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Jean-Claude de l''Estrac : "l’Indianocéanie doit peser dans les affaires du monde"

16 juillet 2012, 06:21

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Le nouveau secrétaire de la Commission de l’Océan Indien (COI) donne un aperçu de ce que sera sa mandature. Il réitère sa volonté de donner une nouvelle impulsion à l’organisation régionale ainsi qu’une nouvelle dimension au concept de l’Indianocéanie.

Quelle doit être selon vous la vision de la COI en matière de coopération régionale ?

La vision elle existe déjà, elle existe de manière institutionnelle depuis 30 ans, elle existe même, imposée par la géographie et l’histoire, depuis des siècles. Elle tient à une nécessité : des pays géographiquement proches, partageant un même océan, une même histoire, collectivement isolées et éloignées du reste du monde, ont intérêt à se rapprocher davantage, à mettre en commun leurs moyens, pour chercher à peser dans les affaires du monde. Faute de quoi l’Indianocéanie – les îles du sud-ouest de l’océan Indien – risque la marginalisation.

C’est cette vision qui a présidé à la création de la Commission de l’océan Indien en 1982 à Maurice et qui a trouvé son institutionnalisation par l’Accord de Victoria aux Seychelles en 1984. Depuis elle s’est opérationnalisée par un ensemble de projets qui tous participent à un effort collectif de développement intégré. Le secrétaire général sortant, l’ambassadeur Callixte d’Offay vient de faire un bilan impressionnant de projets mis en œuvre au cours de ces dernières années.

Pensez-vous que la COI doit se cantonner à un forum de cinq membres ou est-il temps de penser à une ouverture vers d’autres pays de la région ?

Sur un certain nombre de projets, la COI collabore déjà avec d’autres pays de la région de l’Afrique australe et orientale. Prenons un exemple : la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien combattre la piraterie qui impose un surcoût sur les transactions commerciales dans la région nécessite, bien entendu, une très large coopération. En 2010 s’est tenue une première réunion ministérielle qui avait vu la participation du Kenya, de l’Afrique du sud, de Djibouti, du Mozambique.

Sur d’autres projets également la COI collabore étroitement avec des pays de la région Afrique australe et orientale, il y a notamment le Plan régional de surveillance des Pêches, le Plan de lutte contre la pollution marine, le projet du suivi de l’environnement par satellite, le projet d’Appui à la gestion intégrée des zones côtières.

Comment situer la COI par rapport à d’autres regroupements régionaux tels que la SADC et le COMESA ?

L’architecture de la coopération internationale, notamment le système de financement des projets d’intégration régionale de l’Union européenne, impose une étroite collaboration entre les organisations des sous-régions.
En ce moment même se tient à Maurice une réunion technique de l’Inter-Regional Coordinating Committee (IRCC) qui comme son nom l’indique vise à coordonner et à harmoniser les stratégies d’intégration régionale de quatre organisations de la région de l’Afrique australe et orientale et de l’océan indien bénéficiaires de l’aide de l’Union européenne dans le cadre du Fond européen de développement (FED). Le Common Market of Eastern and Southern Africa (COMESA), l’East Africa Commission (EAC), l’Inter-governmental Authority on Development (IGAD), et la Commission de l’océan Indien (COI) y participant en présence de la SADC. Cette coordination s’est imposée suite à la proposition de l’Union européenne de regrouper les organisations de l’Afrique australe et orientale dans une même programmation de l’aide allouée par le FED.

Les organisations régionales doivent donc concilier un double objectif : promouvoir une plus grande intégration entre les pays de leur propre région et assurer une meilleure coordination stratégique avec leur région élargie. C’est ce qui se fait non sans difficultés.

Nous avons vu des interventions de la SADC aux côtés de l’Union africaine dans une tentative d’apporter de solutions à la crise malgache. Pensez-vous que la COI devrait se prononcer sur les enjeux politiques ?

Le conseil des ministres de la COI a donné à l’organisation un mandat politique et diplomatique clairement défini. C’est le sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de la COI de 2005 qui a fixé cet objectif. Depuis 2008 ce rôle s’est renforcé. La COI est appelée à promouvoir la stabilité dans la région en participant au dialogue politique, aux règlements des crises régionales, au renforcement de la démocratie.

La question de la stabilité régionale est systématiquement inscrite à l’ordre du jour des réunions de la Commission. C’est d’ailleurs en vertu de ce mandat que le président de la COI, alors le ministre mauricien des Affaires étrangères, Arvin Boolell, avait conduit deux missions à Madagascar, l’une pour évaluer la situation en 2009, l’autre en avril 2011, pour apporter le soutien de la COI à la feuille de route. La COI a joué alors un rôle crucial. En ce moment le président Jean Paul Adam, ministre des Affaires étrangères des Seychelles, est très actif sur le dossier. La COI entend jouer en rôle encore plus significatif d’autant plus que les acteurs politiques malgaches eux-mêmes le souhaitent estimant que la COI a une bonne expertise des enjeux.

Quel rôle pour Madagascar au sein de cet ensemble régional ?

Je viens de le redire : Indianocéanie, en tant qu’espace régional, ne décollera vraiment que quand Madagascar sortira enfin de son marasme politique et économique. Il faut aider les Malgaches, de préférence en évitant de les boycotter, de les isoler, d’étouffer une activité économique et commerciale qui permet encore à la population de survivre, péniblement, malgré la crise politique. Compte tenu de l’évolution positive de la situation politique, la COI a d’ailleurs demandé la levée des sanctions contre Madagascar. Il faudrait que dans la logique de cette position, les pays membres de l’organisation donnent des gages concrets de leur soutien à Madagascar. J’ai noté des incohérences.

Aux yeux du grand public, la COI est une organisation quasi-inexistante. Comment faire pour vulgariser la mission et le travail de la commission ?

Le grand public est malheureusement tributaire de la presse pour s’informer. On ne peut pas dire que les journalistes ont manifesté un grand intérêt pour les affaires de la COI. C’est qu’il s’agit le plus souvent de projets techniques, de questions plutôt arides, de projets transfrontaliers.
Il est vrai aussi que la COI n’a pas toujours été très efficace dans sa stratégie de communication. Mais les choses changent. Il y a depuis plusieurs mois, au sein de l’organisation une nouvelle stratégie qui se met en place. Je vais accompagner et amplifier le mouvement.

C’est en tenant compte de ce besoin d’information et de communication que j’ai proposé la création d’une chaîne de télévision régionale, je la vois comme une plateforme d’échanges culturels et économiques, la voix de l’Indianocéanie. Je prétends que les progrès technologiques, les fibres optiques, le satellite font que ce projet est aujourd’hui réalisable. Il y a déjà une base à partir de laquelle nous pouvons construire, il y a l’Association des radios et des télévisions de l’océan Indien, l’Artoi, il y a l’outil de coopération régionale, l’Orca, qui a même déjà commandé des équipements pour échanger des images par satellite et qui dispose d’un budget. Je pense qu’il faut aller plus loin.

 

 

Propos recueillis par Jean-Yves Chavrimootoo

 

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