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Gagnants au Sommet de Gender Links : Ecrire pour changer les perceptions
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Gagnants au Sommet de Gender Links : Ecrire pour changer les perceptions

Seize personnes, la plupart des journalistes des pays de l’Afrique australe et gagnants des différentes catégories du concours organisé dans le cadre du Sommet sur le Genre, les Médias et les Collectivités locales, organisées par Gender Links, ont séjourné à Maurice la semaine dernière. Deux d’entre elles, issues de la presse écrite nous parlent de leurs récompenses. Il s’agit à leurs yeux d’une reconnaissance : celle que leurs écrits ont contribué à changer les perceptions.
Thandeka Moyo : « Etre le porte-parole des sans-voix »
Thandeka Moyo, 23 ans, a beau n’être qu’une stagiaire pigiste au quotidien The Chronicle dans la ville de Bulawayo, au Zimbabwe, elle semble déjà avoir tout compris, ou presque, du métier de journaliste. Pour sa couverture d’un cas de violence basée sur le genre, elle a non seulement obtenu le trophée de Newsreporter of the Year 2012, ex aequo avec un journaliste totalisant 15 ans de carrière, mais aussi le trophée de Best Print Reporter au concours de Gender Links.
Plusieurs facteurs ont fait qu’elle a été primée, à savoir la façon dont elle a abordé un fait divers sanglant dont la victime était une femme, quelques jours seulement après la Journée internationale de la femme, où il y a eu une marche pacifique contre la violence envers les femmes. Ont aussi été pris en compte le suivi qu’elle a fait de cette affaire et sa ténacité à écrire sur le sujet malgré les menaces dont elle a fait l’objet.
Si elle a opté pour une maîtrise en journalisme auprès de la National University of Science and Technology de Bulawayo, c’est parce qu’elle se sait très bavarde et qu’elle possède de «good communications skills», dit-elle. Au cours de sa deuxième année d’études supérieures, un module spécifique sur le genre, la race et la classe dans les médias lui ouvre les yeux. «J’ai réalisé que les femmes ysont sous-représentées et que lorsqu’elles le sont, c’est toujours en tant que victimes de viols, en tant que femmes battues ou miséreuses enquête d’aide.»
Dans le cadre de ses études, elle obtient un stage à The Chronicle. Là aussi, elle réalise qu’il n’y a qu’une femme affectée à la rubrique politique et qu’il n’y a qu’un desk ayant une femme pour responsable et que c’est celui du divertissement. Lorsqu’elle analyse le contenu du quotidien, elle découvre que les femmes ne sont pas plus présentes. «Les femmes sont rarement interrogées et citées dans des articles sérieux.»
Elle préfère ne rien dire afin d’obtenir un bon rapport de stage. Mais dans ses écrits, elle s’assure que l’on entende la voix des femmes et ne se contente pas d’une source unique mais de plusieurs voix. Elle couvre diverses rubriques.
En mars 2012, quatre jours après la marche antiviolence organisée à l’occasion de la Journée internationale de la femme, un homme tue sa femme à coups de machette et la démembre. Comme Thandeka Moyo habite à deux pâtés de maison de la scène du crime, elle s’y rend et réussit à y accéder. Elle est horrifiée par ce qu’elle voit. Elle interroge les voisins qui avouent que le couple se disputait régulièrement et que la femme était battue. Elle ne comprend pas pourquoi les voisins n’ont pas averti la police alors que la loi leur en donne le droit. Il s’avère qu’ils l’ignoraient.
Elle contacte les organisations militant pour l’égalité du genre et réussit à accéder à la chambre d’hôpital du mari qui a tenté de se suicider. Il refuse de lui parler. L’article, qui comprend une multitude de voix, fait la Une du journal qui est vite épuisé.
Le lendemain, Thandeka Moyo, qui a interrogé la bonne du couple, raconte que le mari a tué sa femme sous les yeux de leur fils de sept ans. Le surlendemain, le suivi porte sur la relation extraconjugale qu’entretenait le mari, les voisins interrogés estimant que ce dernier a tué sa femme pour cette raison.
Le quatrième jour, elle fait parler la maîtresse alléguée qui nie toute relation avec le mari. La journaliste fait aussi le suivi en cour après avoir appris que la femme avait entamé une action en justice contre son mari pour infidélité.
Des inconnus débarquent à la rédaction et comme elle est absente, ils lui laissent un message : celui de ne plus écrire sur le sujet car autrement, elle aura affaire à eux. Thandeka Moyo n’en fait pas grand cas.
À un moment, et selon les croyances ancestrales de la tribu des Shona dont fait partie la défunte, la famille de cette dernière demande à celle du mari de donner 56 têtes de bétail et de verser 3 000 dollars américains «pour laver le sang répandu etpour que l’esprit de la femme assassinée ne vienne pas les hanter». Bien évidemment, Thandeka Moyo le rapporte, tout comme elle relate que la famille refuse d’enterrer la morte. Au final, elle le fait un mois plus tard. La journaliste écrit au total une dizaine d’articles sur le sujet.
Elle pense avoir été doublement primée parce qu’elle a abordé ce fait divers sous différents angles, y compris celui de l’autonomisation économique car les revenus de la femme assassinée étaient supérieurs à ceux de son mari. Ces trophées viennent lui confirmer qu’elle est sur la bonne voie. «J’ai souvent douté demoi et ces prix sont une réponse de Dieu que je suis là où je dois être. Cela m’encourage à persévérer et à être le porte-voix des sans voix.»
Edgar Barroso : «Intéresser les jeunes aux politiques affectant leur vie»
Edgar Barroso veut parler aux jeunes en utilisant un langage accessible. Il a commencé par animer une page Facebook et un blog avant de devenir journaliste.
La jeunesse mozambicaine s’intéresse peu à la vie politique et aux décisions qui en découlent mais qui, pourtant, affectent leur vie. Edgar Barroso, journaliste politique à @verdad, hebdomadaire de Maputo dont le nom signifie «la vérité», s’est donné pour mission de les autonomiser. C’est en écrivant sur les effets du changement climatique qu’il a décroché le premier prix de sa catégorie.
Depuis qu’il est tout jeune, la flamme du journalisme anime Edgar Barroso, 29 ans. Mais lorsqu’il termine l’école, aucune des institutions d’études supérieures de Maputo n’offre de cours de journalisme. Il opte donc pour les relations internationales, qu’il étudie pendant cinq ans. C’est en 2008 qu’il termine ses études et, comme les emplois sont rares, il enseigne le portugais, l’histoire et la géographie dans un établissement secondaire.
Il est surpris de constater que les jeunes ne s’intéressent pas à ce qui se passe dans leur pays. «Et cepour deux raisons : ils n’ont pas le niveau d’éducation requis et l’information à propos des affaires publiques qui les concerne pourtant n’arrive pas jusqu’à eux.» Edgar Barroso se met en tête de rectifier le tir. «J’estime qu’il faut qu’ils soient au courant de ce qui se passe dans leur payset qu’ils en discutent dans un langage qui leur est propre. Je me suis dit qu’il fallait rendre la communication accessible.»
C’est ainsi qu’il crée un compte Facebook et un blog où il écrit des articles sur divers sujets ; cela va des droits humains à la démocratie, en passant par l’éducation, dont il faudrait rehausser le niveau, et la pauvreté.
Ses écrits sont remarqués par la direction d’@verdad, hebdomadaire très populaire dans la capitale et à la campagne. On lui propose d’y devenir journaliste politique. Il ne se fait pas prier. «C’est ma mission. Ihave to empower people andmainly the youth who constitutemore than half of Mozambique’spopulation andyet who are not represented inParliament. It is a must thatthey appropriate politics andget into these structures».
Il n’y a pas que la direction d’@verdad qui remarque ses écrits. GenderLinks aussi. Il est invité à écrire des articles pour cet organisme. C’est ainsi qu’un de ses articles porte sur un groupe de femmes qui gagnent leur vie en vendant des moules qu’elles vont ramasser à la mer. «Ily a dix ans, elles remplissaient des sacs et gagnaient bien leur vie. Aujourd’hui, en raison du changement climatique, lesmoules sont rares. De plus, cesfemmes sont mariées à des pêcheurs et pour eux également,le poisson est rare. C’est leur qualité de vie qui est affectée.Eux imputent ces changementsà Dieu qui serait en colèrecontre eux, alors que c’estsimplement une conséquence du changement climatique.»
Le deuxième article qui, en complément du précédent, a contribué à sa récompense, est l’histoire d’agricultrices qui cultivaient une terre arable appartenant à l’État. Le gouvernement mozambicain a repris ces terres d’elles pour y construire une usine d’aluminium, industrie très polluante. Elles ont été déplacées un peu plus loin et le terrain qu’elles cultivent rapporte moins. «Les récoltes sont moindres en raison de la pollution et c’est leur qualité de vie qui est affectée car elles negagnent pas suffisamment des ventes de leurs produits.»
Pour lui, ce prix veut tout simplement dire qu’il est sur la bonne voie et qu’il fait la différence dans la vie des gens. «Cela me motive à mettre davantage en lumière les choses qui se passent dans mon pays.»
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