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Jack Bizlall : «Aurait-on accepté une centrale à charbon à Riverwalk ?»

2 février 2013, 15:47

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Trop de grèves de la faim sont un signe que quelque chose ne marche pas dans une démocratie, dit Jack Bizlall, qui vient tout juste de participer à une telle action. Il nous livre ses réflexions et demande à l’opposition de déposer une motion de blâme contre le gouvernement.
 
Le mouvement contre « CT Power » est- il en train de protester contre le projet lui- même ou contre des centrales à charbon ?
Le premier intérêt est celui des habitants d’Albion. J’ai participé à des manifestations dans ce village, je suis allé sur le site et je peux vous dire que ce n’est pas un lieu pour construire une station de charbon. Les habitants ne sont pas d’accord et on ne peut pas ne pas prendre en considération le fait que cette centrale, si elle est construite, sera comme une épée de Damoclès sur leur tête. N’importe quelle maladie qui pointerait son nez sera attribuée à la centrale. On ne peut pas créer ce genre de crainte dans un endroit. Je ne pense pas que les habitants de Riverwalk auraient accepté qu’une centrale à charbon y soit construite !


Cette question ne se poserait même pas !
Alors qu’on ne décide pas du sort des autres d’une façon aussi cavalière, arbitraire et autocratique. Fort heureusement, il y a un jeune homme qui, au détriment de sa santé et peut- être même de sa vie, est en train d’alerter notre conscience. Je regarde l’action de Jeff Lingaya dans le contexte d’une conscientisation nécessaire pour que notre action pour l’écologie se fasse enfin sur une base solide.
 

Ce qui dérange dans cette action écologique, comme vous l’appelez, est le fait que tous ces gens qui se prononcent contre le charbon n’ont rien trouvé à redire quand des sucriers avaient construit leurs centrales à charbon !
Je me suis personnellement et longuement battu sur cette question, surtout quand on ajoute le charbon à la bagasse pour valoriser économiquement la bagasse. Car quand on brûle le charbon, il y a des émissions très dangereuses. Mais je pense qu’à cette époque, les gens n’étaient pas encore éveillés à l’écologie.
 

Donc, vous pensez que si demain Médine, par exemple, vient avec un projet de centrale à charbon, la réaction sera la même que pour « CT Power » ?
Vous savez, à Médine, ils ont d’autres considérations. Donc oui, parmi l’opposition à CT Power , il y a en a qui ont d’autres intérêts à défendre. Car ce sont des intérêts économiques qui font que certains veulent imposer le charbon. Par contre, il y a aussi des intérêts relativement honnêtes contre le charbon parce que c’est une source d’énergie sale. Dans cette confusion, c’est au gouvernement de trouver une rationalité et de pratiquer un comportement qui, tout en mettant de côté les pressions qui ne sont pas correctes, respecte celles qui le sont.
 

Or, il semble que c’est le contraire qui se passe ! On ne sait même pas qui sont les promoteurs de « CT Power » et la façon dont les choses ont été faites laisse penser qu’il y a des influences obscures qui ont joué.
S’il fallait que j’identifie le problème principal de Maurice, je dirais sans aucune hésitation que c’est l’accaparement. L’accaparement des terres, l’accaparement des ressources, l’accaparement des business, l’accaparement des salaires des gens par les banques. Nous sommes dans un monde d’accaparement et, dans ce monde, chacun cherche so bout . C’est ce que Navin Ramgoolam appelle la démocratisation de l’économie. Quand il est venu parler de ce concept pour la première fois, je lui ai dit de bien faire attention car la consonance est de satisfaire l’avidité de chacun. Or, la consonance que la démocratisation aurait dû avoir est celle d’égalité, de transparence, de raisonnement, d’assentiment des gens. A Maurice, il y a à peu près 1 500 familles qui, en association avec des familles étrangères et des intérêts étrangers, sont en train d’accaparer notre pays sur tous les plans. Il ne faut pas dissocier un accaparement d’un autre, car à ce moment- là, il y a un effet boomerang. Nous identifions l’intérêt qui est derrière un accaparement et nous lui trouvons une connotation ethnique et là, le problème commence. Et ce problème est central à celui de CT Power


Vous aviez pris part, il y a peu, à une grève de la faim. Jeff Lingaya participe actuellement à la seconde grève de la faim de l’année. Y a- t- il une banalisation de ce qui devrait être une arme ultime ?
Non. Une grève de la faim faite de façon honnête n’est pas un acte de désespoir. Au contraire, c’est un acte d’espoir pour atteindre un objectif. Si les gens disent que la grève de la faim est en train d’être banalisée, ils devraient se demander pourquoi c’est le cas. Notre démocratie et notre judiciaire ne permettent pas que les contradictions et les problèmes des gens soient réglés. C’est quand on se sent abandonné par tous que l’on entame une grève de la faim. C’est un mauvais signe pour une démocratie quand il y a autant de grèves de la faim.
 

Comment expliquez- vous cette dégénérescence de la démocratie ?
Les gens ont peur de Ramgoolam à un degré inimaginable. Il s’est isolé à la tête du parti et il a envie de rester Premier ministre jusqu’à la fin de ses jours. Un peu comme Mugabe. J’ai rigolé l’autre jour quand j’ai appris que Mugabe, qui a 88 ans, était en train de prendre des dispositions pour rester au pouvoir pour encore dix ans ! Arrivé à un certain âge, il faut faire de la place aux autres.Car ses capacités autant physiques qu’intellectuelles diminuent et il faut s’entourer d’un collectif de personnes pour pouvoir continuer à administrer un pays. Puis, quand on a été longtemps en politique, un moment arrive où on n’a plus de nouvelles idées. Après dix ou 15 ans, on est saturé. Il serait bon de limiter le poste de Premier ministre à deux mandats de cinq ans.
 

Et si on accepte de limiter le mandat d’un Premier ministre, cela voudra dire que les trois principaux partis politiques ne seront plus dominés par les Ramgoolam, les Jugnauth et les Bérenger car les partis auront besoin d’une plus grande variété de potentiels leaders ?
Exactement. Car la démocratisation, c’est l’accessibilité. Quand une population estime que ce n’est pas possible à un jeune avec des idées extraordinaires d’aller plus loin dans la hiérarchie du parti, elle est paralysée. Il faut une structure différente car actuellement, c’est le parti politique qui gouverne. C’est lui qui constitue le gouvernement et celui- ci modifie la nature de l’Etat. Finalement, tout est concentré sur le parti politique. L’ironie veut que le parti politique lui- même soit une structure antidémocratique, sectaire de nature. Il a tous les défauts qu’une démocratie ne devrait pas posséder. Comment est- ce qu’une structure antidémocratique peut assurer la démocratie au niveau national ?
 

Comment voyez- vous l’avenir politique de Navin Ramgoolam, surtout depuis ses difficultés ces derniers temps ?
Il veut durer indéfiniment. Il a pris toutes les dispositions pour que le PTr ne soit pas en mesure de remettre son leadership en question. Mais Ramgoolam va finir comme son père. Il ne pouvait plus générer des idées et malgré tout le respect que les gens avaient pour lui, quand un leader ne peut plus deliver the goods , l’électorat n’a aucun scrupule pour le faire partir. Ramgoolam fi ls est arrivé à un taux de saturation et c’est cela qui va provoquer sa chute.
 

Que peut- il faire ?
L’idéal, ce serait qu’à la moitié de son mandat, l’opposition dépose une motion de blâme contre le gouvernement de Ramgoolam. La motion ne passera sans doute pas parce que le gouvernement est numériquement plus fort. Mais une motion de blâme va permettre, pendant deux ou trois semaines, qu’on fasse une analyse critique de la situation.
 

A quel point pensez- vous que l’affaire Soornack a fait du mal à Ramgoolam ?
( Hésitations…) Quand je regarde l’épouse de Ramgoolam, en sus du fait que j’estime qu’elle est très belle, je me dis voilà une femme qui n’a pas voulu mettre son effi gie sur les billets, qui est très effacée, qui n’est pas une accapareuse, qui ne met pas son nez dans la politique. Si, au moins dans le cabinet de Ramgoolam, à l’Assemblée nationale, plus de gens ont un comportement comme celui de l’épouse de Ramgoolam, cela pourrait créer une réaction dans le pays et les choses pourraient alors changer.Il ne faut pas s’arrêter sur ce que Ramgoolam, l’individu, fait. Ce qui importe, c’est comment les gens dans son entourage se comportent. Ce sont ceux qui sont différents qui peuvent faire une différence.
 

« ON NE PEUT PAS CRÉER CE GENRE DE CRAINTE DANS UN ENDROIT. »

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