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François Mandroux : vice- président du CER «Exister en tant que région et non être des microbes sur la carte mondiale»
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François Mandroux : vice- président du CER «Exister en tant que région et non être des microbes sur la carte mondiale»

Le Club export Réunion ( CER) organise avec la Chambre de commerce et d’industrie France- Maurice les «Rencontres Maurice– Réunion du développement durable» , les 17 et 18 octobre. Le vice- président du CER y voit des opportunités de développement économique régional.
Il était temps que les îles soeurs se rapprochent !
En effet. On parle beaucoup de coopération entre nos îles. Elle existe via la France, la Commission de l’océan Indien ( COI), sur des enjeux culturels, sanitaires et économiques. Mais, sur ce dernier point, il manquait un cadre pour la coopération inter- îles. En fait, il y a un accord- cadre signé lors de la visite de Navin Ramgoolam à La Réunion, en janvier 2010. Mais il est presque vide. De notre côté, on essaie de le remplir en suivant les objectifs de la Région Réunion. Notre objectif est de structurer les démarches, d’accélérer les choses avec un cadre annuel d’échanges. D’où l’idée de ces rencontres Maurice– Réunion autour d’un thème qui regarde les deux îles. Pour cette première édition, ce sera le développement durable puisque c’est l’année du développement durable à La Réunion et que Maurice initie un plan d’action concret pour son projet « Maurice île durable » .
Elles sont nombreuses les entreprises du Club export Réunion ( NdlR, 120 entreprises primo et senior exportateurs) à voir Maurice comme un marché porteur ?
Il y a eu des gamelles et des déceptions.
Mais il y a de belles réussites. Un peu plus de 20 % de nos membres ont une activité à Maurice. C’est le cas de mon groupe, Master Group , à travers Facto We , à Maurice depuis 2006. C’est le cas de Dom’eau , spécialiste dans le traitement des eaux. Le marché mauricien fait moins peur que le marché malgache.
Le climat des affaires est bon, il y a une visibilité et une lisibilité du monde des affaires, etc. Comme pour tout autre marché, Maurice a ses spécifi cités. C’est pourquoi au sein du Club export on établit un diagnostic export de l’entreprise pour voir si elle détient l’ADN à l’export, et ainsi diminuer le risque d’un échec. On l’a fait récemment avec Zinc OI , qui s’implante à Maurice. L’entreprise est spécialisée dans les toitures en zinc, idéales dans les milieux tropicaux.
Venons- en aux journées Maurice- Réunion du développement durable. Quels sont les domaines d’expertise réunionnais dont Maurice pourrait bénéficier ?
Etant un territoire français et européen, des réglementations nous obligent à traiter les problèmes environnementaux et de développement durable depuis plus de 20 ans. On a donc une expérience à partager et des compétences. Par exemple, notre plan départemental d’élimination des déchets ménagers a dû être reconfi - guré. C’est qu’on avait sous- estimé la part des déchets verts, soit près de la moitié des déchets ménagers réunionnais.
Dans cinq ans, on aura une réglementation pour gérer tous les pesticides de l’agriculture cannières, car on le sait, par ruissellement, ils fi nissent dans le lagon.
Dernier exemple, nous avons développé une expertise en matière de climatisation naturelle. Cette expertise n’est pas destinée qu’aux maisons individuelles. Mais pour développer les modèles de climatisation naturelle, il faut pouvoir faire des tests en souffl erie. Or, il faut se tourner vers Paris. C’est un équipement qui ne coûte pas cher, qui pourrait être installé dans la région, fi nancé par la COI. Ainsi, notre région pourrait développer une compétence commune en la matière pour toute la zone tropicale.
Autrement dit, l’union fait la force…
Ce qu’on ne peut fi nancer seul, on peut le faire à plusieurs. Le traitement des déchets est un bon exemple. A La Réunion, on exporte nos déchets. Pourquoi ne pas se grouper pour l’exportation notamment les déchets électroniques ? Constituons une filière de traitement primaire des déchets électronique dans la zone.
Mobilisons nos compétences pour la valorisation des déchets à l’échelle régionale. Ce sont des axes sur lesquels réfléchir.
La COI planche justement sur un projet de lignes maritimes. Vous parlez là du préalable à une ligne maritime régionale…
Exactement. Nous devons d’abord penser aux filières régionales, créer des flux, intégrer nos démarches économiques. C’est essentiel pour viabiliser ce projet nécessaire de ligne maritime.
On a parlé de l’expertise réunionnaise. Quid de Maurice ? Ce sont les marchés qu’ouvrent Port- Louis qui intéressent La Réunion, non ?
Vous avez une tradition d’affaires anglo- saxonne, une grande ouverture à l’international, un tissu d’entreprise dense et solide, une technologie up- to- date . Vous témoignez en cela d’une formidable avance d’autant que vous êtes un Etat souverain et nous une collectivité territoriale.
Le Board of Investment et Entreprise Mauritius nous proposent des partenariats pour toucher l’Afrique de l’Est, voire l’Inde. Les Réunionnais ont à y gagner.
Le tissu économique de La Réunion et de Maurice est grandement composé de PME. N’estce pas diffi cile pour les petits opérateurs d’être « eco- friendly » , compte tenu des coûts et de leur marge de manoeuvre réduite ?
Tout à fait. C’est un problème. Mais c’est un coût qu’il faut consentir. Par exemple, les petits opérateurs de l’industrie touristique sont obligés de prendre le train du développement durable, des bonnes pratiques environnementales.
Car la dégradation de l’environnement naturel et sociétal impacte directement leur activité.
N’empêche, les PME se débattent souvent pour garder la tête hors de l’eau. Les bonnes pratiques environnementales peuvent alors leur apparaître comme une contrainte...
La première version du Grenelle de l’Environnement à La Réunion nous a été imposée par l’Etat. C’était peut- être nécessaire. Mais il a fallu une nouvelle mouture, plus fédératrice, si bien qu’au lieu d’y voir des contraintes, on y voyait des opportunités. A long terme, ce genre de cadre aide à orienter les filières industrielles qu’on veut avoir. Les entreprises, grosses ou petites, ont tout à intérêt à s’inscrire dans le mouvement, pour pérenniser leur activité, voire la réorienter.
Depuis décembre 2011, suite à la charte signée entre le CER et la Région Réunion, un chargé de coopération est posté à Maurice. Il y a aussi l’ambassade de France. Néanmoins, faudrait- il aller plus loin, avec un consulat ou une représentation permanente réunionnaise à Maurice ?
On a l’Ambassade de France qui fait un gros travail, et ça fonctionne bien. Je pense plutôt qu’il faut aller plus loin au niveau régional. Le concept des « Iles Vanille » va dans ce sens. Il faut que la région soit visible, comme le sont les Caraïbes, les Antilles, la Polynésie etc. Pourquoi ne pas créer un board regroupant toutes les agences de promotion de l’investissement de la région ? Ceci augmenterait la visibilité de notre zone, où il y a une vraie complémentarité entre les îles. Il faut un marketing territorial plus large.
Par exemple, la MEXA devrait nouer un partenariat avec le Centre régional d’innovation et de transfert de technologie pour mieux pénétrer les marchés européens, comprendre les normes, etc.
Une entreprise étrangère qui s’implanterait à Maurice pourrait bénéfi cier de ce partenariat et du corridor de développement vers l’Europe via La Réunion. Et, en sens inverse, les entreprises de La Réunion peuvent bénéfi cier des corridors de développement qu’ouvrent Maurice vers l’Afrique et l’Asie. C’est une ambition stratégique que nous portons au CER. Les entreprises réunionnaises doivent prendre une dimension régionale. Les vôtres, pour les plus grosses, ont déjà cette dimension. On est des microbes sur la carte du monde et, pour relever les défis du commerce international, il faut exister sur la carte en tant que région. En plus, cette démarche répartit les risques.
 
 
Entretien réalisé par Gilles RIBOUËT
 
 
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