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Eric Guimbeau : «Finalement, ce gouvernement-là a engraissé les capitalistes»

27 août 2011, 05:20

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? Pourquoi êtes-vous allé rencontrer Navin Ramgoolam ?

Parce qu’il a demandé à me voir.

? Et vous saviez pourquoi il voulait vous voir ?

Je m’en doutais, sauf que je n’avais aucune intention de rejoindre le gouvernement. Je suis allé à la réunion parce que cela faisait un moment que je voulais rencontrer le Premier ministre pour discuter de certains dossiers, et j’en ai profité.

? Quels dossiers ?

La réforme électorale et le partage de pouvoirs entre le président et le Premier ministre.

? Vous aussi ?

C’est moi qui a abordé la question. Jevous rappelle que cela s’est passé avant ses rencontres avec Jayen Cuttaree, Paul Bérenger et Rama Sithanen.

? Mais à ce moment-là, Navin Ramgoolam n’avait-il pas déjà la réforme électorale en tête ?

Il faudrait le lui demander. Pour ma part, j’ai voulu éclaircir la situation dès le début de l’entretien, parce que j’estime que c’est mal élevé de dire non à un Premier ministre. Donc, dès le départ, je lui ai dit que je ne voulais rien de lui et que j’étais venu lui parler d’autre chose. Il m’a dit qu’il respectait ma position. Je ne veux pas qu’on me recolle l’étiquette de transfuge. Si je deviens ministre, ce sera par la grande porte.

? Vous n’avez pas été tenté, en sachant que Navin Ramgoolam était en position de faiblesse ?

Non, pas du tout. Je n’y étais pas allé pour négocier. Au contraire, je lui ai dit, «voilà où la corruption t’a mené».

? Qu’est-ce qui vous intéresse autant dans la réforme électorale et le débat sur la IIe République ?

La démocratisation de l’économie est un échec aujourd’hui et c’est pour cela que je pense que la démocratisation du pouvoir politique est extrêmement importante.

? Justement, vos adversaires vous accusent de ne pas croire dans la démocratisation de l’économie. C’est pour cela que vous préférez vous attarder sur celle du pouvoir politique ?

Pas du tout. Je demande à ces gens qui disent aimer le slogan de démocratisation de l’économie pourquoi le Mauritius Turf Club continue à payer des peanuts au gouvernement pour le prime land qu’il occupe à Port-Louis ? C’est comme toutes ces îles qui sont louées à un prix ridicule aux particuliers. Je dis qu’il faut reprendre ces îlots. La démocratisation de l’économie repose sur l’accès aux finances. Le système bancaire est tout sauf cela. Des banques font des millions de profits alors que les PME sont en train de fermer parce que ces banques refusent de les soutenir et saisissent leurs maisons. Où est la démocratisation ? Qu’on arrête avec ce bluff communal parce que finalement, ce gouvernement-là a engraissé les capitalistes encore plus.

? Revenons à votre rencontre avec le PM. Vous dites que c’est vous qui avez mis la question de la réforme électorale sur le tapis, alors qu’à ce moment-là, on n’en parlait pas encore. Voulez-vous dire que c’est vous qui avez donné l’idée à Navin Ramgoolam de reprendre les discussions à ce sujet ?

Je ne sais si c’est moi qui lui ai donné l’idée ou ce qu’il avait en tête. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il était très attentif à ce que j’avais à lui dire. Et je suis trèscontent qu’il y a eu des discussions après. Mais il faut maintenant aller plus loin.

? Après votre rencontre avec le PM, vous avez tenu une conférence de presse pour demander la dissolution du Parlement. En avez-vous discuté avec Navin Ramgoolam ?

Il faut faire la réforme d’abord, et ensuite dissoudre le Parlement. Sel solisyon, disolisyon. Et puis nettoyer, mettre une équipe crédible, faire une alliance solide, partager le pouvoir entre le président et le PM et aller vers les élections. Forcément, les modalités doivent être discutées, mais un consensus doit être trouvé si l’on veut oeuvrer pour le pays et pas pour ses propres intérêts. Ce n’est que quand les pouvoirs seront partagés que les alliances dureront.

? Mais si Navin Ramgoolam accepte de faire des compromis, de réformer le système et de dissoudre le Parlement, il acceptera de facto que son gouvernement est en position de faiblesse. Pensez-vous qu’il fera cela ?

Karia dan lakaz depi premie zour ! S’il refuse de le reconnaître pour des raisons d’orgueil, c’est le pays qui en souffrira.

? Facile à dire quand on est dans l’opposition. Ne pensez-vous pas que ceux au pouvoir ont justement peur de perdre ce pouvoir ?

Oui, mais s’ils s’asseyent et discutent sérieusement avec le MMM, il n’y a aucune raison pour qu’ils perdent le pouvoir. Le problème, c’est que Ramgoolam ne voudra pas partager. Il veut tout contrôler jusqu’au jour où il perdra le pouvoir. Et inévitablement, le MMM ira avec le MSM.

? Vous parlez comme Paul Bérenger en disant qu’il faut nettoyer. Encore une fois, si Navin Ramgoolam accepte, cela ne signifira-t-il pas qu’il reconnaît que c’est vrai ?

Il faut qu’il l’accepte. Il est aujourd’hui en minorité dans le pays. Si nous avons eu 44 % aux dernières élections, le MSM vaut bien 10 %. Combien reste-t-il pour Navin Ramgoolam ? Ce n’est plus un gouvernement légitime et c’est malsain.

? Vous êtes très atypique comme politicien. Vous êtes blanc, riche et vous tenez un langage que l’on n’associe généralement pas avec ceux qui ont votre profil. Et d’ailleurs, toutes les critiques politiques contre vous sont axées sur la couleur de votre peau…

Vous savez, ceux qui m’ont fait le plus de mal sont des blancs. Mais c’est vrai que les gens ont tendance à me limiter à la couleur de ma peau. On dit aussi que je suis contre la démocratisation parce que je suis blanc. Moi je dis allez-y, attaquez-vous au gros capital, aux banques. Faites ce qu’il faut faire. Que Xavier Duval s’asseye avec Manou Bheenick et discute de la façon de casser cette mafia. On peut dire ce que l’on veut, dilo lor bredsonz. A chaque fois que j’ouvre la bouche au Parlement, on dit «accapareur». Mais ils ont le pouvoir, pourquoi ne cassent-ils pas les reins aux accapareurs ? Qu’est-ce que Cader Sayed Hossen a fait, quel est son bilan ? Les dinosaures, comme dirait Nita Deerpalsing, sont toujours en train de s’engraisser et qu’a-t-elle fait ? Moi je dis qu’il faut être impitoyable avec les corrompus du secteur public et privé, de même qu’avec les patron dominer.

? A quoi ça sert de tenir ce discours quand personne ne vous soutient au Parlement, pas même votre partenaire, le MMM ?

Je fais ce que je peux. Je vais faire des dépositions à la police, à l’ICAC et je soulève des affaires au Parlement, même si cela énerve le Speaker, mais les ministres ne répondent pas. Nous sommes à un stade où le système démocratique ne marche pas, parce qu’à la tête du gouvernement, on ne veut pas envoyer un signal fort. Et là, je dis à Pravind Jugnauth que s’il sait quelque chose sur MedPoint, il faut qu’il parle. Il faut que l’ICAC l’appelle. Et je dis à Anil Kumar Ujoodah et à Dhun Iswar Rampersad qu’ils sont payés des fonds publics et qu’ils doivent faire leur travail, sinon qu’ils démissionnent. Mais effectivement, parfois je me demande à quoi ça sert.

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN

 

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