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Jean Bruneau (Commissaire des prisons) : «Nous rêvons d’une galerie des œuvres des détenus»
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Jean Bruneau (Commissaire des prisons) : «Nous rêvons d’une galerie des œuvres des détenus»

L’art comme thérapie. C’est une idée qui fait son chemin dans les projets du nouveau commissaire des prisons concernant la réhabilitation des détenus, au même titre que l’encouragement à entreprendre des études.
Des détenus visitant le château de Versailles en France, d’autres au Maroc qui bénéficient d’une grâce pour avoir entrepris des études. La culture semble constituer un atout pour la réhabilitation…
Chaque pays a ses spécificités. Maurice, carrefour des civilisations, a les siennes. Effectivement, la pratique de l’art sous toutes ses formes contribue à la réhabilitation. Marie Rogers en a fait l’expérience durant son long apostolat aux côtés des détenus de la prison de Richelieu. Elle parle avec enthousiasme des nombreux détenus qu’elle a initiés avec succès à la peinture. Beaucoup parmi ces derniers, après avoir pris conscience de leurs valeurs et de leur pouvoir de créativité, ont retrouvé leur place dans la société.
Le cas de Ponsamy Poongavanon, qui a passé des diplômes en prison, est connu. Les détenus sont-ils encouragés à entreprendre des études ?
Une de nos priorités à la prison est d’encourager les études. Nous avons des programmes pour l’alphabétisation des détenus. Nous travaillons avec SPES sur un module avant-gardiste qui consiste à apprendre à ceux qui souffrent de l’illettrisme de maîtriser la lecture et l’écriture grâce à l’ordinateur. Des dizaines de détenus sont préparés chaque année pour concourir aux examens de la CPE et, éventuellement, à ceux de la Form III.au niveau national. L’accent est mis sur le vocationnel et, à cet effet, beaucoup de nos officiers ont été formés et accrédités pour dispenser des cours. En outre, nous bénéficions aussi de l’apport du ministère de l’Education, à travers des professeurs à plein temps, ainsi que de professionnels délégués par les Ong pour nos cours. Une de nos détenues suit des cours en Law Studies et un autre entreprend des études tertiaires en Economie. Nous avons appris que le plus célèbres des évadés de la prison compte poursuivre des études tertiaires dès qu’il sera fixé sur son sort. Dans une telle éventualité, nous allons l’aider à canaliser sa vive intelligence dans la bonne direction.
«Pratiquer l’art, c’est comme traverser un pont», avait dit Marie Rogers, justement. Pourrait-on imaginer un projet artistique d’envergure pour bâtir de nouveaux repères pour les détenus ?
L’univers artistique recèle des ondes positives qui sont bénéfiques à l’épanouissement de l’homme. Nous encourageons et facilitons la tâche de nos détenus qui s’intéressent à la peinture. Actuellement, nous avons un véritable trésor constitué de chefs-d’œuvre peints par nos prisonniers. Une exposition-vente pour le public est prévue dans le courant de cette année. Nous rêvons de créer une galerie d’art à la prison où seront exposés les tableaux et à laquelle auront accès le public et les touristes en vue d’écouler les peintures faites derrière les barreaux.
Une autre idée à laquelle tiennent les travailleurs sociaux, dont ceux de l’association Kinouété, c’est la question de remise de peine pour participation à de programmes de réhabilitation. Y êtes-vous sensible ?
La question de remise de peine est d’actualité. Il incombe aux autorités de prendre la décision en fonction de plusieurs paramètres et de légiférer afin que les autorités pénitentiaires puissent opérer en fonction des provisions de la loi. C’est un fait que la rémission est un outil qui stimule le détenu à bien se conduire et d’adhérer aux programmes de réhabilitation que nous mettons à sa disposition pendant son incarcération. Les Ong sont également en faveur de la rémission pour que les détenus puissent participer aux programmes mis en place pour encadrer et réhabiliter les détenus. En plus, une remise de peine dans certains cas aideraient à décongestionner nos prisons.
Le programme de Half-Way Home, à partir de juillet, pour les ex-détenues et leurs enfants semble être en bonne voie…
Le concept de Half-Way Home a fait ses preuves dans certains pays. Pour l’introduire chez nous, il y a tout un travail qui reste à faire en termes de législation, d’infrastructures, d’allocation de rôles, de formation pour l’accompagnement, de coordination etc. Il y a une volonté de bouger dans cette direction. Le département des prisons est conscient du rôle qu’il serait appelé à jouer dans une telle éventualité. Nous avons pris l’initiative de discuter avec les Ong en vue de préparer une grande réunion avec tous les stakeholders en vue de préparer un policy paper qui définirait les grandes lignes de la stratégie à suivre.
En août dernier, vous faisiez ressortir que l’ancien Département des prisons et des institutions réformatrices a malheureusement perdu en route le terme «réformatrice».Comment comptez-vous lui redonner sa place ?
En août dernier, je ne faisais pas encore partie de l’équipe en poste à la prison. Je peux dire maintenant que la mission réformatrice n’était pas perdue mais elle était mise en veilleuse au profit de la sécurité. Nous avons repris en main cet apostolat avec le concours de nombreux volontaires. Mais le succès dépend du concours des autorités au niveau gouvernemental. Il faut une révision adaptée de la législation. Il faut aussi des ressources humaines et financières, des infrastructures, de même que la participation de l’équipe de la prison, des Ong, des détenus et de leurs familles, de la presse pour ses critiques objectives, des religieux… En d’autres mots, de tous ceux qui ont à cœur de permettre à celui qui a fauté de retrouver sa place dans la société après avoir purgé sa peine.
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