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Louis Rivalland : «Concentrons-nous sur la formation d’une main-d’oeuvre compétente»

7 avril 2010, 07:51

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Le nouveau président du Joint Economic Council décline les priorités de son mandat à la tête de l’organisme du secteur privé.


Quelles sont vos ambitions pour le Joint Economic Council ?

Comme je viens tout juste d’accéder à la présidence, les premières priorités seront de faire le suivi de ce qui a déjà été entrepris.

Il y a les gros chantiers, tels le Business Facilitation Act – en partenariat avec le Board of Investment (BOI) –, Maurice île durable (MID), l’amélioration de l’infrastructure et la gestion de la sortie de crise. Il y a aussi des priorités telles que la formation et l’éradication de la pauvreté, auxquelles nous devrons nous atteler. Avec le Corporate social responsibility (CSR), nous avons ici l’opportunité de vraiment faire la différence. Mais du secteur privé, puisque nous représentons aussi l’interface avec les policy makers.

Quels sont les efforts qui doivent être faits en matière de formation ?

Nous sommes une économie qui veut être de plus en plus performante au niveau mondial.

Pour cela, il nous faut une maind’œuvre qui soit proprement formée et équipée, pour pouvoir nous emmener là où nous voulons aller. Il y a par exemple des secteurs comme le sucre, qui se transforme en industrie cannière, ou alors l’importance accrue du secteur des services, qui requiert de nouvelles expertises. Il est donc extrêmement important que nous travaillions à mettre en place un plan cohérent entre les secteurs public et privé, avec les investissements nécessaires pour avoir à disposition la main-d’oeuvre dont nous avons besoin maintenant et surtout demain. Il faut commencer par un gap analysis des compétences actuelles, et celles dont nous aurons besoin, puis agir en conséquence.

Nous courons le risque, à moyen terme, de voir une évolution trop rapide des entreprises par rapport aux compétences moyennes de la main-d’œuvre disponible. Nous constatons déjà une disparité au niveau de l’emploi avec un taux de chômage supérieur chez les femmes que chez le hommes. Il serait en outre dommage de ne pas pouvoir concrétiser de bonnes idées avec de la valeur ajoutée, faute de ressources adéquates. L’éducation et la formation restent le moyen le plus sûr à moyen terme pour éradiquer la pauvreté. Une remise en question de la scolarité au primaire est aussi primordiale, car le taux d’échec est toujours beaucoup trop élevé. Cette situation est préoccupante. Il faut trouver des solutions rapidement. Je voudrais finir par souligner le succès du programme «formation et placement», sous l’égide de l’Empowerment Foundation, qui a déjà aidé à former plusieurs milliers de personnes.

Vous avez évoqué des projets concrets pour MID, quels pourraient être ces projets ?

Sans entrer dans trop de détails pour l’instant, je dirais que ce que nous avons, c’est une vision.

Maintenant, il s’agit de concrétiser cette vision en abordant plusieurs aspects, tels qu’une plus claire définition des composantes de cette vision, que trouver les interlocuteurs, créer les institutions adéquates et mettre en place un cadre régulateur approprié. Par exemple, une des priorités du moment, et un élément important de MID, concerne l’énergie, que ce soit la maîtrise de la demande énergétique ou même la production de biocarburant. Ici, le Utility Regulatory Act, qui a été voté en septembre 2008 devrait être appliqué le plus rapidement possible.

Les estimations de croissance pour 2010 sont révisées à la hausse. Partagez-vous cet optimisme ?

Oui. Le taux de croissance avoisine les 3 %. C’est une très bonne performance étant donné le contexte de la crise, mais cela reste en dessous de ce que nous aurions pu faire au cours d’une année ‘normale’. Comme nous démarrons sur une base réduite, cela devrait automatiquement favoriser une croissance plus élevée cette année. Autre facteur de croissance : les gros projets d’infrastructure déjà en chantier, et qui devraient connaître une accélération cette année ci. Si nous analysons les choses, nous voyons que la situation semble s’améliorer dans la plupart des secteurs.

La reprise reste cependant fragile. Certains pays développés, comme la Grèce, ont de gros problèmes d’endettement et de gestion de leurs budgets et cela ralentira dans une certaine mesure ladite reprise.

L’appréciation de la roupie pose des problèmes aux exportateurs. La réponse de la Banque de Maurice, avec ses swaps de devises, est-elle suffisante ?

La mise en place du mécanisme de swaps a aidé sur le court terme, et a déjà été utilisé à hauteur de Rs 1 à 1,2 milliard récemment. C’est une mesure positive et souligne l’effort ait par les autorités pour apporter des solutions. On parle maintenant aussi de la création d’un Sovereign Currency Fund qui a pour but de ne pas convertir tout de suite en roupies des rentrées importantes de devises provenant de gros projets de financement. Cela aidera à stabiliser la valeur de la roupie et apportera un outil additionnel de gestion aux autorités.

Comment peut-on faire baisser la roupie sans mettre le reste de l’économie en danger ?

C’est une question difficile.

Maurice est une petite économie, avec un marché local étroit. Nous sommes donc dépendants du commerce avec le monde externe. Nous importons beaucoup par ce qu’il y a énormément de choses qu’on ne peut produire localement. En contrepartie, nous devons exporter beaucoup de ce que nous produisons, justement pour pouvoir obtenir les devises étrangères qui nous permettent d’importer. Nous devons considérer que les fluctuations de la monnaie influent aussi bien sur la compétitivité de nos exportations que sur l’inflation à travers les prix à l’importation. Il est donc important de trouver un juste équilibre. Il est aussi important d’avoir des secteurs manufacturier et d’exportation performants et compétitifs. Cela passe principalement par des investissements dans la formation continue, la technologie, dans des techniques de productions adéquates et un management performant. Le secteur de l’exportation, outre le fait qu’il apporte des devises à l’économie, emploie un peu plus de 50 000 personnes directement et probablement entre 100 000 et 150 000 indirectement.

Si on ajoute à cela que ces emplois font aussi tourner l’industrie locale par ses propres consommations, grâce à l’effet de chaîne, nous ne pouvons pas nous permettre aujourd’hui de mettre cela en danger. Bien que je sois contre le fait de faire perdre artificiellement de la valeur à la roupie, je dois reconnaître que la récente baisse de la livre et de l’euro n’aide pas du tout les choses dans le court terme. Il est important d’essayer de trouver des solutions.

Ne sommes-nous pas trop dépendants des marchés européens ?

C’est vrai. Dans un monde idéal, nous dépendrions de plus de pays, et certainement de ceux d’Asie. En pratique, ce n’est pas le cas nous sommes toujours très dépendants des marchés européens. Pratiquement 60 % de nos exportations leur est destiné. C’est un problème sur lequel il nous faut travailler. On voit aujourd’hui que certains pays d’Asie, comme l’Inde et la Chine, sont déjà sortis de la crise, mais nous n’en bénéficions pas directement. En revanche, les problèmes de la zone Euro demeurent.

Propos recueillis par Pierrick PÉDEL

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