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Kee Chong Li Kwong Wing, député MMM: «de tous les scandales, c’est MedPoint qui me choque le plus»
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Kee Chong Li Kwong Wing, député MMM: «de tous les scandales, c’est MedPoint qui me choque le plus»

? Vous êtes l’un des rares députés de l’opposition à soulever lièvre après lièvre au Parlement chaque semaine. Mais vous ciblez systématiquement Pravind Jugnauth il y a une raison à cela ?
Je suis responsable du dossier économie et finances au MMM, donc je ne vais pas aller braconner dans d’autres secteurs !
? Cela ne veut-il pas dire que tous les scandales sont centralisés aux finances ?
Non, c’est juste parce que je m’attaquen aux questions par leur angle financier. Et il faut savoir que le ministère des Finances est central, puisque c’est lui qui détient les cordes de la bourse.
? Quel est le dossier qui vous a le plus choqué depuis votre entrée au Parlement ?
Le dossier Medpoint parce qu’il illustre parfaitement la défaillance de la gouvernance publique. Je trouve toute cette affaire choquante, scandaleuse et indécente il y a eu des ingérences du plus haut sommet de l’État jusqu’au plus petit fonctionnaire. La décision même d’acheter la clinique était une décision politique. C’était une dot pour le mariage entre le PTr et le MSM. Et c’est scandaleux parce qu’on ne peut pas prendre l’argent des contribuables et l’utiliser comme une dot pour un mariage politique. Et pour ce faire, on a outrepassé toutes les procédures !
? Et comment réconciliez-vous cette mentalité avec une déclaration du chef du gouvernement à l’effet que ceux qui sont en politique ne devraient pas faire de business ?
Vous savez, Ramgoolam a un certain charme qui fait que les gens prennent beaucoup de temps avant de voir clair dans son jeu. Dès le départ, les gens ont vu en lui le «sauveur». Et vous savez, nous avons un peuple qui est véritablement admirable il est tolérant, il est compréhensif et il est prêt à pardonner.
Ramgoolam a pu jouer sur cela et il continue à embobiner les gens.
? Mais pourquoi l’aurait-il dit ?
Je crois qu’il sait ce qui est en train de se passer autour de lui et qu’il maîtrise parfaitement la situation, qu’il la domine. Et il veut que tout le monde le sache. Il veut aussi paraître au dessus de la mêlée.
? L’affaire du tanker de «Betamax » et de «Medpoint» semblent des exemples où un ministre fait du business pour ses proches. Comment peut-on défendre le fait qu’un ministre s’occupe d’un dossier où ses proches obtiennent un contrat ?
C’est pour cela que j’ai demandé au gouvernement de faire connaître sa politique en ce qui concerne le conflit d’intérêts.
Ce n’est pas clair. Et notre excuse, c’est que Maurice est petit et que tout le monde connaît tout le monde. Donc, il y aura toujours des conflits d’intérêts. Disons que c’est une très bonne excuse.
? Mais encore ?
Je le vois ainsi : nous avons hérité d’un système où il y avait une poignée de familles qui contrôlaient tout et qui n’ont pas été inquiétées par le colonialisme.
Les colons anglais ne s’intéressaient pas à la concentration de richesses, ils ne faisaient que l’administrer.
Il fallait que Maurice se comporte bien, qu’elle cède Diego Garcia, qu’elle produise son sucre, qu’elle soutienne l’Angleterre aux Nations unies, etc.
Après l’Indépendance, on a pris conscience que toutes les terres étaient entre les mains d’un groupe de personnes, que le capital était entre les mains de quelques banques et assurances.
? Et que les gens en dehors de ce groupe ne pouvaient pas entrer dans ce cercle fermé. Comment s’en sortir ?
Alors on crée un État bourgeois et on favorise ses propres dimounn, qui ne peuvent pas rentrer dans des secteurs qui auraient du être ouverts à tout le monde.
? Et ceci expliquerait pourquoi tout est permis aujourd’hui ?
Il n’y avait pas de level playing field et ils sont donc tombés à un arrangement avec les Blancs. «Vous pouvez continuer à tout contrôler mais laissez-moi contrôler l’État comme je veux, laissez-moi créer les corps parapublics, laissez-moi créer ma State Bank, SICOM, DBM, CWA, DWC, etc. Je ne t’emmerde pas, tu ne m’emmerdes pas.» Cette entente malsaine est donc passée. «Ou pe gayn sa gro steak la, laiss mo gayn mo gropwa, papa ! Un peu de dholl, de lentilles et pourquoi pas du poulet ? Un jour peut-être des crevettes et du homard ? Je ne suis pas exigeant, je ne vais pas faire une révolution, je ne vais pas me mettre en compétition avec toi. Donc donn mwa mo boutt». Voilà la réponse à votre question. Une mentalité malsaine qui fait que tout est permis.
? Ce qui expliquerait le copinage, les conflits d’intérêts, la corruption, etc. ?
Oui ! Puisqu’il n’y a pas de level playing field, il faut bien créer des postes pour «ses» gens. Il faut adapter le système d’éducation à cette population, idem pour le système de la santé, pareil  pour le système de recrutement. On adapte les règlements pour qu’ils nous conviennent, on change les règles du jeu pour qu’elles nous conviennent, on rabaisse les niveaux pour qu’ils s’adaptent à notre médiocrité. Et il faut une structure qui permette cela. Nous l’avons : le service public. Les capitalistes, eux, sont libres d’aller dans leurs lycées, leurs cliniques, etc.
? Et tout ceci devient normal, acceptable ?
Bien sûr ! Parce que si nous n’avions pas fait cela, nous n’aurions jamais rien eu dans la vie. Donc la super structure doit contrôler le gouvernement, doit avoir la main mise sur la prise de décision, doit pouvoir elle-même partager le gâteau, doit mettre ses gens à la tête des institutions pour assurer sa pérennité.
Et c’est pour cela que le système éducatif ne changera jamais, que le système médical va s’empirer. C’est notre système de médiocratie. Le gouvernement ne veut donc pas encourager l’innovation.
Alors ils décorent des bachiara, des gens qui ne valent rien. Quand on réalise tout cela, soit on émigre, soit on décide de faire quelque chose.
? Et c’est ce que vous avez décidé de faire ?
Oui, parce que je suis arrivé à un stade où je n’ai plus besoin de rien. J’ai réussi dans la vie grâce à mon labeur et par la grâce de Dieu. Je ne manque de rien. J’ai tout à donner et rien à perdre.
Je l’ai réalisé quand j’ai découvert que ma vie tenait à un fil. Donc je vais laisser quelque chose à mon pays un pays qui a un potentiel extraordinaire, qui a un peuple généreux et tolérant, qui a été pris en otage par des dirigeants peu scrupuleux.
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
 
 
 
 
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