Publicité
Louis Rivalland CEO du groupe Swan

Tous les économistes s’accordent à dire que le deuxième budget de Xavier Luc Duval manque de mesures audacieuses, voire d’ambitions pour amener l’économie vers un nouveau palier. Etes- vous de cet avis ?
J’ai l’impression que le budget 2013 a surtout surpris de par sa forme. Le ministre des Finances a préféré raccourcir les longs discours traditionnels, pour privilégier un énoncé de mesures suivi d’un document annexe. Il vient avec certaines mesures qui devraient venir soutenir les différents secteurs économiques, même si elles méritent d’être mieux mises en avant et, surtout, plus explicitées. Nous avons l’impression que le détail de ces mesures sera laissé aux ministres concernés alors que le ministre des Finances se cantonnerait aux aspects fi nanciers et à la coordination.
Le budget présente des fondamentaux macro- économiques solides, avec à la base une gestion économique saine, malgré la crise européenne et le ralentissement mondial. Cette résilience nous permet d’éviter un budget d’austérité.
La phase la plus importante sera certainement celle de l’après- budget, où certaines des directions indiquées devront être plus approfondies et faire l’objet de discussions étendues, afin de dégager des stratégies ou compromis qui viendront aider l’ensemble des acteurs économiques mauriciens et assurer l’avenir de notre développement économique. Là, je pense, par exemple, à la réforme du secteur public, à l’accès aérien et au projet Maurice île durable.
Le ministre des Finances a incorporé dans son budget des mesures sociales ayant une incidence économique sur le long terme. Notamment, la démocratisation de l’accès aux TIC, un repas chaud par jour pour chaque élève d’une école ZEP et l’assistance fi nancière conditionnelle tant attendue pour certaines familles. Mais aussi des mesures pour mieux attirer les professionnels étrangers et faciliter l’accès aux marchés étrangers, dont l’Afrique.
Les opérateurs en attendaient- ils trop du budget, vu la conjoncture économique internationale ?
Les observateurs s’attendaient à ce que le budget s’attarde un peu plus sur d’autres aspects tels le déséquilibre entre l’offre et la demande d’emplois, la morosité prévalant parmi les opérateurs du secteur privé ou encore la trop grande dépendance de notre économie sur certains marchés.
Je pense que ce budget a voulu apporter des éléments de réponse à long terme à ces trois défis, avec la mise en place du skills working group , le over holding de la facilitation des affaires et le Awake Africa agenda, qui devront d’ailleurs faire l’objet de mesures plus spécifiques au cours de l’année.
Je trouve intéressant la volonté de réformer le secteur de la santé à travers l’introduction d’un examen d’entrée pour les médecins afi• d’améliorer le niveau de soins. De même, le recrutement de médecins et des infi rmières ainsi que l’instauration d’un système de rotation pour les urgences vont aussi dans le même sens.
Par ailleurs, il faudra commencer à vraiment remettre en question toute la politique de protection sociale actuelle. Avec le vieillissement de la population, le coût de la pension universelle, par exemple, deviendra très vite insoutenable. Il faut commencer à la reformer pour mieux la pérenniser.
Le ministre des Finances estime la croissance à 4 % l’année prochaine. Est- ce un objectif réalisable ?
Un taux de croissance de 4 % est tout à fait louable dans le contexte actuel. N’oublions pas que beaucoup de pays, développés ou émergents, sont à la traîne. Ce sera un défi à relever, vu la morosité qui prévaut à l’échelle mondiale, la fragilité de certains de nos marchés et les lourdeurs administratives auxquelles les projets d’investissements et de développements font parfois face.
Le gouvernement annonce plusieurs mesures pour gagner le pari technologique…
Que le gouvernement mise sur les TIC comme vecteur de croissance ou pas, nous n’avons plus le choix. Les TIC sont déjà à la base de bon nombre de nos activités et notre dépendance ne fera qu’augmenter.
Certainement, c’est une des grandes réformes de ce budget et j’espère qu’on gardera ce cap, c’est- à- dire de donner les moyens aux Mauriciens, et surtout aux étudiants, de mieux s’adapter aux demandes d’une société basée sur les TIC, pour créer une jeunesse complètement immergée dans le monde de l’informatique.
Le ministre des Finances a défi ni son agenda africain avec, entre autres mesures, l’exemption des visas aux Africains à l’arrivée à Maurice et des incitations aux opérateurs du port franc exportant vers l’Afrique. Est- ce suffi sant pour inciter les opérateurs économiques à prendre avantage des opportunités d’affaires sur le continent noir ?
Il est clair qu’il n’y a pas de politique africaine s’il n’y a pas d’ouverture du pays. Quelque 29 pays africains ont été exemptés de visas depuis la semaine dernière par le Premier ministre et cela aura un effet indéniable sur la stratégie africaine.
Cette politique africaine se met en place et la nomination de consuls honoraires dans les principales capitales accélérera le processus. Déjà, nous voyons l’importance que prend le continent africain pour les opérateurs mauriciens.
L’Afrique est l’une des régions qui se développent le plus rapidement de nos jours. Le continent noir est riche en matières premières et a une population émergente grandissante.
Les mesures annoncées sont un bon début, sur lequel il faudra en greffer d’autres dans un deuxième temps. Dans ce domaine, le gouvernement ne peut au mieux qu’agir comme facilitateur et il revient aux entreprises mauriciennes de véritablement savoir saisir les opportunités.
Comme les années précédentes, c’est l’Etat qui prend le relais pour investir massivement, avec une enveloppe de Rs 28,6 milliards pour fi nancer des projets d’infrastructures en 2013. Est- ce l’investissement public qui sera appelé à générer de la croissance ?
Nous sommes dans un environnement compliqué, avec peu de visibilité et beaucoup d’incertitude. Dans un tel contexte, il n’est pas diffi cile de comprendre que les entrepreneurs aient des appréhensions à investir leur argent et leur temps dans des projets qu’ils ne sont pas sûrs de voir aboutir.
Cependant, je voudrais faire ressortir que la part du privé dans l’investissement total reste très importante, autour de 74 % en 2012. Que faire dans une telle situation pour s’assurer que l’économie mauricienne continue à croître ? Et bien, c’est l’investissement public qui prend le relais, pour générer et soutenir cette croissance, jusqu’à ce que le secteur privé se redresse et recommence à investir et embaucher.
Cette politique n’a rien de nouveau. Elle est appliquée partout dans le monde quand l’investissement du secteur privé s’essouffl e. Il est cependant important de prendre avantage de ces investissements massifs pour faire des réformes d’ordre structurelles, en particulier dans un certain nombre de secteurs, liés au port, à la production et la distribution d’eau, à la génération de l’électricité, aux transports en commun ou encore à l’éducation. Des réformes dont nous aurions eu besoin de toute façon, même sans la crise, pour permettre au pays de passer à un autre palier de son développement économique et sortir de ce qu’on appelle communément le middle income economy trap . Profi tons donc de la crise pour faire les réformes structurelles nécessaires afi• d’être mieux positionné quand l’économie mondiale reprendra. N’oublions pas que nous avons besoin d’une croissance annuelle moyenne de 5 % à 6 % pour vraiment avoir un développement inclusif…
Le ministre s’est réjoui que, face à la crise internationale, les indicateurs macro- économiques s’améliorent ( déficit budgétaire, croissance et dette publique). Ce sont des paramètres économiques qui vous inspirent confi ance ?
Effectivement, nous avons aujourd’hui un taux de croissance de 3,4 % pour 2012 ( avec une prévision de 4 % pour 2013), un déficit budgétaire de 2,5 % pour 2012 ( 2,2 % pour 2013), et le ratio de la dette publique/ PIB est de 54,2 % ( prévision de 53,7 % pour 2013). Ce sont des statistiques qui donnent beaucoup à envier aux autres. Cependant, avec la crise qui perdure et pèse sur l’économie mondiale, le plus important, c’est de pouvoir garder stable ces paramètres, pour s’assurer d’une croissance durable dans le temps tout en faisant les investissements structurels dont nous avons besoin. Dans ce contexte, la réforme du secteur public reste très importante pour l’exécution rapide des projets structurels.
Publicité
Publicité
Les plus récents




