Publicité

Mahen Gowressoo : « Il n’y a pas eu d’appel d’offres dans l’affaire Betamax »

28 avril 2012, 08:01

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Il était ministre du Commerce de 2008 à 2010, mais n’a jamais été impliqué dans les négociations avec «Mangalore». Mahen Gowressoo qui a rencontré sir Anerood Jugnauth, il y a peu, déclare que la décision de traiter avec cette compagnie indienne revient au Premier ministre. Interrogé sur «Betamax», l’ancien ministre démontre une certaine gêne…


? L’opposition dit qu’il faudrait profiter de la situation difficile dans laquelle se trouve «Mangalore» pour résilier notre contrat avec la raffinerie indienne. Votre avis ?

Non, il n’y a aucune raison notre contrat avec Mangalore expire en 2013 et nous sommes assurés d’être fournis en produits pétroliers jusqu’à cette date. Le contrat est en béton.

? Mais, il y a toujours la possibilité que «Mangalore» ne puisse pas honorer le contrat. Si cela s’avère, nous serons en mauvaise posture puisque nous avons mis tous nos oeufs dans le même panier !

Mangalore sera obligée d’honorer son contrat quoi qu’il arrive, puisque c’est un accord d’Etat à Etat. Mangalore ne produit pas tous les produits pétroliers qu’elle exporte. Donc, si elle ne peut plus produire, elle va en importer d’autres raffineries et nous les faire parvenir.

Mais, le problème n’est pas là. Ce qui devrait nous inquiéter, c’est de ne pas recevoir notre cargaison à temps. S’il s’avère que Mangalore doit importer plus de produits, soit de Mumbai soit de Chennai, le facteur fret
entrera en jeu car il y a un risque que les cargaisons n’arrivent pas à temps. Et là, Mangalore devra nous dédommager. Une de nos faiblesses est que nous n’avons pas de capacité de stockage adéquat, ce qui fait qu’il est vital que les cargaisons arrivent à temps.

? «Mangalore» nous dédommager ? Depuis le temps qu’elle nous fournit en produits pétroliers, elle n’a jamais accepté de nous dédommager pour quoi que ce soit !

Non, je ne pense pas que ce soit juste. Mais pour que Mangalore accepte ses responsabilités, il faut faire un case solide.

? En janvier 2007, suite à un retard de «Mangalore» dans la livraison d’une cargaison de gazole, la «State Trading Corporation» (STC) a perdu Rs 18 millions. Malgré les demandes répétées de dédommagements, «Mangalore» a démontré sa mauvaise foi en refusant de payer !

Je ne suis pas au courant de cet incident puisque c’était avant mon mandat. Mais peutêtre que la STC n’a pas fait sa demande de façon convaincante.

? Vous avez été ministre du Commerce de septembre 2008 à 2010. Pendant ce mandat, avez-vous été convaincu que «Mangalore» était le meilleur choix pour Maurice ?

Ecoutez, dans le sens où Mangalore est la raffinerie la plus proche de Maurice, c’est une bonne chose. Et puis, il faut aussi tenir en compte les relations que nous avons avec l’Inde – ce n’est pas avec Mangalore que nous avons affaire, mais avec ce pays.

Il y a aussi le facteur prix à prendre en considération. Avant 2006, nous nous approvisionnions auprès de la société Vittol. Mais où croyez-vous que Vittol allait chercher son huile ? Chez Mangalore ! Alors n’est-ce pas
mieux d’avoir affaire directement avec cette compagnie ? C’est moins cher.

? «Mangalore» a quand même refusé de donner un contrat CIF à la STC, ce qui fait que celle-ci n’a pu demander compensations dans les nombreux cas de contamination qu’il y a eus !

Oui, mais Mangalore ne s’occupe pas de fret. On ne pouvait pas l’obliger à nous donner un contrat CIF parce qu’elle ne fait pas de fret !

? La STC ne peut, certes, pas obliger «Mangalore» à faire quoi que ce soit, mais c’est elle la cliente ! Si les termes imposés ne sont pas bénéfi ques à Maurice, nous n’aurions peut-être pas dû renouveler le contrat ?

Ecoutez, ces négociations ont eu lieu avant mon arrivée au Commerce en 2008. Donc, je ne peux pas vous répondre là-dessus. On m’avait fait comprendre que c’était la STC qui avait recherché un contrat FOB.

? En 2010, avant la fi n du contrat avec «Mangalore» et avant les élections générales, avait-on déjà commencé à discuter des modalités pour le renouvellement du contrat ?

Oui. Cette affaire de Mangalore a été décidée par le Premier ministre quand il s’était rendu en Inde et en avait discuté avec son homologue indien. Il a décidé que c’était la meilleure chose pour Maurice. Mais, je dis que ce qui est arrivé dans le passé, est arrivé. Il est maintenant l’heure de réfl échir à ce que nous allons faire quand le contrat avec Mangalore arrive à expiration. Ne faudrait-il pas, peut-être, couper la poire en deux et prendre une partie de nos besoins à Mangalore et passer par un appel d’offres pour la deuxième partie ? Ainsi, nous aurions une certaine sécurité en approvisionnement.

? Selon le leader de l’opposition clame que vous lui avez dit avoir subi des pressions pour finaliser le «deal» avec «Betamax». Confirmez-vous que «Betamax» a obtenu des faveurs du gouvernement ?

(Hésitations….) J’étais le ministre de tutelle à cette époque, mais je ne peux pas divulguer ce qui s’est passé au Conseil des ministres. (Il tente de garder son sérieux, mais n’y arrive pas et éclate de rire…) Allons continuer à parler de Mangalore plutôt !

? Très bien. Paul Bérenger a fait un lien entre «Betamax» et «Mangalore». Faites-vous aussi ce lien ?

Ce sont deux choses différentes. Mangalore est le fournisseur de produits pétroliers alors que Betamax est le transporteur. Avant Betamax, nous utilisions des transporteurs étrangers, que nous avons maintenant remplacés par un transporteur mauricien. Où est le lien ?

? Manque de transparence dans les deux cas ?

Mais enfin, c’est un contrat commercial !

? Et pourquoi avoir choisi «Betamax» ?

Le gouvernement avait mis sur pied un comité en 2005, pour étudier la possibilité d’avoir notre propre tanker. Ils ont décidé, par la suite, que ce ne serait pas souhaitable que le gouvernement achète un bateau et que ce serait mieux que ce soit le secteur privé qui s’en occupe. Ils ont sollicité la Chambre du commerce et de l’industrie pour contacter les prestataires du privé.

? Et à part «Betamax», aucune autre entreprise privée n’a été intéressée par un contrat où elle ne prend aucun risque et où l’Etat lui garantit un investissement jusqu’à ce qu’elle récupère, au bout de 15 ans, tout l’argent investi ?

Je ne sais pas. Il y avait d’autres entreprises, mais je crois que l’offre de Betamax était la meilleure. Bien que je vous l’accorde, il n’y a pas eu d’appel d’offres en tant que tel.

? Alors que le beau-frère du propriétaire de «Betamax» était ministre du Commerce, l’on estime que cette compagnie a la meilleure offre ! C’est quand même extraordinaire ?

(Hésitations…) Je trouve que ce qui se passe actuellement avec Jim Seetaram est plus grave. La State Investment Corporation a investi Rs 30 millions dans le business de Seetaram !

? Vous avez rencontré sir Anerood Jugnauth (SAJ) chez lui. Pourquoi ?

C’est mon droit en tant que citoyen, non ? J’ai appelé chez lui et dès le lendemain, il m’a demandé de venir le voir c’était un plaisir de lui parler. Il est comme avant.

? Il vous a invité à rejoindre l’équipe du «remake» ?

On n’a pas discuté de cela. Mais, je dois vous dire que j’étais un pur-sang travailliste depuis tout petit. En 2005, j’ai eu un ticket du parti et je crois que j’ai travaillé dur. En 2009, j’ai reçu le prix du Top Performer Minister du
ministère des Finances.

Malgré tous les résultats que j’ai amenés dans tous les ministères où l’on m’a mis, on ne me donne pas de ticket en 2010. Soit. Mais, j’étais membre du bureau politique et de l’exécutif du Parti travailliste. Or, j’ai appris par la
suite que l’on m’avait retiré de ces instances.

J’écris une lettre au leader du parti, au secrétaire général à l’époque. Mais personne n’a daigné me répondre. Inn avoy mwa ferfout. Ai-je tort d’aller voir SAJ quand on n’a pas voulu de moi dans mon parti ?

? Qui vous dit que vous avez tort ?

Ce qui m’a frappé, c’est que dès que j’ai mis les pieds dans la circonscription n° 7, les officiers du ministère de l’Environnement sont venus inspecter mon usine. Dès que j’ouvre ma bouche et parle de ma rencontre avec SAJ, des officiers de la Plant Protection Unit débarquent chez moi ! Quelle est cette manière d’agir ? On ne peut pas vivre ainsi dans un petit pays comme Maurice. Mais qu’ils comprennent qu’ils ne me feront pas peur. Je travaille selon les procédures, en toute légalité.

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
(l’express, samedi 28 avril 2012)

Publicité