Publicité
Harish Boodhoo : « Les Jugnauth devraient être les derniers à condamner Navin Ramgoolam »
Par
Partager cet article
Harish Boodhoo : « Les Jugnauth devraient être les derniers à condamner Navin Ramgoolam »

Son animosité envers sir Anerood Jugnauth (SAJ) est plus grande que sa hargne envers Navin Ramgoolam. A la veille des municipales et du meeting du 1er Mai, les travaillistes ont trouvé en Harish Boodhoo un allié.
? Pourquoi des ministres travaillistes sont-ils venus vous voir ?
Je ne vais ni confirmer ni infirmer la chose puisque cela relève d’une visite privée et chez moi, je reçois qui je veux. Ma maison n’est pas payée par l’Etat, donc je n’ai de comptes à rendre à personne.
? Vos prises de positions politiques ont toujours été une affaire publique. Quand des ministres de Ramgoolam viennent chez vous, alors que vous avez condamné leur action, l’on est en droit de se poser des questions.
Non. C’est vous qui dites que des ministres sont venus chez moi.
? Vous ne dites pas le contraire.
Ou pou koup mo likou, mo pa pou dir ou. N’insistez pas, s’il vous plaît. C’est un faux débat. Cela dit, je reste un pur travailliste de 1967. Malheureusement, beaucoup de gens m’ont vendu et m’ont trahi et ils m’ont mis à la porte. Je reste un travailliste des années 60, mais certainement pas un travailliste de ce que ce parti est devenu aujourd’hui. Quand il y a un problème dans le pays, n’importe lequel, je prends mon téléphone et j’appelle les gens qu’il faut. Je ne parle pas à Ramgoolam, mais j’ai une ligne de communication avec Bérenger. Or, je ne peux pas sentir Anerood et Pravind Jugnauth. Toutefois, j’ai des amis dans tous les partis, même au MSM.
? Vous vous étiez prononcé contre le remake de 2000, ce qui a enchanté les Rouges. Est-ce que, pour empêcher que l’alliance MMM-MSM gagne les élections, vous serez prêt à travailler avec Ramgoolam ?
Je travaille pour le pays. L’histoire a démontré qu’à chaque fois que des gens voulaient le faire couler ou le dévaliser, l’on a pu compter sur moi. A chaque fois que le bateau coulait, je suis venu, j’ai pris la population et je l’ai mise dans un radeau. Parfois, je l’ai mise dans le radeau SSR-SGD-SAJ, parfois dans le radeau Bérenger-Jugnauth-Boodhoo, parfois dans celui de Bérenger- Anerood Jugnauth, parfois Navin Ramgoolam et compagnie. C’est peut-être paradoxal ou controversé, mais cela a aidé le pays. Et je mets au défi qui que ce soit de venir dire que j’ai eu quelque chose en retour. Aider les gens est mon oxygène, mais Navin Ramgoolam a fait fermer le bureau de Sunday Vani de même que le journal. Je donnais à manger à plus d’une cinquantaine de personnes par jour. Mo ti pe kontan kan sa bann malere la ti pe manze. Ramgoolam m’a privé d’une partie de mon oxygène.
? Et quel radeau allez-vous utiliser cette fois-ci ?
Je n’ai pas encore pris de décision. Les gens doivent comprendre que la situation est grave, mais malheureusement, ils ont arrêté de réfléchir. Cela, parce qu’ils en ont marre des politiciens, des transfuges et de tous les roder bout. Mon travail se fait surtout à travers Facebook, je donne beaucoup d’idées aux politiciens et j’aide à ouvrir les yeux des Mauriciens pour qu’ils puissent juger. Je dis 2+2+2, et c’est à eux de trouver le total.
? Votre 2+2+2 est que vous ne pouvez pas sentir SAJ ?
Pas nécessairement. J’ai aussi dit que je ne pouvais pas sentir Navin Ramgooolam, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas sentir mon pays. Les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres et il y a une équipe de carapates et de transfuges qui veut tout accaparer. C’est comme cela au MSM et chez les travaillistes où on ne voit que les yeux du chien puisqu’il est complètement couvert de carapates. Et c’est pour cela que les gens sont dégoûtés avec la classe politique : tous ceux qui viennent ne sont là que pour se faire de l’argent.
? Que s’est-il passé avec SAJ pour que vos relations dégénèrent ainsi ?
Zot inn fer mwa boukou mizer. Sirtou sa bolom Jugnauth la. J’ai dissous mon parti, mon journal, je lui ai donné mon fauteuil de vice-Premier ministre pour qu’il le donne à Gaëtan Duval, en 1983. SSR n’était pas content parce qu’il voulait que moi, je devienne Premier ministre pour renverser SAJ. J’ai dit non. Après, on m’accuse d’être communal ? C’est moi qui ai fait qu’un Blanc devienne Premier ministre dans ce pays, et ce, bien avant que les Etats-Unis ne votent pour Obama. Sans moi, le remake de 2000 n’aurait pas été fait.
? Que s’est-il passé depuis 2000 ?
Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises sur SAJ que je ne savais pas en 2000.
? Par exemple ?
L’ampleur de sa richesse. Je suis toujours en train de fouiller et je rendrai ces informations publiques tôt ou tard. Le pays va frissonner. Mais, en 2000, il n’y avait pas d’autre choix, je devais choisir entre la mare et la boue pour sauver le pays.
? Nous nous retrouvons encore une fois devant la mare et la boue...
Je ne pense pas. Il y a un problème de law and order, mais ce n’était pas mieux sous SAJ. Il m’a envoyé en prison une dizaine de fois ! Il s’était même montré menaçant quand j’ai parlé de sa photo sur le billet de Rs 500 et de celle de sa femme sur le billet de Rs 20.
? Qu’avez-vous appris d’autre sur SAJ que vous ne saviez pas avant 2000 ?
Je viens de vous dire qu’en 2000, j’avais à choisir entre la mare et la boue ! Ce que j’ai appris sur les Jugnauth par la suite m’a fait changer d’avis.
? Donc, en 2000, vous aviez fait une erreur ?
Oui, on peut le dire comme cela. Savez-vous qu’en 2000, en pleine campagne électorale, SAJ avait coupé tout contact avec moi ? Il savait qu’il allait gagner les élections et que j’allais redevenir une menace pour son fils. Et laissez-moi vous dire une chose : en 2003, SAJ s’apprêtait à revenir sur sa parole et n’allait pas transférer le pouvoir à Paul Bérenger. Après trois ans sans me parler, SAJ avait envoyé une voiture au Sunday Vani pour venir me chercher. On m’a dit qu’il voulait me rencontrer parce qu’il ne voulait pas que Bérenger devienne Premier ministre. J’ai refusé. Si j’avais accepté d’aller à La Caverne rencontrer SAJ, Bérenger n’aurait jamais été Premier ministre et il faut qu’il le sache. C’est dans les gènes de Jugnauth de sabler tout le monde : Paul Bérenger, Harish Boodhoo, Madun Dulloo, Anil Bachoo, Ashok Jugnauth. Il n’a qu’un seul agenda : son fils. Il veut que son fils devienne Premier ministre, non pas dans l’intérêt du pays, mais pour sauvegarder ses biens.
? Vous réalisez qu’en disant tout cela, vous devenez un allié de Navin Ramgoolam ?
Ce n’est pas mon problème, j’ai le devoir de dire la vérité. Je suis comme un vent, si je passe et que je fais tomber les mangues d’un manguier, je ne peux pas empêcher les gens de venir les ramasser. N’oubliez pas que c’est moi qui ai fait éclater l’affaire Rolex. N’oubliez pas que le suspect dans cette affaire, Anand Ramdhany, est mort en cellule. Tout cela pour vous dire que là où il y a des excès, je serai là pour les dénoncer, qu’importe si c’est dans l’avantage de Ramgoolam ou Jugnauth.
? En ce qui concerne l’institution d’une commission d’enquête sur la drogue, vous avez dit qu’il ne faudrait pas que ce soit une commission «à la Maurice Rault». Que reprochez-vous à cette dernière ?
Maurice Rault était un homme du PMSD. Un des assesseurs était Prem Bissessur, le cousin de SAJ. Un autre, Laure Pillay, était une parente de Ringadoo. Cette commission était politisée à 100 %. Je ne dis pas que cela a été un échec total, mais il y avait beaucoup de zones d’ombre. L’on avait confisqué une pellicule de 36 photos à Antonio Miranda, un trafiquant de drogue. Ce sont en partie ces photos qui ont permis à la commission de faire le lien avec des trafiquants mauriciens. Des 36 photos qu’on a fait développer, huit manquaient. Qui étaient sur ces photos ? Je pose la question. Et j’ai la réponse.
? Pourtant, cette commission a été très flatteuse à votre égard.
Ils m’ont comparé à Winston Churchill. Raison de plus pour que l’on me croie quand je dis que la commission Rault était politisée. Les Jugnauth devraient être les derniers à venir parler de la drogue, ils devraient être les derniers à venir condamner Navin Ramgoolam et ils devraient être les derniers à critiquer la police et l’ADSU parce qu’ils ont fait pire lorsqu’ils dirigeaient.
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
(Source : l’express, samedi 14 avril 2012)
 
Publicité
Publicité
Les plus récents




