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Le Dr Vincent Oxenham : « Un fort lien entre l’Alzheimer et les maladies cardiovasculaires »
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Le Dr Vincent Oxenham : « Un fort lien entre l’Alzheimer et les maladies cardiovasculaires »

Vincent Oxenham, brillant neuropsychologue clinicien mauricien établi en Australie, travaille actuellement sur deux projets majeurs. Le premier, mondial, concerne la maladie de Parkinson. Le second, local, est l’élaboration d’un test de dépistage de la démence à l’intention de la population mauricienne.
Présentez-vous.
Je suis né à Maurice voilà 28 ans. J’ai effectué ma scolarité secondaire au collège St Joseph. Comme j’aimais les sciences et que je m’intéressais à la psychologie, je suis parti faire des études supérieures – un Bachelor of Science Honours en psychologie – à l’université de Birmingham en Grande-Bretagne. Puis, j’ai suivi d’autres études poussées, jusqu’au doctorat en neuropsychologie obtenu auprès de la Macquarie University, qui comprend le Macquarie Centre for Cognitive Science en Australie, rebaptisé depuis l’Australian Research Centre of Excellence in Cognition and its Disorders. Je suis actuellementchargé de cours honoraire àl’Australian School of Advanced Medicine à Sydney, et travaillepour trois différents hôpitaux,dont le Macquarie University Private Hospital.
J’ai un intérêt particulier pour la recherche, et je suis actuellement sur un projet mondial financé par la Michael J. Fox Foundation. Il s’agit de la Parkinson’s Progression Marker Initiative visant à identifier un ou plusieurs marqueurs dans la progression de la maladie de Parkinson. D’ici cinq à dix ans, un remède pour les Parkinsoniens est attendu. À Maurice, je travaille avec la gériatre Pascale Dinan et son équipe qui gèrent un centre pour la démence. Lorsque je suis au pays, nous discutons pour voir comment améliorer la prise en charge des malades de démence et je travaille aussi sur l’élaboration d’un test de dépistage de la démence à l’intention de la population mauricienne. J’espère que ce test de neuropsychologie clinique sera prêt d’ici la fin de l’année.
Quelles sont les pathologies que traite un neuropsychologue clinicien ?
Un neuropsychologue clinicien traite toute pathologie ou lésion touchant le système nerveux central (SNC) et entraînant des altérations du fonctionnement mental. Parmi les affections les plus courantes, on trouve les accidents vasculaires cérébraux, les traumatismes crâniens, les pathologies neurodégénératives comprenant la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie, la sclérose en plaques, les tumeurs cérébrales, les infections du SNC comme les encéphalites et méningites, et certaines intoxications.
La démence sénile et la maladie d’Alzheimer sont-elles la même chose ?
La démence est une gamme de symptômes causée par des désordres agissant sur le cerveau. Elle affecte la pensée, le comportement et l’aptitude à faire des activités quotidiennes. Les fonctions cérébrales en sont affectées au point de perturber la vie sociale et professionnelle. Il y a plus de 100 maladies pouvant causer la démence et les plus communes sont la maladie d’Alzheimer, la démence vasculaire, la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy et la démence frontotemporale.
Si la plupart des gens souffrant de démence sont âgés, ce ne sont pas toutes les personnes âgées qui en seront affectées. Elle peut toucher n’importe qui, mais est plus courante chez les sujets d’environ 65 ans. Toutefois, les gens de 40 à 50 ans peuvent aussi en souffrir. Chez les sujets souffrant de démence, la maladie la plus courante reste celle d’Alzheimer.
Parlez-nous un peu plus de cette maladie.
Cette maladie a été identifiée pour la première fois en 1907 par le Dr Alois Alzheimer. Elle se caractérise par un rapetissement du cortex signifiant la mort des cellules et la présence de deux types de dépôts. L’un, à l’extérieur des cellules du cerveau, est nommé plaque amyloïde. Il empêche les cellules de communiquer entre elles. L’autre, à l’intérieur des cellules, est connu comme neurofibrillary tangles.
Il empêche le transport normal de nutriments et de l’énergie autour des cellules du cerveau. Les chercheurs ne savent toujours pas ce qui cause la formation de plaques et de tangles.
L’Alzheimer peut être sporadique ou familiale. Quand elle est sporadique, cette maladie apparaît généralement après 65 ans. L’Alzheimer familiale est une condition rare causée par une mutation d’une ou de plusieurs gênes. La présence de ces gênes mutantes chez un sujet signifie que la personne développera éventuellement l’Alzheimer autour de 40 à 50 ans.
Au début de la maladie, le sujet éprouve des pertes de mémoire et des difficultés à se souvenir des noms d’objets usuels. Les autres symptômes sont des troubles fréquents et persistants de mémoire ayant surtout trait aux événements récents, une imprécision dans la conversation courante, une perte d’enthousiasme pour les activités pratiquées, une prise de temps plus longue pour des activités routinières, l’incapacité à formuler des questions et à donner des instructions, la détérioration des aptitudes sociales et une imprévision émotionnelle.
Un autre facteur pouvant prédire le développement de l’Alzheimer est le Mild Cognitive Impairment qui se traduit par une perte de mémoire significative mais pas celle des autres fonctions cognitives. Les personnes qui en sont atteintes se plaignent de ne pas se souvenir du nom de personnes rencontrées récemment, de perdre le fil d’une conversation et de ne plus savoir où elles ont déposé des objets de leur quotidien. Ces personnes ont entre trois à cinq fois plus de risques de développer la démence et l’Alzheimer.
Comment traite-t-on la maladie d’Alzheimer ?
Il existe cinq médicaments qui aident à masquer ses symptômes sans toutefois traiter la maladie sous-jacente. Il y a plusieurs médicaments qui sont actuellement testés et qui ont l’air prometteurs mais il faut attendre.
Peut-on la prévenir ?
Je conseille à mes patients de faire attention à la connexion coeur-tête, car on a noté que le risque de développer la maladie est plus grand chez ceux qui ont les veines ou le cœur endommagés. Des études post-mortem ont montré que près de 80 % des malades d’Alzheimer souffraient de maladies cardiovasculaires.
Une activité physique régulière qui augmente la circulation sanguine et l’oxygénation des cellules est bénéfique au cerveau. Une alimentation saine – du type cuisine méditerranéenne qui comporte très peu de viande rouge mais qui met l’accent sur les grains, les fruits et légumes, le poisson, les fruits de mer, les noix, l’huile d’olive et les bonnes graisses est recommandée. Il faut continuer à socialiser et à développer son intellect car nombre d’études ont montré que cela garde actives les cellules du cerveau. Il faut éviter les traumatismes crâniens à tout prix et pour cela, il faut toujours rouler en voiture avec sa ceinture de sécurité attachée, porter un casque lors de la pratique de sports et sécuriser son domicile contre les chutes.
Comment différencier l’oubli normal de l’oubli pathologique ?
Il y a une série de mythes entourant l’oubli et la mémoire. Le premier est que l’oubli signifie obligatoirement que quelque chose cloche avec votre cerveau. En réalité, si nous ne possédions pas la capacité d’oublier, nous serions devenus fous. La capacité de se souvenir des choses qui méritent de l’être est un atout, tout comme l’est l’habilité à pouvoir se débarrasser du superflu.
L’autre mythe est que nous perdons quotidiennement 10 000 cellules dans notre cerveau au point de les perdre toutes. En réalité, c’est une exagération. Certaines parties du cerveau perdent leurs cellules nerveuses mais elles ne figurent pas là où se trouve la mémoire.
On en perd mais il est possible de stimuler de nouvelles ou de maintenir les connexions nerveuses existantes par des exercices mentaux. Un autre mythe est qu’il faut se comparer à d’autres pour savoir où nous en sommes au niveau de la mémoire. En réalité, il y a des variations de mémoire chez tout un chacun. Autant certaines personnes ont un talent pour la musique, d’autres ont une immense capacité de mémorisation.
Quelques pistes pour garder une mémoire active ?
Évitez les substances nocives. L’abus d’alcool et de drogue endommage les cellules du cerveau. Imposez-vous des défis en lisant beaucoup et en gardant votre mental actif. Apprendre de nouvelles choses renforce les connexions du cerveau et favorise l’apparition de nouvelles. Il faut davantage se faire confiance, car si les gens sentent qu’ils contrôlent leur vie, la chimie du cerveau s’améliorera. Relaxez-vous car la tension peut prolonger une perte de mémoire. Assurez-vous que vous dormez suffisamment et que votre alimentation est saine et équilibrée. Concentrez-vous sur ce que vous voulez ne pas oublier. Résistez aux distractions. Utilisez un bloc-notes et un calendrier pour compenser les oublis. Prenez le temps de vivre. Rangez vos affaires essentielles comme vos clés de voiture ou vos lunettes dans des endroits spécifiques. Répétez les noms de nouvelles connaissances dans vos conversations
Entretien réalisé par Marie-Annick Savripène
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