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Jocelyn Kwok : «Le taux d’occupation des hôtels reste sous le seuil de rentabilité»

23 novembre 2011, 08:02

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Le CEO de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) commente  la situation prévalant dans le secteur touristique. Il se prononce également sur les incitations accordées à l’industrie du tourisme dans le budget 2012.


? Comment avez-vous trouvé le volet tourisme du budget 2012 ?

Le discours budgétaire 2012 a été plutôt bien accueilli par les opérateurs. Les mesures fiscales apporteront un soulagement certain par ces temps de crise et le vote prochain du Finance Bill devrait pouvoir confirmer ces points positifs. L’AHRIM avait soumis, dans le cadre des consultations pré-budgétaires, ses propositions portant sur quatre enjeux prioritaires, l’accès aérien, la parité de la roupie, le marketing de la destination et le produit offert, et l’environnement général des affaires. Comme nous l’avions indiqué dans nos réactions immédiates au discours budgétaire, l’AHRIM reconnaît l’implication du gouvernement dans le relèvement des défis posés au secteur du tourisme, mais note également une certaine timidité dans le discours, envers le besoin de restructuration de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA). Mais le ministre des Finances a aussi eu l’occasion de préciser qu’en ce qu’il s’agit de ce genre d’actions, la balle est dans le camp du ministère concerné, ici celui du Tourisme.

? On nous annonce une nouvelle hausse des arrivées de touristes. Constatez-vous une augmentation de la fréquentation dans les établissements de vos adhérents ?

Selon nos estimations actuelles, plus de 40 % des touristes séjournent désormais dans le secteur non hôtelier. Donc, l’augmentation des arrivées touristiques n’est plus aussi directement liée à l’activité de nos hôtels. De plus, le parc hôtelier s’est agrandi d’environ 1 700 chambres depuis 2007, soit un accroissement de 15 % en moins de quatre ans. Pour cette année, selon nos projections, le taux d’occupation moyen devrait être, au mieux, du même ordre qu’en 2010, soit autour de 65 %, un niveau qui reste en dessous du seuil de rentabilité de nombreux hôtels, et très éloigné des 76 % atteints en 2007. De plus, on observe que les hôtels ont cette année surtout mis davantage de moyens pour vendre leurs chambres. D’un hôtel à l’autre, cela s’est traduit par une baisse du prix de la nuitée, principalement à l’intérieur même du package billet d’avion + hôtel, d’une augmentation de la prestation au même coût inchangé, ou encore, des stratégies financières de survie. Plus marginalement, mais de façon de plus en plus importante, les taux de remplissage incluent depuis peu une fréquentation, en forte hausse, des Mauriciens et autres résidents à Maurice.

? La progression du nombre de touristes chinois est impressionnante (+161 %). Ce marché est-il prospecté de façon correcte ?

Je pense que le potentiel du marché chinois est connu, et que les opérateurs qui s’intéressent à ce marché, font depuis un certain temps, les efforts nécessaires en vue d’attirer davantage de touristes chinois à Maurice. C’est le cas de plusieurs grands hôtels. C’est difficile à ce stade de dire si le marché est bien prospecté ou pas. Il y a un apprentissage obligatoire qui prendra du temps, et on n’a peut-être pas suffisamment de moyens pour s’attaquer à ce vaste marché dans les meilleures conditions. La progression de 161 % est certes impressionnante, et il n’y a aucune raison de penser qu’elle va ralentir.

Le premier test grandeur nature pour nous sera la mise en place du premier vol direct non-stop vers Shanghai, prévu pour 2012 par Air Mauritius. Au niveau des hôteliers, les efforts entrepris à ce jour, notamment le recrutement d’employés parlant le chinois et la mise en place d’une cuisine adaptée, vont augmenter.

? On parle beaucoup des problèmes de desserte aérienne. Que demandez-vous en la matière ?

Ce n’est pas un secret qu’il faut davantage de cohérence entre la politique nationale d’accès aérien et les choix faits en matière de développement du secteur touristique, qui comprend non seulement le parc hôtelier mais aussi les nombreux services liés. Or, depuis 2007 à ce jour, non seulement le nombre de chambres a augmenté de 15% mais le nombre de sièges d’avion disponibles vers Maurice a diminué de plus de 2 % !

L’AHRIM a favorablement accueilli la décision du gouvernement d’accorder deux vols hebdomadaires supplémentaires à Emirates, mais il nous faut aller plus loin et démontrer plus d’ambitions. Cette décision en faveur d’Emirates constitue une étape certes très positive mais ne résout pas le problème de déficit du nombre de sièges d’avion. Nous estimons que le pays a besoin au minimum de 12 à 14 vols hebdomadaires supplémentaires afin de soutenir à l’horizon 2013, l’ensemble du secteur touristique, dont un total projeté de 14 000 chambres d’hôtel, contre 12 500 en ce moment – sans compter les 10 000 chambres supplémentaires proposées par le secteur non hôtelier.

Il est donc urgent de mettre en place les structures nécessaires pouvant permettre au pays d’exercer ses choix de politique d’accès aérien, et d’y impliquer Air Mauritius comme partie prenante à part entière.

? La mise en place d’une coopération entre les agences publiques et les organisations privées dans le tourisme a été prévue dans le cadre du budget. Comment allez-vous travailler ensemble ?

Depuis plusieurs mois, il existe déjà des structures formelles de consultations public-privé appelées les Technical Advisory Committees (TAC), qui planchent sur une série d’enjeux – les différents marchés, le marketing de la destination, le fonctionnement de la MTPA, le e-marketing, etc. Ces TAC doivent gagner en crédibilité et cela va prendre un peu de temps. Il ne faut surtout pas que tous ces TAC deviennent trop lourds et peu efficaces en termes de prises de décisions. Quant à la mise en place d’un JointWorking Group sur le Business Facilitation, nous attendons des choses concrètes sur le mode opératoire de cette coopération.

? Estimez-vous comme certains que l’image de Maurice s’est dégradée ?

L’île Maurice bénéficie encore d’une image de marque très positive en Europe et surtout en France grâce au travail des hôteliers, des lignes aériennes présentes sur ces destinations et de la MTPA, entre autres. A cela, il faut bien entendu ajouter, et c’est essentiel, le produit mauricien et en particulier le service, la gentillesse et le sens de l’hospitalité de la population mauricienne. Il nous faut absolument conserver ces attributs, voire les renforcer, afin de soutenir notre avantage comparatif et, en même temps, améliorer et enrichir notre produit touristique.

La crise économique et les comportements des voyageurs ont modifié les modes de consommation et la destination se retrouve désormais concurrencée par le reste du monde. Il nous faut donc nous ajuster face à l’évolution de ce marché international. Nous avons les grandes lignes de notre branding – à savoir une destination exclusive et de qualité – que nous devons affiner, mettre à jour et adapter aux nouvelles conditions du marché.

L’image de Maurice a été mise à mal à plusieurs reprises ces dernières années, c’est vrai, mais il nous faut, à nos différents niveaux et parmi nos diverses instances, persévérer et garder le cap. Il serait intéressant également de suivre l’évolution de l’image de nos principaux concurrents directs.

? Que vous inspirent les péripéties autour des hôtels du groupe réunionnais «Apavou» ?

Le groupe Apavou est un membre important de l’AHRIM. Nous le soutenons par ces moments difficiles où nous sommes tous affectés par une situation de crise, ici à Maurice comme à l’étranger. Les récentes décisions prises par le groupe vont certainement dans le bon sens.

Propos recueillis par Pierrick Pédel

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