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J''ai dit non au fixed penalty

6 février 2013, 20:00

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Refuser d’accepter une « Fixed Penalty » après une contravention pour excès de vitesse a des conséquences pas très agréables. D’ailleurs, avec trois points si l’on accepte le « fixed penalty » , jusqu’à six, si l’on choisit d’aller en Cour, cela encourage automobilistes et motocyclistes à accepter de facto leur culpabilité dès que la police les arrête pour les prendre en contravention pour excès de vitesse.

Selon mes informations, neuf automobilistes sur dix plaident coupables à ce stade. Or, il est très rare que la Cour trouve coupable une personne que l’on accuse d’avoir dépassé la limite de vitesse.

Le prouver en Cour relève d’un véritable parcours du combattant pour la police. C’est pour cette raison que l’automobiliste est encouragé à reconnaître sa culpabilité sur le champ ( et accepter de s’acquitter de l’amende de Rs 2 000 dans un délai de 21 jours).

Plaider non coupable est en fait tellement rare que même le clerc, quand il pose la question à l’accusé ( « Ou pled koupab ou non koupab ? » ) , s’attendant à s’entendre dire « koupab » , est visiblement pris de court quand il entend dire « non koupab » . C’est ce qui s’est passé, le 21 mars 2011, quand je me suis présentée en Cour pour répondre d’une charge d’ « exceeding speed limit » . Le délit allégué s’était déroulé deux ans plus tôt, soit le 15 septembre 2009.

« Ou pou pran enn avoka ? » demande le clerc qui a eu le temps de se reprendre. « Non » , répondis- je. Rendezvous est alors pris le 14 juillet en cour.

Donc, quatre mois après, je me retrouve une nouvelle fois en Cour. Cette fois, je comprends mieux pourquoi la plupart des chauffeurs choisissent de plaider coupables et d’en fi nir une fois pour toutes avec la Cour.

Car juste à l’extérieur du tribunal, là où tous les prévenus patientent en attendant l’appel de leur nom par le policier, tous les accusés sont égaux – les violeurs se mélangent aux voleurs, aux agresseurs, aux pervers… et aux automobilistes qui ne respectent pas le code de la route. L’ambiance n’est pas gaie.

Ce jour- là, première surprise. Un policier s’approche et essaie discrètement de savoir sur quelle base l’on va contester la charge. « Vous le saurez bien assez vite » , dis- je. Le magistrat m’appelle en chambre pour bien confirmer que je plaiderai toujours non coupable.

Confi rmation donnée, la police m’informe qu’il faudra revenir en Cour le 28 novembre, soit cinq mois plus tard.

En novembre, même attitude ambivalente des policiers. Ils se concertent et vérifi ent les photos de la voiture prise par le radar. Mais, au magistrat, ils affi rmeront attendre un avis du DPP ( s’il faut poursuivre ou pas). Rendez- vous est donc pris pour le 30 janvier 2012. Deux mois après, même scénario : le bureau du DPP est toujours « indécis » . Renvoi de l’affaire au 27 mars où la police demande encore un ajournement pour le 15 juin, pour les mêmes raisons.

Le 15 juin, les choses n’ont toujours pas changé. Mais là, il semble que le magistrat perd patience quand la police demande un autre renvoi pour le 17 octobre.

« Si en octobre, le DPP ne s’est toujours pas décidé, je rayerai l’affaire » , menace le magistrat.

Sauf que quand le jour arrive, le magistrat semble avoir oublié ses menaces. « Le DPP n’a toujours pas pris de décision, votre honneur » , dit le policier. « Revenez en Cour le 23 janvier 2013 » , lance le clerc.

Le 23 janvier, le DPP s’est enfin décidé : la police ne poursuivra pas.

Aucune raison n’est donnée, aucune justifi cation du fait qu’une affaire qui date de 2009 ait traîné presque trois ans et demi, qu’elle a été instituée deux ans après les faits et qu’elle ait été renvoyée à sept reprises.

Mais le fait est que « prouver qu’un automobiliste a dépassé la limite de vitesse est une affaire très complexe. Car au- delà du fait que l’on peut prouver que physiquement l’acte a bel et bien eu lieu, il y a toute une panoplie de règles à être respectées pour que les photos prises par l’appareil puissent être admissibles en Cour » , m’explique un avocat.

Comme le fait que l’appareil doit être gardé dans une salle climatisée. Que les policiers utilisant l’appareil doivent avoir été préalablement formés pour manier l’appareil, que le bras tenant l’appareil doit rester immobile – chose pas évidente avec le poids de l’appareil.

Bref, « il y a énormément de facteurs externes qui peuvent affecter l’appareil » , explique le légiste.

Outre cela, la police doit informer les automobilistes du fait qu’ils sont sous surveillance caméra ou radar. « Tenter de les piéger en se cachant derrière les buissons, comme cela se passe trop souvent à Maurice, ne tiendra probablement pas en Cour » , affirme l’homme de loi.
 
 

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