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George Chung - économiste et chef d’entreprise : « Faisons preuve de dynamisme »
30 mars 2014, 09:29
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George Chung - économiste et chef d’entreprise : « Faisons preuve de dynamisme »

Les patrons n’ont pas le moral. Enfin pas tous… George Chung, lui, ne voit aucune raison de déprimer. Certes, le marché africain n’est pas si accessible et l’Inde pourrait jouer un sale tour à l’offshore. Mais Maurice, assure l’économiste, est en mesure de stimuler sa croissance. Interview coup de fouet.
La chute de l’indice de confiance des entreprises, annoncée cette semaine par la Chambre de commerce et d’industrie (MCCI), a pris tout le monde de court. Comment expliquez-vous que le moral soit au plus bas alors qu’on prétendait que 2014 serait l’année de la reprise économique ?
Il faudrait savoir quels facteurs objectifs expliquent cette baisse de moral. Je n’en vois aucun, personnellement. On sait que la conjoncture internationale s’est nettement améliorée ces derniers temps. Cela se reflète d’ailleurs au niveau de nos principaux secteurs d’activité. Le tourisme, par exemple, a repris du poil de la bête, même si l’endettement dans ce secteur demeure élevé. Le secteur financier souffre certes toujours de l’incertitude sur le traité de non-double imposition avec l’Inde, mais ça ne date pas d’hier. Il n’y a pas eu non plus de cyclone majeur, qui aurait pu affecter la production de canne. Donc je n’arrive pas à expliquer ce qui aurait pu causer une baisse de confiance.
Le président sortant de la MCCI, Ganesh Ramalingum, a dressé un tableau plutôt sombre de l’économie lors de l’assemblée générale de l’organisation. Il parle de l’investissement privé qui n’a toujours pas remonté la pente. Il estime aussi que le gouvernement ne fait pas assez d’effort pour soutenir le secteur privé. Partagez-vous son analyse ?
Pas tout à fait. Tout d’abord, on ne doit pas se fier à ce que fait ou ne fait pas le gouvernement. Nous avons la chance d’avoir un cadre qui est très propice aux affaires et à l’investissement. Les indices de performance nous placent d’ailleurs parmi les meilleurs au monde dans plusieurs domaines. C’est aux opérateurs de faire preuve de dynamisme et de profiter des opportunités qui se présentent a eux.
Parlons de ces opportunités. On évoque beaucoup l’Afrique, notamment les possibilités d’investir au Ghana ou au Gabon. Pensez-vous que nous sommes prêts pour conquérir le continent africain ?
Sur ce point, je concède que nous avons encore beaucoup à faire. Et ce n’est pas seulement une question de financements. Avant même de pouvoir exporter en Afrique, il faudrait qu’on puisse y aller, qu’on puisse visiter nos partenaires potentiels. On parle d’opportunités au Gabon par exemple. Mais pour atteindre le Gabon, il faut transiter par Paris ou Johannesburg. Ce qui fait que le voyage peut durer deux ou trois jours, alors qu’avec un vol direct on y serait en sept heures tout au plus. En clair, il ne faudrait pas mettre la charrue avant les boeufs. Tant que nous n’aurons pas d’accès aérien, ça ne servira à rien d’avoir des financements pour aller en Afrique.
Le traité de non-double imposition avec l’Inde a également fait l’actualité cette semaine. On apprend que les investissements de Maurice vers l’Inde ont chuté, alors que ceux de Singapour gagnent du terrain. Comment la situation va-telle évoluer ?
Il me semble clair que tant que les investisseurs n’auront pas une visibilité sur le traité, Singapour continuera à nous faire de l’ombre. C’est pourquoi nous devons impérativement mettre fin à cette incertitude. On peut s’estimer heureux des opportunités qui se présentent en Afrique pour l’offshore: c’est le ballon d’oxygène qui nous permet de garder la tête hors de l’eau. Mais on ne peut pas se permettre de tergiverser pour autant. Nous devons absolument faire des propositions concrètes dans les semaines qui viennent. Et je ne mâche pas mes mots. Les élections approchent à grands pas en Inde et nous devons agir au plus vite.
Cette année encore, Maurice devrait enregistrer une croissance en dessous de 4%. Qu’est-ce que le gouvernement devrait faire, selon vous, pour relancer l’économie?
Je pense qu’on devrait être satisfait de notre niveau de croissance actuel. Mais on peut sans doute faire mieux. Et le gouvernement a un rôle à jouer, bien sûr. Mais on doit surtout se poser les bonnes questions. Qui est-ce qui crée la croissance et l’emploi ? Ce sont les entreprises. Les entreprises devraient donc être au centre des préoccupations. Or on n’entend pas parler de mesures concrètes pour augmenter la productivité de nos entreprises, pour moderniser nos machines. Personne ne vient non plus nous dire comment changer les mentalités des travailleurs, ou la culture de travail. Ce sont là les vrais problèmes sur lesquels on devrait se pencher pour relancer la croissance.
Et quels pourraient être les nouveaux pôles de croissance pour Maurice ?
Pour moi, c’est le tourisme qu’il faudrait exploiter davantage. Nous avons désormais l’aéroport le plus moderne de l’océan Indien. La prochaine étape devrait être d’ouvrir l’accès aérien davantage, sachant qu’il y a plus d’un milliard de touristes qui voyagent chaque année dans le monde.
Qu’en est-il alors des nouveaux secteurs que le gouvernement essaie de lancer ? Petroleum hub, education hub, aviation hub…
Je ne pense pas que nous ayons besoin de nouveaux secteurs pour relancer la croissance. Ce serait beaucoup plus facile de travailler sur nos faiblesses afin d’optimiser nos secteurs actuels que de nous lancer dans des nouveaux secteurs que nous ne maîtrisons pas encore, comme le petroleum hub. C’est pourquoi il est grand temps de réunir tous les acteurs économiques afin de trouver des moyens de stimuler la croissance dans nos secteurs existants, comme le tourisme. Nous avons un aéroport moderne que nous utilisons à seulement un tiers de sa capacité. Et des chambres d’hôtel en surnombre. Alors pourquoi réinventer la roue ?
Le chômage reste inquiétant, en particulier celui des jeunes. Le taux de chômage n’a d’ailleurs pas reculé l’an dernier, selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius. Comment pouvons-nous venir à bout de ce problème?
Pour moi, la solution est tout à fait claire: il faut changer les mentalités des Mauriciens. Je pense que les Mauriciens sont devenus trop exigeants. Sinon comment expliquer le fait que nous avons environ 40 000 travailleurs étrangers et plus de 50 000 chômeurs. La seule conclusion à tirer, c’est que les entreprises n’arrivent pas à trouver des Mauriciens pour occuper les postes disponibles. Et ça s’applique pour les jeunes aussi. C’est tout simplement irréaliste de leur part de s’attendre à de gros salaires aussitôt sortis de l’université. Il faudrait qu’ils acceptent de commencer au plus bas de l’échelle et d’apprendre le travail à partir de là.
Nous sommes sur le point d’entrer en campagne électorale, avec l’échéance 2015 qui approche. Pensez-vous qu’une nouvelle équipe au pouvoir pourrait changer la donne pour l’économie mauricienne ?
Je ne m’attends à aucun changement à ce niveau. A Maurice la déconnexion entre la sphère politique et l’économie est bien réelle. S’il y a bien un changement de pouvoir l’année prochaine, on ne devrait pas voir de grands changements au niveau de la politique économique. Les têtes changeront certes, mais pas le corps.
« Nous devons absolument faire des propositions concrètes à l’Inde dans les semaines qui viennent concernant le traité de non-double imposition. »
« Nous n’avons pas besoin de nouveaux secteurs, comme le petroleum hub, pour relancer la croissance. C’est beaucoup plus facile de travailler sur nos faiblesses afin d’optimiser nos secteurs actuels. »
La confiance pique du nez
Les entrepreneurs sont encore une fois pessimistes quant à l’avenir. C’est ce que révèle l’indicateur du climat des affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice (MCCI) pour le premier trimestre de 2014. Il accuse une baisse de 3,1% et s’établit à 85,3 points. Ce chiffre représenterait les prémices d’une phase de ralentissement de la croissance pour 2014, par rapport à 2013, si cette tendance se confirmait lors des prochains trimestres. Déjà 31% des entrepreneurs sondés font état d’une baisse de leurs ventes au cours du dernier trimestre. Toutefois, ils sont 22% à dire le contraire et à parler d’une amélioration de leur chiffre d’affaires. La MCCI a établi quatorze facteurs déterminants qui ont une incidence sur la performance des entreprises. Elle estime que dix ont une incidence négative sur les entrepreneurs, à commencer par les coûts relatifs à la conduite des affaires.
Plus de deux tiers des chefs d’entreprise indiquent aussi que l’imprévisibilité et la hausse des coûts indirects affectent la bonne marche de leurs business. Ces coûts vont de la corruption au non-respect des normes en passant par les difficultés d’accès aux terres. Sans compter les soucis liés aux infrastructures, à l’énergie et au transport.
La MCCI met ainsi à l’index la hausse des trade fees et des advertisement fees. Celle-ci varie entre 100% et 500% et influe certainement sur le « mood » des entrepreneurs déjà confrontés à des moments difficiles. L’organisme fait également mention de la décélération du taux de croissance de la consommation à Maurice depuis 2009.
Parmi les facteurs influant sur la performance des entreprises, il faut aussi compter le coût du capital, le niveau élevé des taux d’intérêt, les retards de paiement, le manque de main-d’oeuvre qualifiée, les problèmes de connectivité ainsi que la rotation du personnel. Avec cette détérioration de la confiance, les entrepreneurs prévoient une baisse de leurs investissements pendant les douze prochains mois. Environ 15% d’entre eux envisagent déjà des licenciements. Et 74% font ressortir qu’ils n’embaucheront pas davantage de personnel. Si cet état d’esprit se maintient durant les prochains trimestres, il ne fait aucun doute que le taux de chômage va prendre l’ascenseur.
La MCCI note néanmoins que les opportunités dans la région et sur le continent africain ont eu une incidence positive sur les entrepreneurs. Surtout avec une politique de change qui est qualifiée de compétitive.
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