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Kee Cheong Li Kwong Wing : «Le budget Jugnauth est responsable de la poussée inflationniste»

22 février 2011, 12:35

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Le responsable du dossier économique de l’opposition tient le gouvernement pour seul responsable de la cascade d’augmentation des prix de ces derniers mois.

En règle générale, qu’est-ce qui explique l’augmentation des prix ?

D’un point de vue économique, il y a deux facteurs qui influencent les prix. D’abord, il y a les demand pull factors. Les éléments qui influent directement sur la demande. La consommation peut subir une augmentation suite à une hausse de la masse salariale ou de la masse monétaire. Une croissance accélérée de l’économie à travers un investissement massif va également entraîner une hausse de la demande.

Ensuite, il y a des éléments qui peuvent influer sur le coût de l’offre ou de la production. Cela peut résulter d’une augmentation du prix des intrants où de l’imposition des taxes indirectes comme la TVA, les taxes comme l’Environment Levy ou d’autres charges.

Il existe également d’autres coûts engendrés par le poids des charges des services publics, la congestion routière, l’inefficacité de l’administration, la corruption. Tous ces coûts additionnels sont répercutés sur la coût de la production.

En dernier il y a l’influence des cours mondiaux.

Est-ce que l’influence des cours mondiaux explique la cascade d’augmentation à Maurice ?

A Maurice, le gouvernement a toujours jeté le blâme sur l’inflation importée. C’est-à-dire des facteurs externes sur lesquelles il n’a aucun contrôle. Mais il est clair que cet argument ne tient pas la route. Même si pendant de longs mois nous avons subi une augmentation des prix sur le marché mondial, l’inflation à Maurice n’a enclenché son accélération qu’à partir de la présentation du budget de Pravind Jugnauth.

Nous avons vu l’effet de ce budget sur la production des produits de grande consommation. La nourriture, l’huile, le poulet, le yaourt, entre autres, dû à une cascade de taxes, accompagnée d’un effet multiplicateur.

Est-ce la seule raison permettant d’expliquer la tendance inflationniste ?

Il y a aussi les dépenses publiques excessives qui, outre de mettre la pression sur le déficit budgétaire et la dette publique, ont un effet incontrôlable sur la masse monétaire. Pravind Juganuth va récupérer Rs 5 milliards de taxe additionnelle en 2011. Ce sera Rs 5 milliards de gaspillage en plus. Ce budget expansionniste est largement responsable de la poussée inflationniste.

Cet argent va servir à financer les projets du gouvernement…

Une grande partie des décaissements des fonds publics est englouti par les dépenses inutiles comme l’achat de la clinique MedPoint, les nominations politiques superflues suivies de renvois intempestifs qui coûtent des millions comme celui de Bungsraz à Air Mauritius, la politique de lev paké alé suivie de golden handshakes où encore les gaspillages des fonds publics comme ceux que nous avons connus comme à la State Trading Corporation (STC) et dans d’autres corps paraétatiques.

Comment cela affecte l’augmentation des prix ?

L’alourdissement du budget a un effet indirect sur les prix. Il faut récupérer cet argent quelque part. Par exemple, à travers la politique fiscale qui va ensuite être répercutée sur les coûts de production par les producteurs.

Est-ce que les investissements publics mettent aussi la pression sur les prix ?

Oui surtout quand ces investissements ne sont pas productifs. Le budget de Pravind Jugnauth prévoit beaucoup d’investissements sur les infrastructures publiques mais il n’augmente pas la capacité de production des PME et des petits planteurs, ni la production d’articles de grande consommation dont les produits alimentaires.

Le gouvernement à travers le ministère des la Protection des consommateurs peut-il exercer un contrôle sur les prix ?

Ce gouvernement n’a pas de politique pour empêcher les cartels et encourager la compétition parce que quand les prix sur le marché international accusent une hausse, nous la subissons aussi mais quand les prix baissent et que la roupie s’apprécie il n’y pas de répercussion dans les points de vente.

Le gouvernement n’a aucune politique, et encore moins de volonté, quant au contrôle du cartel des gros groupes de distribution. Ce qui est plus grave c’est non seulement l’absence de volonté de contrôler mais ce que j’appelle la policy paralysis. La politique du pa fer nnyer. Contrairement à l’Inde, par exemple, où le Premier ministre a tout de suite appelé un comité de crise sur l’inflation pour décider des mesures immédiates pour un meilleur contrôle des prix et veiller à ce que la population ne s’appauvrisse pas. Des mesures qui consistent principalement à procéder à une réduction de toutes les taxes qui touchent la production agricole et à une augmentation des subsides sur les produits alimentaires.

Quelles pourraient être les conséquences si la poussée inflationniste se poursuit ?

Avec l’aggravation de la crise alimentaire et climatique, nous allons tout droit vers un grave problème de pénurie au niveau de la production alimentaire. Ce qui pourrait nous emmener vers une explosion sociale.

Cela peut-il être évité ?

Il y a une urgente nécessité pour le gouvernement de revoir, premièrement, toutes les taxes indirectes à la baisse et les subventions à la hausse. Deuxièmement, il faut redéfinir le income support pour les plus pauvres et, troisièmement, revoir la décision avare – piner -  sur la compensation salariale et le principe de rattrapage.

Vous préconisez une baisse des revenues et en même temps une hausse des dépenses. N’est-ce pas irréaliste?

Si le gouvernement peut trouver de l’argent pour acheter une clinique dont on n’a pas besoin, il doit pouvoir trouver de l’argent pour subventionner la nourriture pour les plus pauvres et assurer la sécurité alimentaire pour tout un chacun. Ce sera possible en éliminant tout les Medpoint, les Bungsraz et le soutien financier de l’Etat aux petits copains. En veillant à ne pas acheter des tonnes de farines et de lait qui vont pourrir dans les entrepôts de la STC. Il y a des dizaines d’autres exemples de gaspillage.

Propos recueillis par Jean-Yves Chavrimootoo

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