanah : «Une parabole du plus puissant télescope mondial, à Maurice, dans deux ans»
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Dinesh Somanah : «Une parabole du plus puissant télescope mondial, à Maurice, dans deux ans»

L’astrophysicien de l’Université de Maurice revient sur le décès de l’astronaute Neil Armstrong. L’occasion d’éclairer les avancées de l’exploration spatiale avec l’implantation du plus puissant télescope mondial dans la région.
? Neil Armstrong, figure discrète et mondialement connue de la conquête spatiale est décédé. Quels souvenirs avez-vous des débuts de la conquête spatiale ?
J’avais huit ans, et on venait d’avoir la télé à la maison. On était chanceux à l’époque, la famille et les voisins, avaient suivi l’évènement. C’était grandiose, extraordinaire. Du coup, je rêvais de devenir astronaute, aller sur la lune et au-delà. Finalement je suis devenu physicien, puis j’ai bifurqué vers l’astrophysique. Je suis revenu, sans le vouloir, au rêve de gosse : percer les secrets de l’univers, tenter de lire l’inconnu.
? Beaucoup ne croient pas aux premiers pas sur la Lune de Armstrong et Aldrin. Vous comprenez qu’il y ait un doute persistant à ce sujet ?
Toutes les grandes découvertes, théories ou inventions suscitent des doutes. Mais, une juste appréhension des avancées technologiques et théoriques, brise ces doutes. Il n’y a aucune raison de douter de la véracité de cet évènement. Les moyens technologiques et les avancées théoriques le prouvent. J’ai rencontré un chercheur indien, qui a travaillé sur une roche lunaire, rapportée d’une mission. Et, il n’y a aucun doute quant à son origine.
? N’empêche, cet exploit n’a pas été réédité depuis les alunissages de cette période de la guerre froide. Pourquoi ?
Certains projets scientifiques coûtent extrêmement chers. Il faut mobiliser des fonds et, cette capacité à dégager les financements, dépend de l’intérêt du projet scientifique. En l’occurrence, la mission Apollo
XI s’inscrivait dans le contexte de la guerre froide, une compétition géopolitique majeure entre deux blocs. Il s’agissait, pour Washington et Moscou, de dépasser le stade d’équilibre des puissances, faire montre de son avancée technologique. Aujourd’hui, les ambitions mondiales et économiques donnent la priorité à d’autres projets scientifiques. Par exemple, la découverte récente du bozon de Higgs (avancée dans la compréhension de l’univers, ndlr) grâce à l’accélérateur de particules, aurait pu avoir lieu il y a une dizaine d’années. Mais, il n’y avait pas les financements car les priorités étaient ailleurs.
? Y a-t-il un retour de l’attrait de l’espace ? L’Afrique du Sud et l’Australie se partageront le plus grand radiotélescope mondial (Square Kilometer Array, SKA).
La candidature sud-africaine ne pouvait tenir seule. Huit autres pays du continent, à savoir des États membres de la SADC, dont Maurice, sont impliqués dans le projet. La partie africaine, sous la houlette sud-africaine, obtient les deux-tiers de ce projet mondial. Ce sera le télescope le plus puissant au monde. Il aidera à faire de la recherche, percer les mystères de l’univers, répondre à des questions et compléter des réponses : origine de l’univers, la nature et l’origine des objets observés dans l’espace etc. Les retombées ne seront pas que scientifiques, elles seront palpables au niveau technologique et économique. La région en profitera directement car, il faudra développer l’ingénierie informatique, mécanique, etc.
? Une chance d’émulation technologique pour la région, c’est ça ?
30 % à 50 % de la technologie nécessaire reste à être inventé notamment en ce qu’il s’agit de la puissance informatique. Mais si on extrapole les tendances actuelles de l’innovation technologique, on peut le faire. L’histoire de la science montre que les retombées, dans d’autres secteurs, sont énormes autour d’un tel projet. Par exemple, le Very Long Baseline Interferometry, soit deux radiotélescopes, éloignés de plusieurs milliers de kilomètres, permettent de mesurer le mouvement des plaques tectoniques et donc, aide à la gestion des risques sismiques.
En radioastronomie, l’innovation qui consiste à transformer le message binaire, d’un radiotélescope, en images radio a permis, par ricochet, de développer l’imagerie médicale.
? Vous représentez la partie mauricienne dans le projet. Devrions-nous accueillir une antenne relais ?
Oui. L’ensemble de l’infrastructure comptera quelques trois milles antennes. Compte tenu de notre superficie, nous en accueilleront moins que d’autres pays de la région. Deux collègues et moi faisons notre maximum pour que d’ici deux ans, Maurice accueille la première parabole. Cette parabole, de 25m de diamètre, pourra suivre des objets dans le ciel, c’est une technologie qui n’existe pas à Maurice. Le mois prochain, deux ingénieurs sud-africains viendront pour voir si on peut concrétiser la phase mauricienne du projet SKA rapidement. Je rappelle que, c’est un projet sur la longue durée, aussi, Maurice pourrait accueillir d’autres antennes. Ce genre de projet est catalyseur, il attire les compétences, permet de développer la recherche, de susciter l’innovation.
Gilles RIBOUËT
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