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Loga Virahsawmy : «Quand la paix règne à la maison, elle s’étend à la société»
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Loga Virahsawmy : «Quand la paix règne à la maison, elle s’étend à la société»

La campagne des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre (VBG), organisée par Gender Links en collaboration avec d’autres organisations, se tiendra cette année du 25 novembre au 10 décembre. La directrice du bureau francophone de Gender Links nous en dit plus.
Tous les ans, Gender Links marque la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre par une série de manifestations. Qu’avez-vous prévu cette année ?
Comme d’habitude, nous avons préparé tout un calendrier d’activités. Nous comptons sur les médias et toutes les parties concernées pour se joindre à nous et faire passer le message que la paix commence à la maison, thème central de la campagne des 16 jours cette année. Nous savons tous que quand l’harmonie et la paix règnent à la maison, elles s’étendent à la société, au lieu de travail, aux lieux publics, aux institutions et à travers le pays. Nous voulons aller au coeur du problème. Nos activités cette année tourneront autour de cinq axes principaux : aller au coeur du problème ; former les survivantes de violence basée sur le genre (VBG) pour qu’elles participent aux chats et aux cyber-échanges ; gagner la bataille contre la VBG communauté par communauté ; redynamiser les réactions nationales vis-à-vis de la VBG ; sensibiliser davantage la population à la VBG au point d’instaurer un débat public sur le sujet.
Sous le premier axe qui est «Aller au coeur du problème», nous organisons dès le mardi 19 novembre des ateliers de travail dans cinq collectivités locales où nous avons déjà animé une formation à l’entreprenariat pour les survivantes de VBG. Nous avons recueilli par écrit les témoignages de 100 survivantes, soit 20 témoignages par collectivité locale. Sur ces 100 survivantes, seulement 64 sont venues suivre notre formation à l’autonomisation économique. Comme c’est la première fois que nous nous lançons dans ce genre de formation, nous espérons que lors de la prochaine, en 2014, nous aurons toutes les survivantes de VBG déléguées par les cinq autres collectivités locales avec lesquelles nous travaillerons.
Plusieurs survivantes ont établi la relation entre la dépendance économique et la violence. Avec ce programme de formation, nous tentons de les sevrer de cette dépendance qui les maintient dans la violence. Ce qui fait plaisir, c’est que la plupart des survivantes ayant suivi cette formation ont déjà démarré leur micro entreprise. Nous voulons faire d’elles des exemples pour les autres survivantes de VBG que nous formerons. La semaine dernière, alors que j’allais chercher deux trophées pour Colleen Lowe Morna, la directrice exécutive de Gender Links, qui s’est vu décerner le prestigieux prix de «Femme plus influente d’Afrique», un journaliste m’a demandé si c’était le prix le plus important décerné à Gender Links jusqu’ici. J’ai répondu que notre plus grande récompense est de voir les survivantes de VBG devenir entrepreneures.
En sus de cette formation et du recueil de témoignages des survivantes, nous avons soumis 400 questionnaires dans les cinq collectivités locales où nous avons travaillé, soit un total de 2 000 questionnaires. Nous avons analysé les réponses à ces questionnaires et nous connaissons l’attitude des communautés de ces cinq collectivités locales vis-à-vis du genre et des droits sexuels. Ceci est une première.
Durant nos prochains ateliers de travail, nous discuterons des résultats et à partir de là, nous verrons quels plaidoyers faire et comment élaborer des stratégies pour sensibiliser le plus grand nombre dans ces cinq collectivités locales. Ces dernières disposent déjà d’un plan d’action contre la VBG que nous les avons aidées à développer. Ces ateliers de travail seront les forums appropriés pour revoir ces plans d’action et voir quelles actions appliquer durant cette campagne des 16 jours d’activisme contre la VBG.
Notre deuxième axe qui a trait à la formation des survivantes de VBG pour qu’elles participent aux cyber-échanges est aussi destiné aux survivantes qui ont suivi le cours d’entreprenariat avec nous. Dans ce cours, il y avait deux jours de formation à l’informatique que nous avons pu mener à bien grâce au National Computer Boardque je remercie. Ce dernier a mis à notre disposition deux caravanes d’informatique qui nous ont suivies dans les cinq collectivités locales. Cette fois, nous offrirons aux survivantes qui ont désormais une connaissance de base en informatique une formation aux chats et aux cyber-échanges que nous animons tous les ans durant la campagne des 16 jours.
Ces cyber-échanges sont devenus la marque de fabrique de Gender Links et sont connus dans le monde comme étant un projet de notre organisation. Lors de ces cyber-échanges, les survivantes de VBG seront en mesure de donner leur avis sur les thèmes abordés, d’intervenir à propos de la VBG, d’échanger avec les participants des autres pays de la Southern African Development Community (SADC) et de donner des pistes de solutions.
Notre axe intitulé «Gagner la bataille de la VBG communauté par communauté» s’articulera autour du projet de formation des formateurs dans les cinq collectivités locales qui sont devenues des Centres d’excellence du genre. À travers ce projet, elles pourront s’assurer que leur plan d’action est réactualisé et appliqué correctement. Un plan d’action est un document vivant qui doit être constamment revu et réactualisé. Les conseillers, le personnel et les membres d’organisations non gouvernementales seront aussi formés à la participation aux cyber-échanges de Gender Links et nous leur ferons part des résultats des questionnaires d’attitudes soumis aux communautés. Cela leur permettra de mieux planifier la campagne des 16 jours au sein de leur localité et de participer pleinement aux cyber-échanges.
Dans notre désir de redynamiser les réactions nationales envers la VBG qui est notre quatrième axe, nous espérons pouvoir travailler avec le ministère de l’Égalité des genres afin que cette institution puisse revoir son plan d’action national pour combattre la violence domestique et y inclure les résultats de notre étude «War@home». Ceci est une démarche importante car cette étude est pour le pays et pas pour Gender Links seulement. Dans la préface de cette étude, le Premier ministre rappelle à raison que «la VBG est une violation des droits humains et reflète les inégalités entre les femmes et leshommes. Cette violence a des implications sur la santé, la dignité, la sécurité et l’autonomie de celles affectées et ce ne sont pas que les victimes mais des familles entières.Malheureusement, ce fait est souvent ignoré.Mon gouvernement s’engage à continuer àtravailler en faveur d’une société harmonieuse,paisible et inclusive. Une des priorités à notre agenda sera de mettre en place le cadre législatif et institutionnel approprié pour l’égalité du genre et le bien-être de la famille». Je crois qu’avec des propos aussi sages du Premier ministre, toutes les parties concernées joueront un rôle actif dans cette lutte contre la VBG.
Par rapport à notre axe «Sensibiliser davantage la population à la VBG au point d’instaurer un débat public sur le sujet», nous inviterons les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, de même que les étudiants en journalisme à participer aux ateliers dans les cinq collectivités locales.
Tout en étant des participants, ils pourront «interfacer» avec les survivantes de VBG et savoir quelles activités les collectivités locales animeront durant la campagne des 16 jours. Ils seront aussi initiés aux cyberéchanges et pourront inciter leurs collègues à y participer. Les journalistes seront invités à écrire et réaliser des émissions sous des angles différents de ceux généralement abordés dans la presse. Comme ils seront partie prenante de tout ce que nous faisons dans les collectivités locales, ils auront de quoi écrire.
En sera-t-il de même dans les pays francophones de la SADC que vous dirigez ?
Tous les pays où Gender Links a des antennes travailleront sur le même programme et étant responsable de Madagascar, je sais que le bureau malgache l’appliquera également. La seule différence est que les Malgaches animeront des ateliers de travail pour les collectivités locales, d’autres pour les médias, et finalement des ateliers pour les étudiants. Nous ne pouvons en faire autant car nous n’avons pas les mêmes ressources qu’eux.
GL organise cette campagne depuis des années et pourtant, l’impression est que la violence envers les femmes et les enfants ne cesse d’augmenter à Maurice. À quoi mesurez-vous le succès de vos campagnes ?
En dépit des avancées démocratiques à Maurice, la VBG continue à être une des violations les plus courantes et sérieuses des droits humains dans le pays. Durant la dernière décennie, Gender Links a travaillé avec les localités, les médias, les gouvernements, la société civile afin de populariser les 16 jours d’activisme pour mettre un terme à la VBG. Cette campagne est reconnue à Maurice mais nous n’avons pas mesuré son impact. C’est pour cette raison que nous avons mené l’étude sur la VBG, une première du genre.
Si les actions appropriées sont prises par rapport aux recommandations de notre rapport, je crois qu’il sera possible de sauver des centaines de vies. Il était important de connaître la racine du mal et notre recherche est venue confirmer que Maurice est une société patriarcale.
Plusieurs hommes et femmes croient encore que l’homme est supérieur et que les maris ont le droit de punir leur femme ou que ces dernières n’ont pas le droit de refuser d’avoir des rapports sexuels avec eux. Les hommes comme les femmes pensent que les femmes doivent avoir l’autorisation de leur mari pour pouvoir travailler. Ce sont ces raisons qui nous ont poussés à soumettre 400 questionnaires d’attitudes dans chaque collectivité locale où nous travaillerons durant les 16 jours de campagne contre la VBG. Nous examinerons les résultats de ces questionnaires et verrons quelles actions seront prises par les collectivités pour changer l’état d’esprit de leur localité respective.
Cela ne s’arrêtera pas là. Nous leur soumettrons à nouveau ce questionnaire d’attitudes l’an prochain et les résultats seront analysés pour voir s’il y a eu une différence. Dans six mois, nous demanderons aux survivantes de VBG de donner à nouveau leurs témoignages pour mesurer l’impact de tout changement. La VBG ne peut malheureusement pas s’éradiquer à coup de baguette magique ou juste en parlant.
Les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas. Il faut mettre en place des programmes. C’est ce que fait Gender Links. Je crois qu’à partir de l’an prochain, nous serons en mesure de faire une évaluation de la situation et lors de notre prochaine étude, dans quatre à cinq ans, nous pourrons dire si la VBG a été réduite ou pas. Si tout le monde s’y met, je crois que nous y parviendrons.
GL a mené une étude qui est venue prendre le pouls de la violence à Maurice, ainsi que dans plusieurs pays de la SADC. Que sont devenues vos recommandations et qui devrait les appliquer ?
Comme vous le savez, notre étude «War@Home GBV Indicators» a montré qu’une Mauricienne sur quatre a connu la violence et qu’un pourcentage identique de Mauriciens ont admis avoir été violents. D’où l’importance de travailler avec toutes les parties concernées et en particulier le ministère de l’Égalité du genre et ses Family SupportBureau. L’Union européenne, en collaboration avec Gender Links, publiera des brochures sur la VBG. Lesdites brochures seront lancées le 10 décembre dans le cadre de la Journée internationale des droits humains. Ainsi, 10 000 brochures seront imprimées pour s’assurer que toutes les parties prenantes en reçoivent et développent leur propre plan d’action pour réduire la VBG. L’objectif du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement en matière de VBG est de réduire son taux de moitié d’ici 2015. Ce délai est derrière la porte et je suis sûre que si nous réfléchissons tous ensemble, nous serons en mesure de réduire le niveau de VBG dans ce pays.
Notre population n’est constituée que de 1,2 million de personnes, dont 52 % sont des femmes. Si nous oeuvrons ensemble, ce ne sera pas une tâche herculéenne. C’est aussi pour cette raison que l’étude sur les attitudes est de prime importance.
Le Bureau du Premier ministre a demandé à Gender Links d’animer des formations sur la sensibilisation à l’égalité du genre et les questions qui y sont liées auprès de 400 collégiens divisés en groupes de 100, entre les 3 et 6 décembre. Cela fait partie de leur National Institute forCivil Education Project 2013. Ce sera l’occasion pour Gender Links d’aborder le concept du genre qui a encore besoin d’être expliqué. Les gens croient toujours que le genre, c’est la femme ou l’homme et la femme. Nous profiterons de ces rencontres avec les collégiens pour aborder la question de VBG et en particulier les attitudes. Il appartient aux générations futures de changer leur état d’esprit et leurs attitudes afin qu’elles puissent faire l’harmonie régner dans la famille et l’étendre aux écoles et à la société.
Nous avons aussi signé un protocole d’accord avec la NationalEmpowerment Foundation (NEF) afin que nous puissions travailler ensemble. Nous voulons former leurs travailleurs sociaux pour qu’à leur tour, ils puissent faire le travail dans toutes les localités. La NEF nous a déjà aidés en nous fournissant des facilitateurs lors de l’application de notre programme d’entreprenariat et nous espérons une plus grande collaboration entre cette instance et nous.
Nous lancerons aussi le Baromètre 2013 sur le Protocole de la SADC pour Maurice le 2 décembre, outil important pour la presse et toutes les parties prenantes car il indique où la Mauricienne se situe par rapport au Mauricien dans différents secteurs et compare la situation mauricienne à celle de la région. Ce lancement se fera en collaboration avec le Mauritius Council of Social Services (MACOSS) et l’EqualOpportunities Commission, cette dernière étant notre partenaire privilégiée du fait que nous luttons toutes deux contre la discrimination et le sexisme.
Le MACOSS chapeautant toutes les organisations non gouvernementales, nous croyons qu’il a un grand rôle de dissémination à jouer.
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