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François Eynaud :«Les opérateurs hôteliers doivent restructurer leurs dettes et opérer avec prudence et rigueur»
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François Eynaud :«Les opérateurs hôteliers doivent restructurer leurs dettes et opérer avec prudence et rigueur»

Quel bilan dressez- vous pour l’industrie touristique en 2012 ?
La performance de l’industrie touristique en 2012 a été mitigée. La stagnation constatée au niveau des arrivées n’a pas été une bonne performance, par rapport à notre prévision de croissance de 3,1 % en début de l’année dernière.
Et ce, comparé à d’autres destinations concurrentes et à la croissance du tourisme international qui se situe entre 3 % et 4 %. Vu le contexte économique international, on peut dire qu’on a minimisé la casse. Je pense que les trois vols supplémentaires mis à la disposition d’ Emirates Airlines et les deux vols introduits sur la destination Shanghai y ont été pour quelque chose.
Par ailleurs, comme le nombre de chambres d’hôtels a augmenté de 7 % en 2012 ( sans compter la croissance importante de l’hébergement para- hôtelier), l’occupation nationale qui était de 76 % en 2007 et 65 % en 2011, a chuté à environ 62 % en 2012.
D’autre part, quand on ajoute à cela, une baisse, depuis trois ans, du nombre de sièges d’avion ainsi qu’une augmentation des prix du billet et des taxes, nous faisons effectivement face à un sérieux problème structurel. D’ailleurs, ce déséquilibre entre le nombre d’arrivées, de chambres d’hôtel et de sièges d’avion s’accentue depuis trois ans.
C’est un déséquilibre entre l’offre et la demande qui affecte également tous les autres opérateurs du tourisme, les taxis, les excursionnistes et autres restaurants et magasins.
S’agissant des taux de change défavorables, on peut dire que les opérateurs en ont beaucoup souffert en 2012. Mais nous sommes confi ants qu’il y a eu une bonne prise de conscience de ces problèmes l’année dernière et que des décisions importantes seront prises en 2013.
Comment expliquez- vous que malgré une prévision de croissance de 3,1 % en 2012, il n’y a pas eu de progression signifi cative dans les arrivées touristiques ?
Il n’y a pas eu de croissance des arrivées touristiques en 2012. La baisse des arrivées de l’Europe a été compensée par une augmentation des pays émergents. Vu notre forte dépendance de l’Europe, la crise de la zone euro nous a fortement pénalisés. Par ailleurs, il y a aujourd’hui plus de compétition sur d’autres destinations, sans compter la réduction de la desserte aérienne de l’Allemagne, de l’Italie et de la Suisse ainsi que l’augmentation des prix et des taxes sur les billets d’avion. Bref, nous n’avons pas été assez performants sur les fondamentaux de l’industrie touristique, qui sont l’attractivité, la visibilité, l’accessibilité et la compétitivité de la destination mauricienne.
Vous évoquiez l’année dernière, au moment de votre nomination à la présidence de l’AHRIM, que l’industrie touristique est en « mode survie » , est- ce toujours le cas ?
La plupart des opérateurs hôteliers et non- hôteliers souffrent de la surcapacité de l’offre. Cette surcapacité entraîne une guerre des prix alors que les frais d’opération augmentent.
De plus, l’industrie hôtelière, déjà fortement endettée, est confrontée à des problèmes de trésorerie. Afin de pérenniser leurs entreprises et surmonter cette longue période de crise, les opérateurs doivent restructurer leurs dettes et opérer avec prudence et rigueur. Tout cela en conservant, voire en continuant à améliorer la qualité de leurs services. Comme on peut le constater, les marges de manoeuvre sont très fines.
Estimez- vous qu’il y a urgence de défi nir une nouvelle stratégie touristique ?
En effet, sans un plan directeur, nous serons, comme le souligne un opérateur hôtelier, dans l’improvisation. Les fondamentaux de l’industrie touristique, ses marchés et sa distribution ont beaucoup évolué.
Il nous faut une nouvelle stratégie, un nouveau plan directeur. C’est ce que l’AHRIM propose depuis un an.
Devant l’urgence de la situation et avant de dégager une nouvelle feuille de route globale, il faut rapidement identifi er les priorités pour pouvoir décider et agir. Ces priorités ont été discutées entre tous les stakeholders en 2012 et il y a quelques actions qui ont été enclenchées.
Pour assainir la situation, nous devons prendre des mesures substantielles, efficaces et rapides.
Partagez- vous l’analyse de certains spécialistes qui soutiennent que la solution au déséquilibre structurel entre l’offre et la demande passe inévitablement par une révision de l’accès aérien ?
Nous sommes une petite île très éloignée des principaux marchés. Une desserte aérienne fl exible et compétitive est donc essentielle au développement de notre industrie touristique. La restructuration de la compagnie aérienne nationale et la recherche d’un partenaire stratégique pour Air Mauritius seront cruciales pour notre tourisme cette année.
Il nous faut redéfi nir la stratégie de desserte aérienne de Maurice en tenant compte de la situation d’ Air Mauritius , des marchés insuffi samment exploités, de la saisonnalité, des dessertes par charters, si nécessaire.
Il ne suffit plus d’avoir des accords bilatéraux.
Nous devons attirer les compagnies aériennes qui pourraient desservir les marchés à fort potentiel, par des initiatives diplomatiques et commerciales ( budget de promotion, taxes aéroportuaires compétitives, etc…).
Il s’agit de prendre des actions pour stimuler la demande pour Maurice et soigner notre image.
Les deux vols d’ Air Mauritius pour Shanghai relèvent d’une très bonne initiative soutenue par tous les acteurs de l’industrie. Les principaux groupes hôteliers ont beaucoup souffert de la crise fi nancière de la zone euro, en 2012, vu que celle- ci représente le plus gros réservoir touristique de Maurice.
Les spécialistes prévoient un début de reprise dans cette zone en 2013. Est- ce une situation qui vous rassure ?
La situation de l’économie mondiale restera difficile cette année. Le début de la reprise en Europe commencera en Angleterre.
Ce sera très progressif. L’arrêt de certaines dessertes sur la destination européenne par Air Mauritius ( Allemagne, Suisse et Italie) sera très pénalisant, car les solutions alternatives d’accès sont insuffisantes. L’important est de stopper la chute des arrivées d’Europe, à travers des efforts de promotion cohérents et synchronisés.
Les prévisions de croissance des arrivées pour 2013 sont de 3,6 %, selon Statistics Mauritius . C’est réalisable, mais nous devons rester inquiets, car le parc de chambres hôtelier et non- hôtelier va croître de plus de 3,6 % cette année. Cela, alors même que nous avons peu de visibilité sur l’évolution du nombre de sièges d’avion en 2013.
Les autorités insistent pour diversifi er les marchés traditionnels touristiques de Maurice et proposent aux hôteliers de cibler les marchés émergents comme l’Inde et la Chine. Est- ce une stratégie payante à terme pour les opérateurs ?
Tout en consolidant nos parts de marché en Europe, une zone qui demeurera à faible croissance du Produit intérieur brut, nous devons trouver des relais de croissance importants dans des marchés émergents comme l’Asie, la Russie, l’Europe de l’Est, l’Afrique, l’Amérique du Sud. La démarche pour faire venir Aerofl ot est, somme toute, encourageante.
 Propos recueillis par Villen ANGANAN
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