Publicité
Kreepalloo Sunghoon :«Les planteurs opèrent dans une jungle»
Par
Partager cet article
Kreepalloo Sunghoon :«Les planteurs opèrent dans une jungle»

? Quels sont les défis que doit relever le secteur agricole en 2013 ?
On doit réorienter nos ressources vers des productions utiles. Notre consommation de légumes est d’environ 100 000 tonnes annuellement, alors que nous en produisons 140 000 tonnes. 40 000 sont donc produites inutilement. D’autre part, nous importons 600 000 tonnes de produits agricoles. Alors que beaucoup peuvent être produits localement. Il nous faut aussi aller vers la transformation.
Le pays produit 15 000 tonnes de pommes d’amour par an, mais nous en importons à peu près 8 000 tonnes en conserve. Le problème est qu’il n’y a pas eu de capacity-building. Il nous faut des stratégies.
La capacité de stockage est aussi un défi à relever. Elle n’est, pour la pomme de terre par exemple, que de 3 000 tonnes. Il faut investir dans la recherche pour faire face aux maladies.
On aurait dû être proactifs. Se kan maladi la inn fini ou, lerla pu rod solisyon.
? Pourquoi ce gaspillage ?
C’est par manque d’informations sur la production. Celle-ci n’est pas planifiée. Si vous me demandez combien d’arpents sont sous culture de pommes d’amour en ce moment, je serais incapable de vous répondre. Mais cette information existe l’Agricultural Research and Extension Unit (AREU) l’a. Elle doit la traiter et la communiquer chaque semaine. Et, ainsi, encourager des planteurs à aller vers des cultures plus propices à certaines périodes.
? Les autorités disent qu’elles ne peuvent obliger les planteurs à suivre…
Ce sont des préjugés. C’est dans l’intérêt des planteurs de suivre, car ce sont eux qui perdent de l’argent. A un moment, la pomme d’amour se vendait à Rs 5 la livre. Un chou coûtait Rs 2.
Dans ces conditions, beaucoup préfèrent les laisser dans les champs. Mais c’est une bêtise, surtout que nous n’avons pas d’énormes ressources.
Ce serait une solution contre les fluctuations de prix aussi. Il y a un rapport stratégique 2008-15.
Mais, il est resté dans un tiroir.
? Ce secteur est-il mal encadré ?
Il nous faut une politique de la carotte et du bâton. On doit récompenser ceux qui respectent les politiques en place. On ne peut continuer à perdre de l’argent. Si un planteur a fauté, il faut le punir.
Le gouvernement a mis en place beaucoup de Schemes, mais cela ne marche pas. Par exemple, après un cyclone, on offre un prêt aux planteurs. Mais, on ne nous dit pas quoi planter. Tous vont alors cultiver de la pomme d’amour, avec pour résultat un crash dans le prix. Il y a beaucoup de planteurs qui n’ont pu rembourser leur prêt à la Banque de développement depuis 2005 !
Dans ce secteur, il y a les professionnels et les autres. Mais, quand il y a des facilités, on traite tout le monde sur le même pied d’égalité.
On doit encadrer les planteurs professionnels. Ils sont nombreux à ne pas avoir de formation.
? Il y a aussi le problème de retracer les produits.
On ne sait pas d’où vient le produit, ni ce qui est utilisé dans sa production. Or, il y a des gens qui sont allergiques à certaines choses. En retraçant les produits, on éliminerait aussi les braconniers et les voleurs. Car, la plupart des légumes qui se vendent sur la rue sont volés. Le maraîcher sera, lui, plus sérieux.
? Comment mettre en place un tel système ?
Il y a un document qui est prêt depuis 2005, mais le gouvernement ne veut pas agir.
Pour commencer, nous n’avons pas un encan digne de ce nom. Il faut que les planteurs emmènent leurs produits, qui seront vendus à la criée. L’encan doit opérer dans un Time Frame.
Actuellement, l’encan commence le lundi à 2 heures du matin et s’arrête à midi, pour reprendre à 15 heures. Alors que les grossistes ne sont pas là, parfois.
On ne sait pas combien l’encanteur a vendu. Celui qui achète ne me connaît même pas. Il n’y a pas de transparence. Les planteurs opèrent dans une jungle. Il faut un Central Wholesale Market. Et tous les produits doivent passer un contrôle de qualité. Nous avons proposé que les planteurs possèdent 50 % des actions et le reste irait au gouvernement. Il faut que le projet soit fait sur une base commerciale. Il doit faire des profits. C’est à ce moment que cela marchera.
? Que préconisez-vous pour faire face au vieillissement des planteurs ?
Actuellement, 80 % des petits planteurs ont plus de 55 ans. Ils travailleront encore 10 ans. On doit les garder aussi longtemps que possible. Il nous faut, pour cela, préparer les champs pour avoir un certain degré de mécanisation.
Il y a une discrimination flagrante vis-à-vis des planteurs de légumes. La Sugar Planters’ Mechanical Pool Corporation prend Rs 450 par heure pour une machine spécifique aux planteurs de cannes pour labourer leurs champs, alors que pour un planteur de légumes, le tarif est multiplié par trois. Nous avons demandé au gouvernement d’aider à l’épierrage des terrains des petits planteurs avec l’argent du plan d’accompagnement de l’Union européenne.
On n’a pas de politique de terre agricole. On ne sait pas quels terrains resteront pour l’agriculture dans les trente prochaines années. Il faudrait une planification à long terme.
? Comment attirer les jeunes ?
Il faut aller vers de nouvelles technologies, notamment vers des cultures protégées et la mécanisation. Les nouveaux planteurs mettront des bottes, des gants et n’utiliseront pas de pioches. Ce sera aussi un moyen d’optimiser l’utilisation de l’eau.
On a eu une rencontre avec des étudiants de l’université de Maurice en agriculture. Mais sur une centaine, pas un n’était intéressé.
? Le problème de la maind’œuvre met-il en danger notre sécurité alimentaire ?
La sécurité alimentaire ne réside pas que dans la production de ce qu’on fait déjà. Nous sommes dans un engrenage. Maurice ne produit pas de riz et de farine. Mais ces produits sont nos aliments de base. On doit changer notre manière de manger. Il faudrait habituer nos enfants à manger des produits locaux.
? Quel est votre avis sur la stratégie de sécurité alimentaire ?
Ils ne l’ont pas mise en place. Ils ont prévu Rs 1 milliard mais n’ont dépensé qu’environ Rs 100 millions. On ne sait pas trop ce qu’ils en ont fait. Alors qu’un des plus gros problèmes des planteurs est le financement. On ne peut pas travailler avec un intérêt de 9 %, alors que le retour sur investissement est de 3 %. Il faudrait encadrer les planteurs professionnels. Ena koze me aksyon zero.
? Avez-vous le sentiment que le gouvernement néglige ce secteur ?
Tous les gouvernements, indistinctement, n’ont pas fait grand cas du secteur agricole. Ils n’ont jamais pensé à l’améliorer. Mais, il n’est pas trop tard. Sinon, à l’avenir, on aura de l’argent, mais pas de nourriture. On dépense beaucoup dans d’autres secteurs, qui ne sont pas forcément plus importants que celui-ci.
Propos recueillis par
Michel CHUI CHUN LAM
 
Publicité
Publicité
Les plus récents




