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Jean Li Yuen Fong « L’économie s’est diversifiée et l’industrie sucrière ne représente que 2.5% du PIB »
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Jean Li Yuen Fong « L’économie s’est diversifiée et l’industrie sucrière ne représente que 2.5% du PIB »

Enième litige entre l’industrie sucrière et ses travailleurs. Jean Li Yuen Fong met les choses dans leur contexte et explique pourquoi le sujet est tellement « sensible »…
 
Vu de l’extérieur, nous avons l’impression qu’il y a toujours, au sein de l’industrie sucrière, des litiges entre les travailleurs et le patronat. Vrai ou faux ?
C’est vrai, car il faut savoir que l’industrie sucrière occupe une place spéciale dans l’économie. Il n’y a pas très longtemps, les recettes de l’industrie sucrière représentaient 90% des recettes totales du pays et un salarié sur deux travaillait sur un établissement sucrier. Au fil des années, il y a eu une évolution. L’économie s’est entre-temps diversifiée et, en termes de produit intérieur brut, nous ne représentons que 2,5%.
Cela se reflète aussi au niveau de l’emploi il y a maintenant une personne sur 100 qui travaille dans l’industrie. Il a donc fallu s’adapter et cela ne s’est pas fait du jour au lendemain.
Mais malgré l’importance décroissante de l’industrie, il y a toujours autant d’émotion associée à ce secteur.
C’est le poids de l’histoire. Je ne vais pas m’y attarder, je crois que nous la connaissons tous. Mais c’est vrai que nous avons à porter ce fardeau.
Les politiciens utilisent d’ailleurs cet argument à volonté. Mais nous voyons quand même une contradiction - tout le monde veut défendre les employés de l’industrie sucrière, des politiciens aux syndicalistes - mais on a l’impression qu’en fait c’est le cadet des soucis de vos employés !
Au fil des ans, cela a pris une dimension plus politique. Est venu s’ajouter à cela un nombre important de petits planteurs qui constituent une pépinière d’intérêts électoralistes.
L’industrie sucrière devient donc un sujet sensible où l’on peut jouer à fond la carte de « patron dominer » ?
Exactement. Mais les choses ont évolué depuis.
Mais est-ce que les employés de l’industrie sucrière ont eux aussi ce sentiment qu’il existe dans cette industrie, ce concept de « bef travay, souval manze » ?
Non, ce n’est pas le cas. Je pense qu’il y a eu au fil des années, une transformation de l’industrie sucrière et que maintenant le travailleur est formé et il occupe des fonctions spécialisées. Auparavant dans les champs, il y avait des gens qui labouraient la terre, mais maintenant on utilise des tracteurs.
Il y a eu une évolution, un upgrading, l’informatisation etc. Il y a donc eu un changement intéressant.
Intéressant pour vous, mais certainement pas pour celui qui a perdu son emploi !
Mais nous avons dû tenir compte des impératifs économiques du pays. Auparavant, l’industrie sucrière étant le backbone de l’économie, était traitée différemment. Depuis qu’elle ne l’est plus, les choses ont aussi changé pour les employés. Il a fallu que nous devenions un secteur plus compétitif puisque nous sommes dorénavant régis par les mêmes cadres que les autres secteurs. Et nous avons du rationaliser beaucoup de choses pour pouvoir faire cette transition. Et une grande partie de cette rationalisation a concerné la main-d’oeuvre.
Et qui paie pour cette modernisation, cette centralisation et ces nouvelles technologies ?
Mais ce sont les industriels ! Parce que ça concerne le côté industriel les planteurs fournissent la matière première, l’usine produit le sucre et les industriels investissent.
Et où va l’argent accordé par l’Union européenne ?
Il faut démystifier tout cela. Nous avons eu l’aide européenne grâce au programme de réforme qui a été accepté par Bruxelles. Le pays bénéficie donc de 300 millions d’euros et il a été convenu, au départ même, que la moitié de ce montant ira directement dans l’économie nationale et l’autre moitié sera utilisée pour payer la compensation à ceux qui sont partis dans le cadre du Voluntary Retirement Scheme (VRS). Et ce montant n’est pas suffisant pour payer tous les frais associés au VRS. Il ne constitue que 60% de la somme requise. Les 40% restants, soit Rs 8 à Rs 9 milliards sont financées par les compagnies sucrières souvent à travers des prêts bancaires.
L’on reproche à l’industrie sucrière des relations incestueuses avec l’industrie touristique.
C’est absolument faux. Dans la passé quand l’industrie sucrière a généré des profits, elle a investi dans d’autres secteurs. Et les autres secteurs ont maintenant une activité propre à eux, ils ont leur propre main-d’oeuvre. Dans beaucoup de cas, les investissements ont été faits en association avec d’autres partenaires stratégiques.
Quand ils reçoivent des dividendes, ces gains reviennent dans les comptes des compagnies sucrières. Mais ce que les syndicalistes disent c’est que les profits générés par l’industrie sucrière doivent être utilisés pour payer la main-d’oeuvre de l’industrie sucrière. L’argument ne tient pas.
Tous les comptes des usines sont audités et c’est justement parce que le système est transparent que tout le monde sait ce qui se passe.
Mais ce que certains reprochent à l’industrie sucrière, c’est que les sucriers ne s’intéressent qu’à faire des profits alors que le sort de leurs employés est le cadet de leurs soucis !
Il faut mettre les choses dans leur juste perspective. La MSPA comprend 22 compagnies sucrières distinctes les unes des autres. Le turnover de ces compagnies s’élève à Rs 7 milliards. Ce chiffre n’est rien du tout dans l’économie du pays. En comparaison avec ceux de la Compagnie mauricienne de textile ou encore de la New Mauritius Hotels.
Mais ces entreprises n’ont pas le poids de l’histoire sur la tête !
C’est vrai. Mais toujours est-il que l’année dernière, ces 22 compagnies ont terminé l’année avec un déficit de Rs 267 millions. Ce que l’on reproche à l’industrie sucrière c’est d’avoir déclaré des dividendes de Rs 1,4 milliard. Mais les dividendes ne sont pas payés du operating income et servent surtout à rémunérer les actionnaires qui ont investi dans les entreprises. Quand on tient compte que la valeur des biens de toutes les compagnies sucrières s’élève à plus de Rs 60 milliards et que les actionnaires ont reçu un dividende de Rs 1,4 milliard, qui représente à peine 2% de leurs biens. S’ils avaient mis cet argent en banque, même en période de récession, ils auraient eu 4,5% !
J’imagine que ça doit être difficile pour vous de constamment vous défendre contre des accusations qui ne vous sont personnellement pas adressées !
Par moments c’est difficile, mais en même temps j’ai de la chance de vivre ces moments importants dans la vie de l’industrie.
D’autre part, je suis quand même un peu triste de voir que certains responsables syndicaux qui sont supposés représenter l’intérêt de nos employés, mais qui font tellement de démagogie que l’on est en droit de se demander ce qu’ils veulent vraiment.
En même temps, si l’industrie sucrière avait à coeur l’intérêt de ses propres employés, les syndicalistes n’auraient jamais eu à s’en mêler !
Je le concède. Et c’est la raison pour laquelle nous avons un travail de communication à faire au sein des entreprises. Mais en même temps, nous souhaitons que nos relations avec le mouvement syndical s’améliorent. Mais il y a certains syndicalistes qui ne disposent pas de toutes les données.
propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
 
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