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Gagging Order: la rapidité de la Cour suprême fait tiquer les juristes
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Gagging Order: la rapidité de la Cour suprême fait tiquer les juristes

Une demande d’injonction contre la presse faite un samedi. Entendue le même jour. Décidée le même jour. L’ordre servi le même jour. Et, qui prend effet le même jour.
Les événements qui se sont déroulés en Cour suprême, samedi, ont pris de court tous les avocats que l’express a contactés pour un commentaire sur ce gagging order. Ils ironisent tous sur la «vitesse avec laquelle la justice agit».
La Cour suprême, apprenons-nous, est généralement fermée le samedi. «Sauf s’il y a des juges qui viennent pour écrire leur jugement.» En tout cas, nous assurent les légistes, «les clercs de la Cour ne travaillent pas et les clés de bureaux sont généralement déposées au poste de police le plus proche». Or, dans le cas de Nandanee Soornack, qui a pour avoué Cader Mallam Hassam, candidat battu du Parti travailliste (PTr) à Sodnac, lors des dernières élections municipales, et comme avocat Yousuf Mohamed, «elle a non seulement pu trouver un juge en chambre en la personne du juge Domah, mais aussi la Senior Registrar Woo Show Wing, qui a eu accès aux tampons de la Cour, qui se trouvent dans un bureau qui aurait dû être fermé à cette heure» , commente un avocat.
Un autre homme de loi affirme que «le chef juge n’aime pas que l’on dise qu’il existe à Maurice une justice à deux vitesses. Dans ce cas précis, de quel type de justice s’agit- il ? » C’est la nature et la gravité de l’ordre qu’a émis le juge qui font tiquer. «Un gagging order dans un pays qui reconnaît la liberté d’expression est quelque chose d’extrêmement grave et n’est émis que très rarement et dans des cas exceptionnels», explique un juriste.
«La nature même d’une demande d’injonction est qu’il s’agit de quelque chose qui est tellement urgent qu’on ne peut pas attendre», renchérit un autre légiste. Et là, selon l’article 71 du Courts Act, le juge en chambre a tous les pouvoirs et la prérogative d’écouter et d’émettre un ordre. «N’oubliez pas qu’un juge est un juge tous les jours, même les samedis et même à minuit quand il est chez lui. Son pouvoir d’entendre des demandes d’injonction est le même», rappelle un avoué.
La dernière fois qu’un juge de la Cour suprême a été sollicité en dehors des heures de bureau et en toute urgence, était, selon une source au sein du judiciaire, dans l’affaire Vanessa Lagesse. Le commissaire de police avait pris l’engagement ce jour- là, en Cour, de ne pas arrêter le couple Desmarais.
Or, à onze heures du soir, l’inspecteur Raddhoa débarque chez les Desmarais pour les arrêter. Ces derniers appellent leur avocat Maxime Sauzier, qui lui, appelle la juge Saheeda Peeroo chez elle. Rendez-vous est donc pris chez la juge aux petites heures du matin, pour faire échouer la tentative d’arrestation des Desmarais.
«Ça, c’est ce que j’appellerai une urgence. Tout le monde connaissait les méthodes de Raddhoa et il viole l’engagement pris en Cour par la police. Je ne pense pas que la demande de Soornack était aussi urgente», commente un légiste. «Au lieu d’un ordre aussi grave, cela aurait été plus raisonnable de demander aux journaux de prendre l’engagement de ne pas parler de la vie privée de Nandanee Soornack jusqu’à mardi.» Des sources bien informées font ressortir que «ce n’est pas un hasard que cet ordre a été demandé un samedi, à la veille de la publication des journaux qui allaient faire état de la déposition de Pravind Jugnauth». Mais cette offensive de Nandanee Soornack donnera lieu à un débat important, la ligne de démarcation entre la vie privée d’une personne publique.
«Un agent politique est une personne publique. La Cour devra éventuellement se prononcer sur la question de savoir où la vie privée commence et où elle finit.» Car selon nos sources légales, «si le but était d’empêcher que l’on porte atteinte à la vie privée de Nandanee Soornack, il aurait été plus logique d’intenter une affaire pour diffamation. Or, elle ne l’a pas fait. Ce qui semble l’intéresser, c’est d’empêcher que l’on ne publie autre chose», analysent-elles. Et de préciser que «l’ordre intérimaire ne concerne pas les business de Soornack». Les conseils légaux de La Sentinelle et du groupe Le Mauricien ont rendez-vous demain avec le juge Domah.
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