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Gassen Condavelloo Dorsamy - Directeur exécutif de la CHC : Un professionnel de parole

27 octobre 2013, 12:39

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Gassen Condavelloo Dorsamy - Directeur exécutif de la CHC : Un professionnel de parole

En juin dernier, au plus fort des négociations syndicales à la «Cargo Handling Corporation», Gassen Condavelloo Dorsamy, son directeur exécutif, acceptait de nous recevoir avant de se décommander à la dernière minute en promettant de nous rappeler. Portrait d’un professionnel de parole qui veut faire de Port-Louis un port de référence dans la région. 

 

Gassen Condavelloo Dorsamy est tout ce qu’il y a de plus autodidacte. Il est né il y a 63 ans sur le camp sucrier de Rose-Belle et est le troisième de sept enfants. La vie l’ayant fait naître dans une famille très modeste – pendant la coupe, son père est meunier et à l’entrecoupe, sirdar alors que sa mère est laboureur – il se jette à corps perdu dans les études. Mais il sait aussi s’amuser sainement, jouer au football avec ses cousins et les autres enfants du camp, aller pêcher à la rivière ou cueillir des goyaves.
 
C’est au Rose Belle North Government School qu’il fait sa scolarité primaire et la secondaire au Windsor College. Étant très porté pour les chiffres, son frère aîné, qui exerce comme Meter Reader au Central Electricity Board (CEB), l’incite à apprendre la comptabilité par lui-même et le guide. Son père boit et fume beaucoup et tabasse sa femme sous les yeux des enfants. Gassen Condavelloo Dorsamy en est marqué à vie. «C’est pour cela que vous ne me verrez jamais fumer, ni boire de l’alcool.»
 
Le 13 mars 1968, la famille Dorsamy vit un drame terrible. Le fils aîné et mentor de notre interlocuteur, est à moto lorsqu’il est renversé par un chauffard ivre et ce, devant le poste de police. Il y laisse la vie. «Mon père n’a plus voulu habiter Rose-Belle et cela a été un prétexte pour lui pour boire et fumer davantage.» Ils déménagent. Comme la famille n’a pas les moyens de lui payer des études supplémentaires, il est obligé de trouver du travail. C’est au CEB et comme Meter Reader qu’il entre en avril 1968. À partir de là, il s’applique et gravit les échelons. Deux ans plus tard, il est nommé Cash Check Clerk.
 
Gassen Condavelloo Dorsamy qui veut parfaire son éducation, s’achète des livres et continue à apprendre la comptabilité tout seul. Il suit le programme d’études de comptabilité analytique (costing) de la London Chamber of Commerce et réussit le Higher Stage Accounting et le Higher Stage Costing. Il est nommé Junior auditor au CEB.
 
«Je suis quelqu’un de positif et j’essaie de ne voir que le bon côté chez les gens et les choses. Ce poste est ingrat car on fait de tout. Et au CEB, on usait et abusait de moi. Comme je suis curieux de nature et que cela me permettait d’apprendre, je me laissais faire. I’ve been used extensively mais j’y prenais plaisir car cela m’a permis de développer un système de contrôle.» Une attitude qui lui vaut d’être nommé Senior Internal Auditor en 1977. Après un break de trois ans au cours duquel il emmène sa mère découvrir le Sud de l’Inde et qu’il part se promener en Europe, il reprend du service au CEB et reprend en parallèle ses études. Il veut à tout prix avoir l’équivalent du Higher School Certificate et il étudie six mois le français et l’économie avant de prendre part à l’examen de General Certificate of Education qu’il réussit.
 
Cette fois, il tente de se faire admettre à l’université de Maurice (UoM) pour obtenir un diplôme en administration des entreprises. Deux désistements de dernière heure le lui permettent. Il suit des cours à mi-temps, tout en travaillant en tant que Principal Accounts Assistant au CEB. Il s’applique tant et plus qu’il sort major de la promotion durant deux années consécutives. Si, au départ, il trouve la comptabilité française rébarbative, elle finit par le séduire. Il encadre les autres étudiants. Il embraye avec un diplôme en management et obtient la médaille d’or.
 
Boulimique de connaissances, il attaque cette fois l’ACCA, ses diplômes lui permettant d’être exemptés du niveau I et de se concentrer sur les niveaux II et III. Après deux ans d’études quasiment en solo, «je n’ai pris que quelques cours avec Clensy Appavoo», il part trois mois à Londres afin de passer l’examen final de comptabilité. Mission accomplie pour lui.
 
À son retour, la direction de l’UoM lui demande d’être chargé de cours à mi-temps en comptabilité et comptabilité analytique au niveau du diplôme en gestion hôtelière et du diplôme de ventes et marketing. Gassen Condavelloo Dorsamy accepte de le faire à mi-temps et, en fin d’après-midi, il donne aussi des cours particuliers de comptabilité a des élèves du secondaire. Il fait de même auprès du Chartered Institute of Secretaries. Au CEB, il est nommé Assistant Financial Manager et finalement Financial Manager.
 
Détestant la routine qui s’installe au niveau de son emploi, il prend la décision de changer d’air. Apprenant que Floréal Knitwear, dirigé à l’époque par Daniel Giraud, cherche un financier maîtrisant la comptabilité française pour aller s’occuper de la branche malgache, il postule et est recruté. Il est envoyé à Antananarivo et y débarque en 1991, année de la révolution malgache qui dure sept mois.
 
Au début, il agit comme directeur financier mais au bout d’un certain temps, la direction lui demande de diriger également l’administration, devenant ainsi le numéro 2 du groupe. «C’était un challenge. J’étais partie prenante de la création d’une société qui était le plus gros employeur de Madagascar. Nous avons créé l’équivalent de la MEXA et j’y ai été son trésorier. J’étais heureux car mes compétences étaient reconnues à leur juste valeur.»
 
Après 12 ans, Gassen Condavelloo Dorsamy fait un break et regagne Maurice. Il est envoyé à Tropic Knits qui va mal. «J’ai rejoint une équipe et ensemble, nous avons redressé l’usine et nous l’avons emmenée à un profit record.» Ayant un de ses amis engagé dans le secteur portuaire au Canada mais qui n’aime pas le froid, il envoie à celui-ci un avis de recrutement initié par l’International Container Terminal Services Inc, société internationale d’opérateurs portuaires qui gère plus de 25 terminaux au monde.
 
En examinant l’avis, il se dit qu’il a aussi le profil requis et postule. À sa stupéfaction, la société internationale le contacte et lui propose d’être le Chief Financial Officer du port de Tamatave. L’offre est si tentante qu’il ne peut la refuser. Son épouse Narima accepte à la seule condition qu’à l’issue du baccalauréat de leur fils Adnane, ils regagnent Maurice. Marché conclu.
 
Gassen Condavelloo Dorsamy travaille dur et s’investit beaucoup, assistant le directeur général, qui ne parle pas français, dans la gestion humaine également. Lorsque le directeur général est envoyé ailleurs deux ans plus tard, c’est lui que l’on nomme directeur général en 2007. «J’étais heureux de voir que mes compétences étaient reconnues à leur juste valeur.»
 
Lorsque lui et les siens rentrent au pays en 2011, Gassen Condavelloo Dorsamy, qui a pour passion le football, laisse derrière lui «une société en plein essor, profitable et un personnel bien rodé». Sa société lui propose d’agir comme Business Development Manager pour l’Afrique et il accepte. Mais au bout de quatre mois, il déchante car il réalise qu’il est davantage un gestionnaire qu’un commercial. Il négocie son départ.
 
Il s’achète un bureau au Junction Hub de Calebasses dans l’optique d’y agir comme consultant mais n’a pas le temps de l’utiliser car il est bientôt contacté par un des directeurs de la Mauritius Ports Authority qui lui apprend que le gouvernement cherche un directeur exécutif à la Cargo Handling Corporation (CHC). Après une interview, le poste lui est offert. Il accepte car il l’entrevoit comme un nouveau challenge.
 
Appelé à dire s’il est proche du Parti mauricien social démocrate, Gassen Condavelloo Dorsamy le nie, bien qu’il admette connaître Xavier-Luc Duval. «En fait, en 1982, je soutenais le Mouvement militant mauricien. J’ai été si dégoûté par la cassure que je ne me suis plus intéressé à la politique. Cela ne m’intéresse pas d’en faire non plus.»
 
Lorsqu’il débute à la CHC, il est choqué par le retard technologique qu’il y découvre. «J’ai non seulement hérité d’une situation financière catastrophique mais j’ai réalisé que l’outil informatique était quasi inexistant dans l’administration. Il a fallu revoir tout cela.»
 
Après autant de temps dans le privé, il avait oublié à quel point la bureaucratie y est présente. «Dans les appels d’offres, je me suis vu contraint d’acheter le meilleur marché alors que si j’avais pu, je ne l’aurais pas fait. C’est frustrant. Avec le temps, j’ai réalisé que tout repose sur la façon dont l’appel d’offres est présenté.»
 
Il dit avoir bénéficié du soutien du conseil d’administration et du personnel. Du moins jusqu’aux négociations salariales. «Un compromis a pu être trouvé avec le personnel après recours à la Commission de conciliation du professeur Torul qui est the right man in the right place. Depuis, les employés ont pris connaissance de l’enjeu et la productivité a bien repris à la CHC.»
 
Compte-t-il rempiler à l’expiration de son contrat en 2015 ? Gassen Condavelloo Dorsamy sourit, avant de citer le livre The Black Swan de Nassim Nicholas Taleb dont la théorie repose sur l’imprévisibilité. «Ce que je veux surtout, c’est mettre le port sur les rails et le faire devenir un port de référence dans la région.» Nous nous contenterons de cette réponse-là…
 
«Mes compétences étaient reconnues à leur juste valeur MES.»

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