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Hurrydeo Jagun : De la rue au succès

3 juillet 2013, 06:35

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Hurrydeo Jagun : De la rue au succès

De sans-abri en Angleterre, Hurrydeo Jagun, est passé au statut de blogger et conférencier.Il écrit actuellement son histoire, qui devrait être publiée à la fin de l’année.

 

Voici l’histoire d’un homme qui connut à la fois le rejet total et la reconnaissance de la société : un sans domicile fixe auteur à succès. Des termes difficilement joignables, mais, comme l’affirme le principal intéressé, la vie réserve parfois d’incroyables surprises… 

 

Tout commence en 2001. Alors âgé de quarante ans, Vijay Jagun décide de quitter Maurice sur un coup de tête. Il abandonne son emploi de Postal Executive et obtient un visa d’étudiant pour l’Angleterre.

 

Au départ, tout se passe bien pour le nouvel étudiant en Computer Management, qui obtient dix jours après son arrivée un poste d’Health Care Assistant au North Middlesex University Hospital.

Les choses se corsent lorsqu’il abandonne ses études, en 2002. Il parvient toutefois à faire renouveler son visa jusqu’en 2004, puis se retrouve en situation clandestine. Deux ans plus tard, Vijay est épinglé par le Criminal Record Bureau, et perd son boulot.

 

A la même période, il fait la rencontre d’un avocat mauricien qui lui promet son aide. Il l’abrite chez lui, comme il le faisait pour trois autres mauriciens en situation d’irrégularité. En échange, les clandestins font des travaux de rénovation au domicile de leur « protecteur ».

 

« Ces travaux ont duré deux ans, explique Vijay.Pendant cette période, l’avocat me payait £ 40 par semaine et me donnait un matelas pour me coucher. Les travaux complétés, en décembre 2009, il m’a dénoncé aux autorités. »

 

Un mois plus tard, l’UK Border Agency débarque chez l’avocat. Vijay est arrêté et placé en détention avec des criminels endurcis. Il y restera pendant une douzaine de jours, durant lesquels il fera appel contre un mandat de déportation émis par le tribunal de l’immigration.

Une heure avant qu’il n’embarque à destination de Maurice, le 29 janvier 2010, on l’informe que son appel a été reçu, de manière temporaire. Il se rend chez l’avocat, mais ce dernier lui ferme la porte au nez. Il n’a sur lui que £20 et les vêtements qu’il porte : un t-shirt, un pullover, une veste et une paire de jeans.

 

Il ne lui reste alors qu’une seule option : la rue. « Il n’y avait que les autobus pour m’abriter du froid. Je dépensai mes £20 pour un passe d’autobus d’une semaine. Diabétique, je n’ai rien mangé pendant quatre jours. Je buvais juste de l’eau. »

 

La dure expérience de la rue

 

Il fait ensuite la rencontre d’un généreux pakistanais gérant de bistrot, « qui me promit à manger à chaque fois que je viendrai ». Malheureusement, sa situation précaire l’oblige à se déplacer souvent, et il est obligé de mendier pour se nourrir.

 

Treize jours plus tard, il est repéré par un une équipe d’aide aux sans-abri, qui le dirigera vers un centre d’accueil à Victoria. Il y reçoit chaque jour un petit déjeuner et la possibilité de prendre une douche. Mais, comme le sans domicile fixe n’est pas citoyen britannique, il ne peut y loger pendant la nuit, et est obligé de repartir dans la rue à la mi-journée.

 

Un beau jour, pour se protéger du froid, il se rend dans une bibliothèque du quartier. Il y reste chaque jour jusqu’à la fermeture des portes, à 20 h.  « Comme je n’avais rien à faire sur place à part lire, je me suis mis à la lecture. Tous les jours, je cachais le livre que je lisais pour reprendre la lecture le lendemain. »

 

 « Je lisais en moyenne cinq livres par semaine, alors que je n’avais jamais été un rat de bibliothèque dans ma vie d’avant », confie-t-il en souriant. Chaque soir, en quittant la librairie, il entame de longues marches pour se trouver un endroit où dormir.

 

En novembre 2010, il rencontre Maddy Savage, volontaire dans un abri de nuit et journaliste à la British Broadcasting Corporation. Celle-ci l’encourage à écrire son histoire. Vijay créé un blog (http://shortjourneylongdistance.blogspot.com/) en utilisant les ordinateurs d’un centre pour immigrés clandestins.

 

Son blog est un véritable succès. Vijay est contacté par les médias, des universités lui proposent de donner des conférences sur des sujets comme l’immigration ou la pauvreté, et il est même désigné représentant des immigrés au Parlement.

 

Mais en août de l’année dernière, Vijay épuise ses recours légaux : il ne peut plus rester en Angleterre. De retour à Maurice en octobre 2012, il loge chez son frère aîné, à Quatre-Bornes. Alors qu’il se met à la recherche d’un emploi, il est approché par Osman Publishing pour écrire son histoire. Il devrait terminer son autobiographie, intitulée Short Journey, Long Distance, avant la fin de l’année.  

 

Malgré toutes les difficultés rencontrées, Vijay aimerait bien repartir à Londres. Maurice n’est guère plus attrayant pour celui qui fut à la fois un SDF et une personnalité en Angleterre : « la mentalité a régressé. Dans la tête des gens, ici, un clochard est un malade mental. Or, tout le monde peut se retrouver dans cette situation, car personne n’a de contrôle sur les circonstances de la vie. »

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