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Hector Espitalier-Noël, «Chief Executive Officer» du groupe ENL

31 octobre 2012, 04:56

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«ENL est engagé à identifier des opportunités d’affaires en Afrique, surtout dans l’immobilier»

« Rogers » devient bientôt une filiale d’ENL. Ne craignez- vous pas que ce groupe, qui a marqué l’histoire économique du pays, perde son identité ?

Rogers est une marque forte, très présente à Maurice, qui a un réseau international important.

Il est dans notre intérêt de la préserver et de soutenir son équipe dirigeante, afin qu’elle soit excellente dans tous ses métiers. En tant que filiale d’ENL, Rogers sera sous la direction d’un conseil d’administration recomposé, intégrant deux de ses dirigeants exécutifs ainsi que de nouveaux directeurs indépendants. Nous nous attacherons aussi à ce que nos équipes travaillent en synergie et optimisent les potentiels des deux groupes.

Depuis hier, « Cim Financial Services » est listée sur la Bourse de Maurice. C’est une nouvelle étape dans la vie de cette compagnie qui était organiquement liée à « Rogers » . Avec le recul, regrettez vous le départ de la famille Taylor ?

Avec Elgin, qui est une holding de la famille Taylor, nous avons su mener les affaires de Rogers à bon port durant des décennies. Cette relation était toutefois arrivée à maturité. Et ce, à peu près au même moment où Rogers était mûr pour passer à un nouveau pallier de son développement. Nous en avons pris acte et avons conclu qu’il était dans l’intérêt de tous les actionnaires de réorganiser les affaires du groupe autour des deux axes qui s’y étaient naturellement dessinés au fil du temps.

De là, nous nous sommes autorisés à envisager notre avenir séparément et avons restructuré Rogers en conséquence. Nous sommes convaincus que chaque pôle pourra opérer avec plus de focus et générera plus de valeurs pour tous les stakeholders. Aucun regret donc. En revanche, beaucoup d’optimisme et d’enthousiasme.

D’un groupe essentiellement sucrier, ENL a beaucoup évolué et compte aujourd’hui une présence remarquée dans l’immobilier et le commerce. Qu’est- ce qui fait sa force ?

ENL détient des actifs très conséquents, constitués notamment d’un important patrimoine foncier sur lequel le groupe s’est appuyé pour diversifier son portefeuille d’activités. Sa structure est optimisée pour permettre à chacune de nos entreprises de se focaliser sur son coeur de métier et d’améliorer son efficience.

Rogers renforcera notre présence dans les domaines agricoles et fonciers tout en nous apportant de nouveaux pôles tels l’hôtellerie et les loisirs ainsi que la logistique. Notre participation accrue dans le groupe Swan ainsi que nos parts dans New Mauritius Hotels seront aussi consolidées avec celle de Rogers et nous compterons ainsi deux nouvelles compagnies associées au sein d’ENL.

Quels sont les défis auxquels est confronté le groupe ENL ?

Les défis sont à la taille de nos ambitions.

ENL continue à se construire sur le socle solide de son patrimoine foncier et doit gérer son développement de manière équilibrée. Ainsi, nous nous attachons à développer une partie de notre patrimoine foncier de façon planifiée et responsable, afin de générer des revenus pérennes issus de ces développements.

Nous devons également assurer la profitabilité de nos opérations agricoles sur l’ensemble de notre patrimoine et nous attacher à préserver l’environnement sur le long terme. Nous avons un plan de développement pour nos Investment and Commercial Clusters à travers lesquels nous assurons la dynamique de croissance hors foncier d’ENL. La récente restructuration de Rogers se situe dans le cadre de cette stratégie.

Notre groupe est évidemment sujet aux aléas macroéconomiques qui sont hors de notre contrôle. Il est à craindre que la crise européenne qui perdure ne nous affecte plus fortement que cela n’a été le cas jusqu’ici.

Vous tirez la sonnette d’alarme sur l’industrie hôtelière et touristique exposée aux faiblesses systémiques et à une politique d’accès aérien restrictif. Quelle est l’origine du problème selon vous ?

L’industrie du voyage et du tourisme a une plus grande influence sur l’économie et la société mauricienne qu’il n’y paraît. Ce qui fait de sa bonne santé un enjeu national. C’est un fait avéré que la capacité d’accueil de la destination est supérieure à celle du transport aérien.

De plus, le prix du billet d’avion est onéreux au point d’entamer la compétitivité de la destination face à des concurrents directs comme les Seychelles, les Maldives et le Sri Lanka. Il est donc fondamental que la capacité aérienne soit alignée à celle des hôtels et que nos prix puissent soutenir la compétition.

Comment y arriver ?

La question doit être prise aux plus hauts niveaux, afin de dégager des solutions qui marchent dans l’intérêt de tous. Ce modèle a déjà donné des résultats pour le sucre et je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même pour le tourisme. Ceci dit, il n’y a pas dix mille solutions au problème. Le rôle et la mission d’ Air Mauritius devront être réévalués et réalignés aux ambitions du pays.

Cette compagnie est cotée en bourse et doit ainsi viser en premier lieu sa profitabilité.

De fait, elle n’est pas toujours totalement libre d’assumer le rôle stratégique qu’on lui souhaite. Si nous voulons qu’ Air Mauritius soit un vrai transporteur national, un instrument de développement au service de tous les pans de l’économie nationale et de son développement intégré, il faudra lui en donner les moyens. Il faudra lui permettre d’opérer sans craindre la libéralisation du ciel ni la compétition. L’enjeu est de taille et il appartiendra aux meilleures compétences nationales d’y apporter leur concours dans un esprit de solidarité et de patriotisme.

Quid de l’offre touristique mauricienne ?

Les touristes viennent à Maurice d’abord pour ses plages et son soleil et aussi pour la qualité de ses hôtels et pour l’accueil chaleureux de ses habitants. Nous avons enrichi cette offre de somptueux spas, de beaux parcours de golf et d’une proposition d’écotourisme qui tient la route. Nos hôtels sont d’une grande qualité et nous pouvons en être fi ers. Notre capacité d’accueil comprend également des établissements plus modestes qui ne dévaluent en rien la destination aussi longtemps que la capacité d’accueil globale soit en équilibre avec une demande adéquate.
Ceci dit, il ne faut pas prendre ces atouts pour acquis et se comporter avec désinvolture à leur égard. Il y a urgence à mettre un frein aux développements immobiliers mal planifiés qui sont en train de défigurer notre patrimoine national.

Avez- vous un agenda africain ?

Nous sommes activement engagés à identifier des opportunités d’affaires en Afrique, principalement dans le domaine immobilier. Nous sommes confiants de trouver les bons projets en temps opportun. Il faut cependant évaluer le profile risk des marchés et bien les peser contre les avantages perçus. Notre rapprochement avec Rogers , qui est déjà très présent dans la région, devrait augmenter notre force de frappe dans la région.

Le ministre des Finances, Xavier- Luc Duval présentera bientôt son budget. Qu’attendez- vous de cet exercice ?

Le ministre des Finances a une lourde tâche. Il devra être au sommet de son art, car l’exercice sera difficile. Il mettra, à n’en point douter, l’accent sur la croissance économique qui commence clairement à s’essouffler. Nous misons beaucoup sur le développement foncier, qui est un vecteur de croissance à effet multiplicateur. Les secteurs traditionnels s’essoufflent et l’investissement public aura un rôle important à jouer.

Il faudra cependant faire preuve de discernement et de dextérité afin d’utiliser l’argent public à bon escient pour que la croissance ainsi réalisée porte ses fruits de manière durable.

Propos recueillis par Villen ANGANAN

 

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