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Gautam Saddul « L’évaluation de Medpoint à Rs 145 m est une évaluation vaudoue !»
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Gautam Saddul « L’évaluation de Medpoint à Rs 145 m est une évaluation vaudoue !»

? Le chef du bureau d’évaluation a été autorisé à travailler à son propre compte. Est-ce la norme que de lui donner carte blanche ?
Aucun évaluateur du gouvernement ne devrait travailler pour le privé car cela constitue un grave conflit d’intérêt ! Et jamais auparavant, les évaluateurs du gouvernement n’étaient autorisés à travailler à leur propre compte. Seul le chef évaluateur avait le droit de le faire mais les autorisations étaient données au cas par cas. Ce, pour une raison bien spécifique : il n’y avait pas d’évaluateurs privés à cette époque.
? Paul Bérenger a donc raison quand il a dit au Parlement qu’une autorisation générale n’était pas pratique courante ?
Tout à fait. A un moment, le CGV d’alors, Ramrekha, avait été approché par le gouvernement pour faire des évaluations pour le compte de la SICOM. L’évaluation étant un métier relativement nouveau, le gouvernement avait dû envoyer Rajen Ramlackhan à l’étranger pour qu’il soit formé. Entre-temps, l’Angleterre nous avait envoyé M. Tinkler pour nous aider. C’est dire à quel point, à l’époque, il y avait un manque d’évaluateurs.
C’est pour cela que le CGV Ramrekha avait été autorisé à faire des évaluations pour la SICOM. Et c’était toujours au cas par cas.
? Comment expliquez-vous le fait que Yodhun Bissessur ait, lui, eu la permission de faire ce qu’il veut ?
Je ne sais pas ce qu’il a mis dans la lettre qu’il a envoyée au secrétaire financier pour le convaincre. Qu’Ali Mansoor ait pu autoriser une telle chose est inconcevable...
? Qu’est-ce qu’un évaluateur évalue ? Est-il qualifié pour évaluer les équipements d’une clinique, par exemple ?
Non. Un évaluateur évalue tout ce qui a trait à la terre. On n’évalue certainement pas des équipements !
? Dans ce cas, où a-t-il eu cette expertise ?
Il ne l’a pas !
? Selon le «Pay Research Bureau», une des raisons pour lesquelles le chef évaluateur peut travailler à son propre compte est par ce que son salaire n’est pas compétitif.
Dans ce cas, qu’on donne au chef évaluateur un bon salaire, des conditions de travail correctes pour qu’il n’ait pas à aller chercher ailleurs.
? Quel est exactement le rôle d’un CGV ?
Une fois complétée et enregistrée, toute vente de propriété passe par le bureau d’évaluation. Il détermine la valeur de la propriété pour les besoins des Land Transfer Tax, Registration Tax et Capital Gains Tax.
Ces taxes sont calculées sur la valeur que le bureau d’évaluation fixe sur la propriété. Or, beaucoup de transactions sont sous-évaluées. Le système encourage le vendeur et l’acheteur à comploter pour qu’ils paient tous deux moins de taxes.
? J’imagine que les fonctionnaires du bureau d’évaluation sont des gens d’expérience ?
Expérience ne veut pas dire compétence.
Leur expérience est celle du bureau. Ils n’achètent pas, ne vendent pas et, donc, n’ont pas de connaissance du marché. Or, la taxation est calculée sur la valeur du marché.
? Comment procèdent-ils à une évaluation dans ce cas ?
Ils utilisent des comparables. Si j’achète un terrain à Sodnac et le déclare à Rs 10 000 la perche, ils iront voir à quel prix les terres avoisinantes ont été vendues.
? Combien d’évaluateurs y a-t-il au bureau d’évaluation ?
Il y a une trentaine et ils sont assistés par beaucoup de monde. Je dirai qu’une centaine de personnes travaille à ce bureau.
? Si le travail d’un chef évaluateur ou de tout autre évaluateur est de veiller à ce que l’Etat dépense moins, pourquoi, alors, dans l’affaire «MedPoint», ce même bureau a fait une première évaluation pour ensuite la réviser à un montant deux fois plus élevé ?
Dans notre profession, une évaluation n’est pas une science exacte, mais un art.
Deux évaluateurs auront deux opinions différentes de la même propriété.
? Mais avec une telle divergence ?
Non. Généralement, une différence de 10 % à 15 % est acceptable. Jamais 100 % ! A moins qu’il ne s’agisse d’une évaluation vaudoue ! C’est impossible qu’un même bâtiment puisse être estimé à Rs 75 millions et ensuite à Rs 145 millions. A moins que les instructions qu’a eues Bissessur aient été changées.
? Le gouvernement aurait tendance à accepter une évaluation mettant la valeur du bâtiment à un prix plus bas ?
Mais bien sûr.
? Pourquoi avoir eu recours à un «Quantity Surveyor» (QS) pour évaluer la valeur de «MedPoint» ?
Il n’y avait aucune raison. L’on ne fait appel à un QS pour les besoins d’une évaluation que si c’est pour calculer le prix d’un bâtiment spécialisé, que l’on ne peut pas comparer à un autre bâtiment – par exemple une raffinerie. Puisque l’on ne peut pas comparer à un autre bâtiment, l’on calcule la quantité de matériaux – ciment, brique, etc – que l’on aura besoin pour construire un bâtiment.
? Est-ce qu’un hôpital tomberait dans cette catégorie ?
Un hôpital, oui. Pas une petite clinique comme MedPoint. Mais nous savons tous que M. Hoolooman a été piégé dans cette affaire.
? Que voulez-vous dire ?
Bissessur a demandé aux QS du ministère des Infrastructures publiques de procéder à un exercice similaire et ils ont tous refusé car ils savaient que le montant avait déjà été décidé !
? Je croyais que c’était par ce qu’ils avaient trop de travail...
Ça, c’est la raison officielle mais je sais de quoi je parle, croyez-moi. La clinique MedPoint est construite comme une maison – n’importe quel évaluateur qui se respecte aurait pu évaluer ce bâtiment.
C’est pour cela que le numéro deux du bureau d’évaluation n’avait pas besoin d’un QS quand il a fait sa première évaluation !
? Et c’est grâce au rapport du QS que Bissessur a évalué le bâtiment à Rs 145 millions ?
Selon mes informations, le montant avait déjà été décidé. Le rapport du QS a été utilisé simplement pour justifier le montant... Hoolooman m’a dit qu’il n’a jamais été informé du contexte dans lequel on lui a demandé de faire ce rapport.
? Sauf que son rapport vient soutenir le montant de Rs 145 millions.
A l’état neuf peut-être. Ce bâtiment a une vingtaine d’années, ne fallait-il pas déprécier selon les détériorations du bâtiment au fi l des années ?
? Et vous, à combien évaluerez vous ce bâtiment ?
(Rires…) Ah non, si vous voulez une évaluation, il faut me payer !
? Paul Bérenger allègue que Bissessur entreprenait aussi des évaluations pour des ministres...
Cela ne m’étonnerait pas puisque quand j’étais au bureau de l’évaluation, les ministres appelaient souvent le CGV pour négocier directement avec lui.
 
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
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