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José Arunasalom « La dérive révélée par la chaîne télé M6 a commencé il y a trois ans »
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José Arunasalom « La dérive révélée par la chaîne télé M6 a commencé il y a trois ans »

L’Ex-ministre du Tourisme et  Président de la Commission Tourisme du MMM revient sur l’émission télévisée qui a fait polémique dans les milieux touristiques. 
Le reportage diffusé dans l’émission Capital sur Maurice laisse l’impression que Maurice change de stratégie en ce qui concerne sa politique touristique. Le ministre du Tourisme a démenti cela. Qu’en pensez-vous ?
Si le ministre pensait obtenir un reportage de complaisance style MBCTV, c’est qu’il doit encore apprendre à connaître la presse française. Il aura beau démentir, il ne pourra pas continuer à nier une évidence qui inquiète beaucoup de partenaires  tour opérateurs étrangers fidèles à notre pays depuis plusieurs décennies. Cette dérive révélée au grand jour par M6  a commencé il y a trois ou quatre ans et se poursuit à une cadence plus rapide. M6  n’a fait qu’attirer l’attention sur un phénomène que les autorités ont essayé de pousser vainement sous la moquette. La vérité nous saute au visage aujourd’hui. 
Pourquoi se retrouve-t-on dans cette situation, aujourd’hui ?
Parce qu’on ne peut pas cacher la vérité et que les effets pervers commencent à agacer beaucoup de partenaires tant locaux qu’étrangers alors que les prédateurs s’en frottent les mains. J’ai dénoncé ces pratiques il y a plus de trois ans mais le ministre du Tourisme, Xavier Duval, a esquivé une invitation à débat sérieux sur la question.
N’est-ce pas normal que des hôtels cassent les prix afin de contrer les effets de la crise internationale ?
Cette affaire n’a rien à voir avec la crise car ce phénomène dure depuis 2006.
Comment attirer  deux millions de touristes si l’on ne pratique pas un prix abordable au plus grand nombre ?
J’ai toujours exprimé mon scepticisme et même un désaccord fondamental avec cet objectif de deux millions de touristes et je maintiens ma position. Le temps m’a donné raison. Cet objectif est un non sens car pour le faire il faut doubler le parc hôtelier. Avons-nous des terres sur le littoral pour construire autant de nouveaux hôtels  afin de réaliser cet objectif ? Va-t-on prendre les plages dont les mauriciens ont besoin pour leurs loisirs ?
Il est plus raisonnable  d’optimiser les dépenses par touriste et minimiser l’impact sur l’environnement et nos infrastructures.
Peut-on éviter de tomber dans le bas de gamme ?
Evidemment que si l’on veut accueillir deux ou trois millions de touristes par an, on est obligé de tomber dans ce qu’on appelle le bas de gamme ou le tourisme de masse avec toutes les conséquences qui s’ensuivront.
Quel a été l’impact de la politique « All inclusive » sur le secteur touristique ?
Tous les repas et boissons sont compris dans un « All inclusive package ». Ce qui n’incite pas le touriste à sortir en dehors des murs de l’hôtel. Le restaurateur du village ou le chauffeur de taxi  ne gagne rien dans ce type de développement touristique. Cela est contraire au concept de faire partager les fruits du tourisme à un plus grand nombre.
Le pays n’en bénéficie-t-il pas ?
Avec le « All inclusive package », le voyagiste étranger se transforme en hôtelier, transporteur aérien  tout à la fois. Il pratique l’intégration verticale et s’en tire à bon compte. Est-ce bénéfique pour le pays et les opérateurs mauriciens ? Combien cela rapporte-t-il au pays en fin de compte ?
Quelle évaluation faites-vous de la politique « open sky » pratiquée depuis quelques années par Maurice ?
 
Dans le cadre des accords bilatéraux de transport aérien avec la France, l’ancien gouvernement avait ouvert de manière prudente notre espace aérien à Corsair, deuxième transporteur français désigné par la France. Mais depuis, on a laissé venir n’importe qui en période de pointe  pour prendre le beurre et ce sont les mêmes qui nous abandonnent quand il n’y a plus de beurre. C’est en fait une politique de charters déguisée.  Il n’y a aucune cohérence dans ce qui se fait actuellement. L’organisme régulateur, longtemps promis, doit pouvoir mettre bon ordre dans tout cela une fois pour toutes.
N’est-ce  pas normal que le produit touristique soit repensé à intervalles réguliers ?
Evidemment. Se remettre en question est une condition sine qua non pour survivre dans ce monde compétitif.
Depuis les états généraux du tourisme tenus en 2006 et la remise du plan stratégique 2009-2015 il y a presque un an de cela, le ministre n’a pris aucune décision sérieuse. Ce plan a coûté plusieurs millions aux contribuables mais aucune des recommandations qu’il contient n’a été mise en pratique.
Comment préparer l’avenir, alors ?
Pour préparer l’avenir, il faut commencer maintenant. Si on verse dans l’auto satisfaction on risque de se réveiller avec une gueule de bois et le bec dans l’eau. N’oublions pas la phrase de l’ancien S.G de l’Organisation Mondiale de Tourisme, Francesco Frangialli lors de sa visite chez nous en 2005 : « les peupliers ne peuvent pas monter jusqu’au ciel », avait-il dit.
La diversification des sources de touristes mauriciens a-t-elle donné des résultats escomptés ?
Comme c’est un travail de longue haleine, il faut continuellement se battre, s’ajuster aux nouveaux marchés et niches prometteuses. Malheureusement il nous manque  le leadership pour fédérer tout cela. Il n’y a pas non plus de travail d’intelligence économique et marketing.
Quelle orientation donner au tourisme mauricien ?
D’abord maintenir à tout prix notre accueil, privilégier la qualité, professionnaliser le service à tous les niveaux. Cessons de nous prendre pour le nombril du monde.  Oublions la quantité et le « running after numbers  ». Faisons peu mais faisons bien.
Et quid de la qualité du service ?
La formation professionnelle est à la traîne, il n’y a qu’à voir comment le service se dégrade de jour en jour. Etablissons des normes pour tous les secteurs et veillons au respect de celles-ci. Cessons de donner dans du superficiel à commence par ceux de qui l’exemple doit venir.
Les revenus des grands groupes hôteliers sont en baisse. Est-ce un phénomène conjoncturel ?
J’espère pour eux que c’est le cas…
 
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