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Geneviève Jeannot : Sereine mais sur le qui-vive

5 octobre 2013, 05:41

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Geneviève Jeannot : Sereine mais sur le qui-vive

Les sentiments éprouvés par Geneviève Jeannot depuis le 4 mai sont ambivalents. Elle est sereine parce qu’elle sait qu’elle tient un langage de vérité mais est sur le qui-vive, ne sachant pas comment toute cette histoire va se terminer.

 
«Nous étions une famille sans histoire. Notre vie a basculé le 4 mai avec l’accident et l’agression subséquente de Florent, dont la voiture a été impliquée dans un accident contre celle de l’ancien Attorney General Yatin Varma. Depuis, nous sommes sur le qui-vive», confie-t-elle.
 
Geneviève Jeannot, née Kistnen, a grandi à Curepipe. Après ses études secondaires au Lorette de Curepipe, dirigé à l’époque d’une main de fer par l’Irlandaise Sister Nora qui n’omet jamais de mettre l’accent sur l’importance des valeurs, elle prend de l’emploi comme secrétaire administrative dans une clinique où elle exerce pendant 15 ans. C’est d’ailleurs sur son lieu de travail que sa route croise celle de Mario Jeannot dont la mère, cardiaque, se fait traiter dans ce centre de soins privés. C’est le coup de foudre. Ils scellent leur union deux ans après leur rencontre et louent une maison à Vacoas. Ils ont deux fils, l’aîné, âgé de 30 ans, et Florent, 19 ans.
 
Mario qui gère un hôtel dans le Nord travaille énormément. Il arrive qu’il soit obligé de dormir sur place et même de s’absenter du pays pour des campagnes de promotion. À tel point que Geneviève se sent obligée de mettre un terme à son travail pour s’occuper des enfants. «Oui, c’est dur quand on a été active d’abandonner son travail mais je ne voulais pas négliger les enfants et surtout Florent qui était encore en bas âge.» Lorsque ce dernier entre à la maternelle, Geneviève se trouve un boulot. Elle est recrutée dans le textile comme Merchandiser. Les horaires sont contraignants et elle ne parvient pas à s’adapter. Elle rend donc son tablier.
 
Quand leur maison est cambriolée, ils emménagent à Trou-aux-Biches, se rapprochant ainsi du lieu de travail de Mario. Geneviève fait le va-et-vient entre ce village et Curepipe pour déposer les enfants à l’école et les récupérer. «Nous nous sommes beaucoup sacrifiés pour avoir ce que nous possédons.» Geneviève est si stressée qu’elle finit par avoir une santé fragile qui l’oblige à prendre des médicaments au quotidien. Geneviève se consacre à sa maison, aux enfants, à la prière et au travail social. Elle et les siens mènent une vie sans histoire. Jusqu’au 4 mai, jour de l’accident. «Un membre de la famille m’a appelée vers 7 h 30 pour me dire que Florent a fait un accident, que des gens l’ont passé à tabac, qu’il a été emmené au poste de police de Sodnac. Nous partons en quatrième vitesse et pendant le trajet j’angoisse, car je ne sais pas dans quel état il se trouve», se remémore-telle. Au poste, ils découvrent leur fils prostré, assis dans un coin, tête baissée. Geneviève est choquée car elle réalise que son fils a le visage tuméfié. «Il m’a dit qu’il a fait un accident et que quelqu’un dont il ignorait encore l’identité, l’a battu.»
 
C’est par les policiers qu’ils apprennent que l’autre accidenté est Yatin Varma. «Je n’ai pas eu peur, car tous les jours des accidents se produisent. Nous n’avons même pas pensé à la nécessité de prendre un avocat sur le moment.»
 
Les Jeannot emmènent leur fils à l’hôpital, munis d’une Form 58. Il y reste une heure et en ressort avec des analgésiques. À leur retour au poste, Florent doit donner sa déposition et c’est là que Mario pense à le faire assister par un avocat. Un badaud lui parle de Me Rubina Jaddoo et il la contacte. Elle les rejoint au poste une heure et demie après. Une fois la déposition faite, ils regagnent leur domicile. Geneviève Jeannot avoue qu’elle s’attend alors à un coup de fil de l’ancien Attorney General (AG) Yatin Varma. «Je m’attendais à un appel de sa part à Florent pour s’excuser de son comportement mais les jours ont passé et il n’y a jamais eu d’appel.»
 
Elle est stupéfaite d’apprendre que dans sa déposition, l’ex-AG parle de «complot» pour discréditer son fils et «d’histoire montée de toutes pièces». «Je suis si choquée que je ne trouve pas de mots. Alors, comme ça Florent se serait fait mal tout seul ? C’est insensé !» À partir de là, la vie des Jeannot est chamboulée. Ils sont propulsés au-devant de l’actualité et sont constamment sollicités par les journalistes. «Quand on regarde les photos de la voiture de l’ancien AG à peine endommagée et celles de la voiture que conduisait Florent, complètement abîmée devant, on se dit que quelque chose ne colle pas dans la déposition de Yatin Varma», estime-t-elle.
 
Elle avoue avoir commencé à avoir peur à ce moment-là. «Car j’ai vu que nous avions affaire à un homme d’État. Je craignais que l’appareil d’État prenne le dessus.» Un dimanche matin, alors que son mari est absent, Geneviève Jeannot est surprise de recevoir un appel de Maurice Allet qu’elle n’a jamais rencontré et qui cherche Mario. Elle transmet le message à son mari à son retour et celui-ci rappelle Allet. Ce dernier lui donne rendez-vous aux Docks le lendemain. Rendez-vous qu’Allet confirme le jour même vers 8 h. «J’ai trouvé tout cela bizarre», déclare Geneviève Jeannot.
 
Ce qu’elle ignore, c’est qu’au cours de ce rendez-vous, Maurice Allet et son mari sont rejoints par Yatin Varma. Elle tombe des nues lorsque Mario l’appelle et que l’ancien A G lui parle. «Il m’a dit que ce qui était arrivé, c’était dans un moment de panique. Qu’il était en détresse car sa maman était malade, qu’il croyait que son enfant était mort dans l’accident et qu’une de ses cousines était décédée la veille dans l’accident de l’autobus à Sorèze. Je lui ai dit qu’avant de s’en prendre à mon fils, il aurait dû vérifier l’état de son enfant et il s’est excusé.»
 
Geneviève Jeannot maintient que son interlocuteur a parlé d’argent en guise de dédommagement. «J’étais choquée car je me demandais pourquoi il nous proposait de l’argent alors qu’il aurait dû présenter ses excuses à Florent. Je ne me suis pas attardée au téléphone. Lorsque Mario est rentré, il m’a fait part de la volonté de Yatin Varma de négocier avec nous. Notre position était claire dès le départ. Il était hors de question de négocier. Nous l’avions fait clairement comprendre à l’avocate Jaddoo. Nous voulions que l’affaire suive son cours. À partir de là, j’ai donné mon accord à Mario pour que toutes les conversations entre des intermédiaires, Varma et lui soient enregistrées.»
 
Elle est le témoin de la prise de contact du député Reza Issack avec son mari et accompagne même ce dernier au bureau du secrétaire parlementaire privé (PPS, il a démissionné depuis NdlR) un vendredi. «Je ne comprenais pas cette insistance à vouloir nous dédommager et à préparer les papiers de l’accord au plus vite avec notre avocate. Cela devenait presque du harcèlement. Heureusement que Mario a téléphoné à Me Jaddoo pour la prévenir et celle-ci a fait savoir à Reza Issack qu’elle avait besoin de voir ses clients au préalable. Lorsque nous sommes arrivés chez Me Jaddoo, elle nous a conseillé de rentrer au plus vite et d’éteindre les téléphones. Elle en a fait autant.»
 
Reza Issack revient à la charge et débarque même chez les Jeannot. Geneviève Jeannot le reçoit et l’écoute. Il dit qu’il va revenir avec Yatin Varma. Une fois le PPS parti, Geneviève Jeannot refuse que l’AG vienne chez elle car elle ne sait pas sur quoi une telle rencontre débouchera. Son mari réussit à la convaincre. «Nous avons accepté pour prouver, à travers l’enregistrement des conversations, que l’AG n’a pas dit la vérité.»
 
Le lendemain, les deux débarquent chez les Jeannot. Yatin Varma offre un sac à Geneviève contenant une bouteille de champagne et un livre intitulé Pardonner et Oublier. «Je me suis demandé pourquoi un tel titre. De quoi voulait-il se faire pardonner ?» Elle assiste en silence aux propositions financières inscrites sur papier et chaque montant proposé arrache des sourires à la famille Jeannot. Leurs vis-à-vis sont décontenancés. «Nous étions fatigués et nous
avions faim. Ils étaient arrivés vers 19 h 30 et il était près de 22 h 30. Pour leur montrer que nous n’étions pas intéressés, Florent qui s’était retiré dans sa chambre, a inscrit le chiffre Rs 2 millions sur un papier et l’a mis sous le nez de Yatin Varma. Là, ce dernier, excédé, s’est mis debout et a dit qu’il ne donnerait pas d’argent et est parti.»
 
Elle se dit alors que tout est terminé, que les enregistrements seront déterminants et qu’ils sont enfin libres et qu’ils pourront reprendre le cours de leur vie. C’est sans compter un nouvel appel de Reza Issack le lendemain, qui relance toute l’affaire avec une nouvelle proposition qu’ils déclinent via leur avocate. «Cela aurait été Varma ou n’importe qui de plus haut placé qui avait agressé Florent, nous n’aurions pas accepté d’argent. L’argent n’effacera pas l’affront commis.» Depuis, Geneviève est reprise par l’angoisse. «Je me suis dit qu’ils n’allaient jamais nous laisser vivre tranquillement.» Elle ne s’est pas réjouie quand Yatin Varma a été poussé à la démission. «Notre but n’était pas de voir cet homme à terre mais simplement qu’il dise la vérité.»
 
Elle s’attendait à être convoquée par la police dans le cadre d’allégations de complot. Elle ne craint pas cette entrevue qui aura prochainement lieu car «j’ai toujours dit la vérité. Je suis sereine quant à ma déposition, tout en ayant peur pour la suite des événements. On dit qu’il faut faire confiance à la justice. Je lui fais donc confiance. Jusqu’à preuve du contraire…»
 
 
«Je fais confiance à la justice. Jusqu'a preuve de contraire.»

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