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Georges Chung Tick Kan « L’Afrique est le prochain pôle de croissance »
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Georges Chung Tick Kan « L’Afrique est le prochain pôle de croissance »

Qu’est-ce qui vous a motivé à publier vos réflexions sur «ce qu’il faut faire pour bâtir une société mauricienne de grande qualité» ?
En 42 ans, nous avons parcouru un chemin admirable. Et à présent, à la suite de la récession de 2008 et avec la crise de l’euro, nous approchons un tournant décisif. Nous devons rebondir comme cela a été le cas avec le sucre, le tourisme et le textile.
La réflexion autour de l’île Maurice de demain repose sur deux grands piliers. D’abord, l’accélération de la croissance économique, et cela paraît jouable. Ensuite, il y a un pilier  social qui relève de la psychologie sociale, de la cohésion, de la citoyenneté et de la lutte  contre la pauvreté.
C’est au politique de faire tenir ces deux piliers. Vous attendez-vous à une nouvelle culture politique pour y arriver ?
Il faut une nouvelle race de politiciens qui prend des décisions effi caces et rapides. La bureaucratie doit être allégée pour que les décisions politiques soient rapidement mises en oeuvre. Des objectifs précis doivent être édictés sur le court terme puis sur le long terme.
C’est aux politiciens de demain de respecter les engagements immédiats et futurs qu’ils auront pris.
Qu’entendez-vous par «nouvelle race de politiciens» ?
Quand je parle d’une nouvelle race de politiciens, je veux parler de ceux qui auront à coeur l’intérêt de la nation avant celui d’un groupe, ceux qui auront le courage de prendre des  mesures peut-être impopulaires mais bénéfiques.
C’est une nouvelle culture politique, comme vous dites, qu’il faut initier. Rapidité de décision et d’éxécution sont des qualités indispensables. Il faut que la démarche politique s’inscrive dans le long terme bien qu’il faille prendre des décisions sur le court terme. Or, à mi-mandat les politiciens pensent plus aux prochaines échéances.
Notre histoire économique est celle de la diversification. Quelles sont les nouvelles avenues à emprunter ?
Nous avons un business model unique. A partir de là, nous devons capitaliser sur nos forces pour soutenir la concurrence des autres pays émergents. C’est notre ressource humaine qui fera la différence et c’est pour cela qu’il est nécessaire d’investir massivement et continuellement dans la formation professionnelle.
En quoi pèchent actuellement nos ressources humaines ?
Il faut des campagnes de sensibilisation à la citoyenneté. C’est un élément déterminant pour la réussite d’une politique économique et sociale. L’exiguïté du territoire est, à ce titre, un atout. C’est tout un mindset qu’il faut changer.
Cela demande du temps, on ne peut pas le faire en quelques semaines, quelques mois ou en deux ans. Il faut que les campagnes entourant une société de grande qualité, comme je l’appelle, s’inscrivent dans la durée pour que les Mauriciens intègrent de nouvelles pratiques sociales et citoyennes.
Vous citez souvent Singapour en exemple. Est-ce le modèle vers lequel nous devons tendre ?
Je ne prends que quelques éléments du succès singapourien au même titre que d’autres pays d’Europe du Nord, de Suisse. A Singapour, comme en Europe du Nord, le très faible taux de crimininalité est certainement un élément de la réussite. Cela apporte un confort d’esprit  total dont les bénéfi ces se ressentent socialement et économiquement.
Pour cela, la sensibilisation est constante, l’intérêt national prime dans l’esprit de chaque citoyen et la formation est de grande qualité.
Le système éducatif actuel n’est-il pas porteur de ces valeurs nécessaires à un rebondissement du «business model» mauricien ?
Il n’y a pas assez d’éducation à la citoyenneté. Le système actuel ne forme pas des citoyens.
On forme l’individu dans une logique de production matérielle ou de compétences académiques. Le civisme et la citoyenneté passent à la trappe.
Les campagnes dont je parle doivent être menées en parallèle au système éducatif. L’impact des campagnes de sensibilisation est réel. Prenez le cas de la Norvège qui a combattu efficacement un problème de santé publique avec 40 % de sa population en surpoids. Après 10 ans de campagnes soutenue, le taux a dégringolé, les habitudes ont changé et cela a allégé la pression fi nancière de ce problème.
Les coûts initiaux du lancement de quelques campagnes de civisme sont dérisoires au regard des effets sur le court terme. Une société de grande qualité se bâtit sur les hommes qu’elle forme, pas seulement à l’école.
Les politiques sociales doivent, bien entendu, s’accompagner de mesures économiques créant des opportunités.
Et quelles opportunités économiques voyez-vous pour demain ?
Maurice a toujours été une tête de pont. Nous accueillons plus de 25 000 entreprises offshore. Le global business est le pilier économique de demain, générateur de milliers d’emplois qualifi és. Pour que les Mauriciens puissent en récolter les fruits, il faut les former encore et toujours pour être compétitifs.
La formation est la clé de voûte de la société de grande qualité que j’appelle de mes voeux. Nous avions l’habitude de produire avec nos mains, sucre, puis textile. A présent, nous devons opérer un changement en utilisant avant tout notre tête pour vendre nos services et identifier les niches porteuses dans lesquelles nous pourrons nous positionner, notamment en Asie.
L’Asie est le centre d’impulsion économique mondial en devenir. Si nos services y font une percée, ne faut-il pas regarder vers l’Afrique pour nos biens manufacturés?
L’Asie est le prochain pôle de puissance. On ne pourra pas leur vendre de la marchandise, c’est sûr. Mais nous pouvons nous positionner sur des créneaux de services. L’Afrique constitue le prochain pôle de croissance. C’est un marché en devenir pour nos produits manufacturés qu’on ne doit pas négliger, en effet.
En outre, on peut aussi être pourvoyeur d’une assistance technique et d’une expertise reconnue dans les domaines de l’agriculture, du textile ou du tourisme. Mais cette diversifi cation des marchés ne doit pas nous écarter des marchés occidentaux.
Notre économie émergente peut-elle encore afficher un taux de croissance à deux chiffres ?
On peut facilement enregistrer un taux de croissance de 8 à 10 % l’an grâce à quelques mesures braves comme l’introduction d’un mode de transport collectif. C’est économiquement nécessaire et socialement indispensable. Et je le répète, il faut une politique de formation tous azimuts.
Je pense qu’on doit devenir des obsédés de la formation continue afin que toute notre palette de services réponde à des exigences internationales d’autant que notre pays vit de son ouverture. Il faudrait consacrer 1% à 2% du Produit national brut pour la formation de la population active.
Quand vous dites «mode de transport collectif», cela signifi e-t-il que vous êtes en faveur du métro léger ?
Je suis clairement en faveur du métro léger. Il faut que nous changions nos habitudes actuelles. Nous sommes au-devant d’une grande catastrophe économique si nous n’allons pas plus vite sur le sujet. Une énième crise pétrolière, avec une fl ambée des cours du pétrole, n’est pas à écarter. On perd plus de 10 milliards de roupies par an à cause de la congestion routière car la productivité des entreprises est affectée, de même que l’industrie des loisirs, des services, etc.
Toutes les études antérieures concernant le métro léger sont faussées par défaut d’une démarche globale. Un système de transport de masse comme le métro léger est indispensable et soutiendra la croissance.
En résumé, la formation continue est-elle la panacée pour insuffler un nouveau départ à l’économie ?
La conjugaison de l’histoire du pays, de la formation continue et de l’Internet, n’oublions pas ce fabuleux outil, est un cocktail gagnant pour la société de demain. Nous devons poursuivre sur le chemin de la diversification privilégier la formation continue et utiliser notre bande passante comme un outil générateur de richesses. Les distances sont abolies et avec une main d’oeuvre qualifiée, nous pouvons vendre une multitude de services à haute valeur ajoutée.
Vos réflexions portent sur la société mauricienne à l’horizon 2020. C’est un peu court, non ?
Le délai peut paraître court mais c’est maintenant qu’il faut prendre des décisions ! Dix ans, c’est peut-être même beaucoup.
2015 alors, pour les prochaines élections générales! Votre livre, est-ce une esquisse d’un manifeste électoral ?
Il y a des idées qui peuvent intéresser, oui. Mais la politique ne m’intéresse pas. Ma démarche est citoyenne.
 
 
 
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