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Kalyanee Juggoo : « Le PM sait pour quel ministère je suis taillée »

16 octobre 2011, 00:49

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AMOUR ET TRAHISON. On connaissait l’impératrice de la n°4 pour deux choses : son côté fan hardcore du Parti travailliste et son renoncement, après un gros caprice, à devenir ministre. Et si c’était un peu plus compliqué ? Interview tout en uppercuts

Alors, heureuse ?

(Sourire jusqu’aux oreilles) Regardez-moi, j’ai l’air malheureuse ?

Vous avez fini par l’avoir cette promotion…

Je n’ai jamais réclamé de promotion.

A-t-on mal compris vos agents ?

Vous l’avez dit, mes agents, pas moi. Et j’en ai près de 600.

Un pour chaque rue !

Un ou deux par rue. Pour construire ce réseau, il m’a fallu 25 ans. A ma première réunion, en 1987, cinq personnes étaient dans la salle. Maintenant ils sont cent fois plus nombreux.

N’avez-vous aucun contrôle sur eux ?

Si. C’est précisément ce que j’ai fait à mon retour de Chine. J’ai organisé une réunion pour contrôler leurs émotions.

Ce sont de grands émotifs ?

Quand ils pleurent, maman essuie leurs larmes. Il a fallu du temps et des explications. Maintenant, le calme est revenu.

Elles ont bon dos les pleurnicheries. Si vous étiez ministre de l’Egalité des genres, en cas de pépin, vous rejetteriez la faute sur votre staff ?

« Pa-mwa-sa-li-sa », pa mo koze sa ! De toute façon je n’ai jamais été intéressée par ce ministère.

Lequel vous intéresse ?

D’autres, mais pas celui-là. Les aspirations de mes agents et les miennes, ce sont deux choses différentes. Pendant un mois, tous les gens que je croisais me disaient : « Ayo, trist madam. Ki arrive ou pann vinn minis ? » Chez nous, dans la n°4, la moindre étincelle déclenche un incendie. Moi je n’ai rien demandé. J’ai posé la question au Premier ministre l’autre jour : « Vous ai-je demandé d’être ministre ? » Il m’a répondu que non. Mes agents, c’est autre chose. Ils n’étaient pas satisfaits et l’ont fait savoir. C’était leur façon de montrer leur affection pour moi.

Une affection revendicative…

Ce n’est pas en 2011 qu’il fallait réclamer quelque chose, mais en 2005. Aujourd’hui, mes agents sont sous contrôle. (Sur le ton de la confidence) Vous savez, ce sont des enfants. Ils ont été déçus et se sont mis à pleurer. Maman leur a fait comprendre qu’il ne fallait pas déchirer la famille.

A coup de calottes ou de câlins ?

Les calottes n’aident pas les enfants. L’écoute est plus efficace.

Et qu’avez-vous entendu ?

Mes agents étaient mécontents parce que j’ai construit la maison. Avant moi, le PTr n’existait pas dans la n°4. Nous avons travaillé 28 ans ensemble, ils attendaient quelque chose en retour. D’où leur colère. Mais bon, il ne faut pas exagérer, ils ne sont pas descendus dans la rue non plus.

Pouvez-vous citer trois bonnes raisons de vous nommer à la place de Mireille Martin ?

Non, aucune. Nous avions une majorité faible, il fallait renforcer le gouvernement. Moi, j’appartenais déjà au parti. Le Premier ministre a pris la bonne décision.

Vos efforts pour rattraper le coup sont louables mais n’est-ce pas un peu tard ?

(Agacée) Des efforts ? Je n’ai aucun effort à faire. J’ai perdu ma fille unique dans un accident et je m’en suis remise. Vous croyez qu’une histoire de nomination va m’anéantir ? C’est déjà de l’histoire ancienne, la vie continue.

Une histoire qui pourrait vous coûter cher. Ne valait-il mieux pas se fâcher avec ses agents plutôt qu’avec son leader ?

Je ne suis fâchée avec personne. Ni avec mes agents, ni avec mon leader.

Mais lui pourrait l’être contre vous…

S’il l’était, il n’aurait pas dit publiquement que je suis « totalement loyale ». Lorsqu’il m’a reçue, je lui ai dit d’emblée : « Ou kone mo pa pou ale ». Il le sait, il me connaît bien. J’ai des principes dans la vie. Un de mes principes est de ne pas quitter le PTr. Pour quelle raison le ferai-je ? Le ministère de l’Egalité des genres, je vous l’ai dit, ne m’a jamais intéressé. Ni celui de la Femme, d’ailleurs. Le PM sait exactement pour quel ministère je suis taillée. Un jour, il m’y nommera.

Je vous trouve bien optimiste…

Le pessimisme ne paie pas.

« Kalyanee est politiquement fi nie » : voilà ce que l’on entend dans l’entourage du PM.

Je n’ai pas eu les mêmes échos. Maurice est une fabrique à palabres. On en produit à l’échelle industrielle. Ayo to kone, amba la boutik monn tand enn dimoun dir tel zafer, un classique dans ma circonscription. Même ma maman me dit ce genre de chose. Amba la boutik, ki sann la ? Donne-moi un nom que je remette la personne à sa place.

Vous avez quand même pris le PM en otage. Rama Sithanen a été banni pour moins que ça…

Je n’ai pris personne en otage.

Vos négociations avec l’opposition, vous appelez ça comment ?

Il n’y a pas eu de négociations. Simplement, j’ai des amis un peu partout. J’habite dans ma circonscription. J’ai travaillé plus d’un an dans le cadre d’une alliance. Quand je croise des gens qui ont basculé dans l’opposition, je ne peux pas faire comme si on ne se connaissait pas.

Quel parti a été le plus insistant, MSM ou MMM ?

Les deux.

Finalement, pourquoi cela ne s’est pas fait ?

Parce que je n’ai jamais eu l’intention de cross the floor ! Si cela avait été le cas, je serais déjà de l’autre côté. When I want something, I get it.

Vos agents ont donc menti ? Ils ont laissé entendre que vous pourriez aller voir ailleurs…

Et moi, j’ai entendu dire que vous trahissiez votre patron. Vos collègues me l’ont dit, si, si…Vous voyez, moi aussi je peux jouer à ce petit jeu-là. Mes agents savent pertinemment que je ne quitterai jamais le Parti travailliste. Je suis née rouge. La clé, c’est sacrée. Je suis née...

Dans la serrure !

Vous me l’ôtez de la bouche. Mon papa m’a mise dedans quand j’avais 5 ans.

Pensez-vous bien connaître votre leader ?

Oui, et de longue date.

Il vous donnera un ticket à la prochaine élection ?

Oui… (silence) Vous avez des doutes, vous ?

Quelques-uns.

Il vous a fait des confidences ?

Non.

Dans ce cas, sur quoi vous basez-vous ?

Sur la jurisprudence. Sur la force de la rancune.

Je suis très rancunière, moi aussi. (Sourire en coin)

Finalement, la femme est un homme politique comme les autres…

Exact.

Là, vous en dites trop ou pas assez…

Vous saurez en temps et lieu. Et même si à la prochaine élection je n’ai pas de ticket, ce ne sera pas la fin du monde, je resterai fidèle au parti. Je vais même vous dire mieux : si ma carrière politique devait s’arrêter, je l’accepterais.

Le PM vous avait fait trois propositions, dont le poste de secrétaire générale du PTr. Les deux autres étaient-elles décentes ?

(Rires) Parfaitement décentes. Il m’a dit : « Maintenant que Mireille est ministre, toi, tu choisis ce que tu veux. »

Entre quoi et quoi ?

Je ne vous le dirai pas, c’est confidentiel. Après quelques jours de réflexion, j’ai accepté le poste de secrétaire générale du parti.

Un peu maigre comme lot de consolation, non ?

Hey oh ! Je n’ai pas besoin d’être consolée, je ne suis pas un enfant gâté moi.

En passant, quel est le salaire d’une secrétaire générale ?

Je n’ai pas demandé, l’argent ne m’intéresse pas.

L’argent n’intéresse pas ceux qui en ont…

Si vous me connaissiez mieux, vous auriez su que j’étais consultante en affaires, payée en euros. Je gagnais bien ma vie. Si l’argent était ma motivation, je n’aurais pas choisi la politique.

Si demain Mireille Martin est en difficulté, lui tendrez-vous la main ?

Oui, comme je l’ai toujours fait. On s’est rencontrées jeudi à Triolet, il n’y aucun problème entre nous. Quand sa fille était malade je l’appelais tous les jours. J’aurais fait la même chose pour Aurore Perraud. Même pour vous, si vous étiez malade.

Sinon, ces vacances en Chine ?

Des vacances ? Je ne me souviens pas avoir pris des vacances. Nous sommes allés représenter le PTr dans le cadre du 40e anniversaire des relations diplomatiques Chine-Maurice. Vous croyez vraiment que si j’avais eu l’intention de démissionner j’aurais effectué cette mission ? Pe al la Chine e kan pou retourne pou demisyone ? Enn vre roder bout sa ! On a réellement cru que je pouvais faire ça ? Si une femme agissait ainsi, moi mo pou dir fam la enn move zure.

Vos accompagnateurs (Patrick Assirvaden et Ah Fat Lan Hing Choy) ont-ils songé à vous abandonner au pied de l’Himalaya ?

J’aurais été ravie ! Devenir swamini me rendrait sûrement plus heureuse. Je n’ai pas de responsabilités familiales, alors ma deuxième vie, après la politique, sera spirituelle.

Entretien ralis par Fabrice Acquilina (lexpress-dimanche, 16 octobre 2011)

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