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Jocelyn Kwok : « Ce que nous avons fait de notre exercice de Branding n’est pas à répéter »
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Jocelyn Kwok : « Ce que nous avons fait de notre exercice de Branding n’est pas à répéter »

Le directeur de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) explique que 2012 reste, pour l’heure, incertaine. Il prône une action collective entre autorités, hôteliers et lignes aériennes et estime que l’exercice de branding gagnerait à être amélioré.
? Comment le tourisme mauricien a-t-il clôturé l’année 2011?
Au début de 2011, on était relativement optimiste. On sortait d’une année de reprise en 2010 et ce, après une décroissance en 2009. En janvier 2011, les projections laissaient penser que le secteur allait croître par environ 7 %. Mais la crise de la zone euro est venue brouiller à nouveau nos calculs. Au final, on va clôturer l’année avec 4 % de croissance seulement. C’est une baisse importante par rapport aux 7 % anticipés. On clôture également à 975-980 000 arrivées alors qu’on tablait sur un dépassement de la barre d’un million de touristes. C’est donc un bilan plutôt mitigé. Il y a du positif. C’est une croissance. Dans les recettes brutes d’abord. Et puisqu’il y a eu une croissance dans le nombre de chambres d’hôtel disponibles, une performance stagnante au niveau du taux d’occupation dans les hôtels veut également dire plus de nuitées vendues. On termine cette année à environ 65 %, comme en 2010. En 2007, les hôtels affichaient un taux d’occupation de 76 %.
Aujourd’hui, chaque pour cent gagné ou perdu équivaut à peu près à Rs 200 m de recettes brutes. De plus, le billet d’avion vers Maurice étant bien plus cher que pour nos concurrents, le maintien de packages compétitifs sur Maurice équivaut à de gros efforts au niveau des tarifs hôteliers. Ce taux d’occupation moyen de 65 % n’a donc pu être maintenu qu’au prix d’une importante baisse du revenu moyen par chambre. Nous subissons aussi des pertes sèches à cause de l’appréciation de la roupie vis-à-vis de l’euro et de la livre sterling.
? Comment s’annonce 2012 ?
L’année 2012 reste très incertaine. Toutes les deux ou trois semaines, on a notre lot de mauvaises nouvelles venant de l’Europe. On risque de subir beaucoup de dégâts. La France et la Réunion, c’est 45 % de nos arrivées. Sans être mauvaise langue, ça va être du damage control pour certains, pour d’autres du stop loss en ajustant leurs prix et leurs coûts et, pour beaucoup, des stratégies de survie. La situation est très compliquée. Je ne vous parle pas d’une catastrophe annoncée, mais d’une mauvaise année à gérer.
? Vous disiez que l’optimisme primait en janvier 2011. Qu’est-ce que le secteur n’avait pas prévu ?
La crise de la zone euro explique pour une large part cet état des choses. Ajouté à cela, nous avons connu une période creuse difficile, sans doute la plus difficile qu’on ait connue. De mai à octobre, on a été nettement moins bien qu’en 2010. On n’a peut-être pas été assez réactif par rapport à cette période. Lorsqu’on a vu que cela allait être difficile, on n’a pas été assez tactique pour tenter de maintenir un niveau d’activité plus proche de nos objectifs.
? Que peut-on faire pour éviter que cela se reproduise cette année ?
Autorités, MTPA, lignes aériennes et hôteliers doivent travailler ensemble, au moins six mois à l’avance, pour combler ces mois creux avec des activités précises. C’est là où vous allez faire des actions ponctuelles ou bien viser un marché précis par rapport aux saisons. Pour la plupart des autres destinations balnéaires, les efforts faits ont été plus visibles. Mais c’est aussi vrai que ces pays ont été aidés par un accès aérien beaucoup plus libre. Pendant cette période creuse, par exemple, pour chaque touriste débarquant à Maurice, 1,2 siège d’avion en moyenne était disponible.
Pour le touriste débarquant aux Seychelles, c’est une moyenne de 2,4 sièges disponibles et aux Maldives, c’est 1,6 siège. Ces différences sont notables lorsqu’elles se traduisent dans la réalité des places disponibles pour le touriste voulant voyager. Tout le monde doit donc faire sa part d’effort. Mais il y a aussi les autres choses bien entendu, comme le marketing, l’articulation des efforts de promotion, la diversification des marchés, etc. qu’on doit revoir.
? En matière d’accès aérien, que préconisez-vous ?
Pour différentes raisons, dont certaines sont justifiées, Maurice ne veut pas d’une politique de ciel ouvert. Nous respectons les points de vue de ceux qui sont contre cela mais nous prônons une ouverture contrôlée de notre espace aérien. En fait, ce qui a été peut-être mal conçu ou mal articulé a été l’adéquation entre la politique de développement hôtelier et celle de l’accès aérien. Ce que nous demandons, c’est une correction. Cela a un prix. Et nous le comprenons.
? Qu’entendez-vous par correction ?
Des vols supplémentaires représentent un business risk qui doit être pris par les lignes aériennes d’abord. C’est là où le débat est ouvert. On ne peut pas demander à Air Mauritius de prendre ce risque seule, mais on ne peut pas non plus empêcher Emirates ou d’autres compagnies d’accepter de le prendre. Les hôtels et les compagnies aériennes, c’est la même chose. Ils vendent des sièges d’avion, nous des chambres. A 65 % d’occupation, on est mal. Les lignes aériennes ont probablement serré les vis un peu partout. Y compris sur le load factor. Si Air Mauritius, par exemple, veut travailler sur des load factors plus élevés, c’est une décision de gestion qu’on ne peut que respecter. La réponse immédiatement, c’est malheureusement un potentiel de croissance diminué. Et augmenter le nombre de sièges disponibles, d’Air Mauritius ou d’autres compagnies, ramène ce potentiel de croissance. C’est un peu le problème de l’œuf et de la poule. C’est toujours le dilemme entre l’hôtellerie et l’accès aérien. Mais nous pensons que cette correction demandée, c’est-à-dire 350 000 sièges supplémentaires vers Maurice à l’horizon 2013, n’est pas déraisonnable. L’ouverture du nouvel aéroport fin 2012 devrait nous conforter dans cette voie.
? Quelque 40 % de nos visiteurs séjournent dans le secteur non hôtelier. Pensez-vous que cela va augmenter ?
Non. Officiellement, il y a 12 500 chambres d’hôtels. Et selon nos estimations, il y a environ 12 000 chambres hors du secteur hôtelier. De ces 12 000, un peu moins de la moitié n’est pas enregistré auprès d’une quelconque autorité. Si on se dirige vers l’objectif de 2 millions de touristes, proportionnellement les 60 % qui vont dans les hôtels ne peuvent pas trop bouger. Est-ce que les touristes vont abandonner les hôtels ? Cela reste à voir. Il faut faire attention : la destination Maurice s’est surtout construite à travers l’imagerie de ses grands hôtels. Aujourd’hui, si on table sur une croissance sans eux, on prend d’énormes risques. Si on ne préserve pas cette image projetée par les grands hôtels, on va tout doucement vers le bas. Et ce n’est pas ce que nous voulons, bien entendu.
? Comment exploiter des marchés autres que les marchés traditionnels ?
Les nouveaux marchés représentent un immense challenge. Il faut en faire l’apprentissage et surtout, articuler la demande que nous ciblons autour de notre offre, sans s’y perdre ! La logique voudrait que l’on utilise une partie des surplus dégagés par les marchés traditionnels pour les investir dans les marchés émergents. C’est un effort que nous avons commencé et qu’il faut accentuer. Un certain nombre d’événements sont prévus en 2012.
? Pourrons-nous soutenir les fortes croissances que nous avons eues pour les marchés indien, chinois et russe ?
Question délicate. On a connu un modèle de croissance avec le tourisme de plage. On a enrichi ce tourisme-là avec le golf, le spa et demain on le fera avec le shopping, l’écotourisme, le tourisme culturel, etc.…Ce sont des choses qui vont se mettre en place. L’investissement dans chacun de ces marchés coûte cher mais c’est entre nos mains définitivement. Il y a certains opérateurs qui ont des positionnements relativement forts sur ces marchés, et qui vont y augmenter leurs activités de marketing et de promotion, et l’aérien doit suivre. Le vol direct Shanghai-Maurice non-stop à partir de mars ou avril sera le vrai test grandeur nature pour le marché chinois.
? Il y a la question de la visibilité de la destination. En avons-nous fait assez ?
Est-ce qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas pu faire ? La MTPA a plus ou moins respecté ses engagements. Les hôteliers ont eux aussi fait ce qu’il fallait faire. De manière générale, je ne pense pas qu’on ait sacrifié la promotion. Mais cela dit, dans tout ce que nous faisons, le process est très important. L’exemple de ce que nous avons fait de notre exercice de branding n’est pas à répéter. Le process avait été arrêté alors que, selon moi, la contestation aurait dû nourrir ce même process – c’est fait pour ! Un process fort aurait su gérer la contestation et faire ressortir des solutions. Par ailleurs, ce serait grave si une stratégie marketing, dont le branding, devait faire l’unanimité dès le départ – cela voudrait dire qu’elle n’a même pas la faculté de surprendre…
Propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM
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