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Judex Rampaul: « Laissez respirer nos lagons!»

23 octobre 2009, 07:52

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Le président du Syndicat des Pêcheurs (SPM) expose les problèmes qu’engendre l’aquaculture, aux pêcheurs et à l’environnement de Bambous-Virieux.

Depuis quand l’aquaculture est-elle pratiquée dans cette région de l’île?

Le projet pilote à été lancé en 2002 par l’ancien ministre de la Pêche, Sylvio Michel. Il est passé en phase industrielle, il y a deux ou trois années, car le promoteur a conclu que le projet fonctionnerait bien.

Et qu’avez-vous constaté?

Nous, les pêcheurs, nous ignorions tout, au départ, des conséquences qu’aurait l’aquaculture. C’était tout nouveau, tout beau, comme dit le proverbe. Hormis les scientifiques tels que les océanographes, ce sont nous, les pêcheurs, qui connaissons mieux l’environnement marin, vu que nous y travaillons quotidiennement. Ceux qui pêchent dans le lagon de Bambous-Virieux ont noté la présence d’un foisonnement de poissons, et même de prédateurs tels que les requins, autour des cases d’élevage de poissons de l’aquaculture. Ils sont attirés par ce grand nombre de poissons dans un même lieu et par la nourriture qui est donnée aux poissons élevés dans ces cases. Premièrement, cela cause déjà un déséquilibre dans l’écosystème.

Deuxièmement, les requins représentent aussi un danger. Mais en créent un autre, il arrive qu’ils parviennent à briser les cases de l’aquaculture. Ce qui permet aux poissons qui y vivent de circuler dans le lagon. Une case contient environ 50 000 individus. A Bambous-Virieux, une vingtaine de cases ont été placées dans le lagon. Faites le calcul! Les scientifiques même le disent, les excréments de ces poissons polluent la mer.

Les poissons de l’aquaculture sont-ils meilleurs que ceux qui vivent naturellement?

Ecoutez, il faut dire les choses comme elles sont. De la même façon qu’une poule produite à l’échelle industrielle est gavée de nourritures qui la fait grossir en quelques semaines, le poisson de l’aquaculture est également «dopé». Il est différent du poisson qui vit à l’état naturel dans le lagon, un poisson frais.

Mis à part les problèmes environnementaux, quels sont ceux rencontrés par les pêcheurs?

L’aquaculture occupe une vaste place dans le lagon et le gouvernement a promulgué une loi qui leur interdit de pêcher à 100-150 m des cases. Ce qui implique que l’espace pour la pêche est réduit et, vu qu’il y a une concentration de poissons près des cases, il ne reste pas grand-chose à pêcher. Selon les statistiques du ministère de la Pêche, un pêcheur rapporte 3,5 kg à 4 kg de poissons par jour. Aujourd’hui, la moyenne est de 2,5 kg seulement quotidiennement. De jour en jour, nos prises diminuent.

Selon vous, que devraient faire les autorités pour remédier aux problèmes que vous avez cités?

Il faut que l’Etat réalise qu’aujourd’hui, les promoteurs exploitent notre environnement. Mais demain, une fois qu’ils ne pourront plus rien en tirer, ils iront facilement voir ailleurs. Toutefois, tout ce qu’ils auront détruit ne pourra pas être réparé. Quid de nous à ce moment là? D’ailleurs, je précise que les autorités n’ont jamais consulté les pêcheurs quand elles ont considéré le projet d’aquaculture.

Alors, je ne dis pas que l’aquaculture ne doit pas être pratiquée. Mais elle pourrait être mise en place sur la terre plutôt que dans la mer. Laissez respirer nos lagons! Que le promoteur fouille la terre, puis, comme pour une piscine, qu’il pompe l’eau de la mer pour procéder à l’aquaculture.

Cela lui permettra aussi d’effectuer de meilleurs suivis et traitements des poissons qu’il élève.

Je pense aussi qu’il faudrait analyser sérieusement les projets avant d’octroyer des permis aux promoteurs.

On ne pas permettre l’entreprise à tout-va de projets liés à nos lagons sans penser aux conséquences, sous prétexte d’encaisser de grosses sommes d’argent. Il faut être sensible aux problèmes des gens.

Les autorités ont déjà foiré, dans le passé, avec le tout-à-l’égout qui était déversé dans la mer. Ensuite, avec le concombre de mer, qui a tellement été convoité qu’il a disparu des lagons.

Une centaine de pêcheurs opèrent dans le lagon de Bambous-Virieux. La pêche, c’est leur gagne-pain depuis des années et des générations.

 

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