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Dr Prity Pugo-Gunsam : «Manger contre toute rationalité est une forme de compensation»
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Dr Prity Pugo-Gunsam : «Manger contre toute rationalité est une forme de compensation»

La Dr Prity Pugo-Gunsam, chargée de cours à l’université de Maurice, estime que les campagnes contre la mauvaise alimentation ne suffisent pas.
Désormais, selon la revue britannique The Lancet, l’obésité concerne davantage les pays à bas ou moyens revenus. Est-ce parce que les pays riches sont davantage sensibilisés ?
Les pays riches sont davantage sensibilisés et les moyens mis en œuvre pour contrer les effets néfastes de l’obésité paraissent plus étudiés scientifiquement et sont plus efficaces. L’émergence de l’obésité dans les pays à bas ou moyens revenus est survenue avec quelques années de retard par rapport aux pays riches mais sa croissance a été plus rapide dans des sociétés comme les nôtres. Les conséquences plus graves en termes de maladies menaçantes à cause de nos prédispositions génétiques mais également à cause des manquements dans l’éducation par rapport aux facteurs de risques ou prédisposants et les mesures préventives appropriées.
La Nutrition Task Force comptait mener une campagne pour amener la population mauricienne à manger sainement. A quoi a abouti cette tentative ?
La Nutrition Task Force fonctionne sous l’égide du ministère de la Santé. C’est aussi le ministère de la Santé qui définit ses grandes directions en matière de politique et de stratégies. La Nutrition Task Force créée en octobre 2009 s’était beaucoup impliquée pour les campagnes de sensibilisation pour la vente des produits sains autorisés dans les cantines scolaires en 2009-10. Normalement, les résultats concrets sur la santé prennent du temps avant de se faire ressentir.
Pourquoi les food courts sont bondés à longueur de journée ?
Il y a eu d’innombrables campagnes dirigées essentiellement par le ministère de la Santé sur les effets d’une mauvaise alimentation. Ce qui suppose a priori que les Mauriciens savent que les fast foods ne sont pas très sains. Je ne crois pas que cela suffit pour faire «adopter» une meilleure alimentation.
Il y a d’autres facteurs psychologiques, physiologiques, socio-économiques et organiques qui interviennent : tels que le stress, la peur, les angoisses, le plaisir de manger, seul ou en compagnie, le niveau d’éducation formelle, la compréhension des messages passés, la culture, le goût, le pouvoir d’achat, la disponibilité…
Manger contre toute rationalité est certes une forme de compensation contre le stress, entre autres.
Ce ne sont pas seulement les gâteaux frits des cantines scolaires qui sont responsables de la forte prévalence de surpoids chez de jeunes enfants …
La nutrition est très complexe. C’est toute une science et il faut l’appréhender de façon holistique. Il faut des connaissances très diverses et larges en matière scientifique, environnementale, psychosociale, économique, éducative et en communication pour pouvoir l’aborder avec efficacité. Ce n’est certainement pas de tenter de savoir si manger ou ne pas manger des fritures dans les cantines scolaires qui fera avancer les choses dans la bonne direction.
Est-ce que les campagnes nutritionnelles ne sont pas vouées à l’échec quand on sait que le consommateur moyen mauricien est incapable d’interpréter correctement les informations sur l’étiquette d’un produit ?
Les campagnes nutritionnelles ne suffisent certainement pas à faire adopter une meilleure façon de se nourrir à Maurice. Il faudrait que l’on s’attarde plus sur l’éducation dans sa globalité et que la nutrition soit comprise comme une science à communiquer et non comme une prescription venant de ceux concernés par le secteur de la santé uniquement. L’interprétation correcte des informations scientifiques sur l’étiquette d’un produit passe par une éducation scientifique nutritionnelle.
Concernant l’étiquetage de produits alimentaires, est-il possible à Maurice d’en vérifier scientifiquement l’exactitude ?
Il est possible à Maurice de vérifier scientifiquement l’exactitude des macronutriments (hydrates de carbone, protéines et graisses) et aussi des micronutriments jugés comme étant les plus importants en termes de valeurs nutritives, comme les minéraux et les vitamines les plus courants : par exemple le Fer ou encore la Vitamine C. Mais plus un micronutriment est naturellement à faible concentration dans un produit alimentaire, plus il est difficile de le mesurer avec exactitude et de plus, ce sont des analyses qui coûtent très cher à cause des équipements scientifiques sophistiqués nécessaires.
Un aliment est très complexe avec des centaines de molécules et il n’est pas nécessaire d’en faire un profil complet. Par exemple, l’analyse très fine des CLA (Conjugated Linoleic Acids) dans les aliments n’est pas jugée prioritaire et pas nécessaire. Cette molécule fait encore l’objet des recherches internationales et intéresse les scientifiques au laboratoire mais pas le consommateur moyen.
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