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Mahmood Cheeroo secrétaire général de la MCCI

21 novembre 2012, 04:35

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«Le budget ne constitue pas une stratégie économique»

? Quelle lecture faites-vous du budget 2013 ?

C’est un budget qui adopte une approche pragmatique, très terre à terre par rapport aux problèmes socioéconomiques auxquels le pays se trouve confronté. Il essaie d’apporter des réponses ponctuelles aux problèmes soulevés par différents acteurs économiques et sociaux.

Ainsi, pour atténuer le chômage parmi les jeunes, on va mettre en place un plan d’action élaboré pour mieux les exposer et préparer au monde du travail. Pour intéresser davantage les enfants des zones défavorisées à aller à l’école et pour mieux réussir, on leur offre un repas chaud. Pour rendre l’Internet plus accessible, on en diminue les coûts d’accès et en donne des tablettes aux étudiants. On permet une dépréciation plus rapide des machines et on revoit à la baisse le taux d’intérêt lié au leasing pour favoriser l’investissement, etc.

? Nombreux sont les commentateurs économiques qui estiment que le budget 2013 pêche par l’absence d’une vision économique claire. Etes-vous de cet avis ?

Oui et non. Il est vrai que la somme des mesures économiques contenues dans le budget 2013 ne constitue pas une stratégie économique. Loin de là. Mais, il y a derrière ces mesures, une stratégie implicite, celle de Opening Mauritius to the World, qui a été mise en place depuis 2006. Cette stratégie, rappelons-le, consiste à mettre en place un environnement favorable au développement des affaires, une libéralisation du commerce international et un assouplissement des conditions pour les étrangers qui souhaitent travailler et vivre à Maurice.

Les mesures annoncées – refonte de la Business Facilitation Act, les réductions tarifaires, le développement du shopping, l’assouplissement des conditions pour l’obtention des permis de résidence et de travail ou encore les nouvelles concessions sur la Land Conversion Tax – viennent apporter des retouches à cette stratégie.

Il n’y a, par contre, pas de tentatives marquantes pour réorienter cette stratégie.

? Estimez-vous que cette stratégie, incluant les mesures contenues dans le budget 2013, prépare Maurice à passer à un nouveau palier de développement ?

Telle était l’ambition de cette stratégie quand elle fut lancée en 2006. Mais, la crise économique mondiale a mis à mal cette stratégie. Il est clair aujourd’hui que la mise en place d’un environnement favorable à la conduite des affaires à Maurice et une plus grande ouverture sur l’international sont des atouts indéniables. Ce sont des conditions nécessaires, mais pas suffisantes.

Il faut une implication beaucoup plus grande de l’Etat, des ressources importantes et de nouvelles incitations pour accompagner et soutenir des stratégies bien définies. Que ce soit pour développer la recherche et le développement, les nouveaux produits, l’investissement, la conquête de nouveaux marchés ou la transformation de Maurice en un Shopping Paradise. Sans une refonte de cette stratégie et une approche plus volontariste dans sa mise en oeuvre, nous n’arriverons pas à faire repasser la croissance au-dessus de la barre de 5 %, comme durant la période 2006-2008.

? Quid de la croissance de 4 % annoncée dans le budget 2013 et les autres chiffres mentionnés pour le déficit budgétaire et le taux d’endettement public ?

Je constate que plusieurs personnes, ayant très peu de connaissance de la Comptabilité nationale de Maurice, et encore moins de sa dynamique macroéconomique, donnent leur avis sur le taux de croissance, comme on le ferait pour les résultats des courses au Champ-de-Mars.

Ceci a pour effet d’occulter le sérieux et la sérénité avec lesquels on devrait aborder les prévisions de croissance, comme c’est le cas dans des pays développés. Il faut laisser nos institutions, qui sont équipées pour mesurer la croissance, faire leur travail. Ceci dit, au vu de la conjoncture internationale – l’Europe vient de retomber dans la récession tout comme le Japon – et la morosité au niveau local, nos calculs à la Mauritius Chamber of Commerc and Industry (MCCI) nous indiquent que le chiffre de 4 % est optimiste.

Le taux de croissance est sur une courbe descendante depuis 2010 et l’économie doit rebondir pour traverser le cap de 4 %. En ce moment, le contexte international  ne s’y prête pas et il n’y a aucun changement radical au niveau local qui puisse déclencher un tel rebond. Ceci dit, les choses seront appelées à évoluer dans les prochains mois, dans un sens comme dans l’autre. Attendons voir.

Quant au déficit budgétaire et le taux d’endettement, ils seront les résultantes de tout un ensemble de facteurs.

D’ailleurs, les chiffres à la fi n de l’année ne sont jamais ceux annoncés lors de la présentation du budget.

? Est-ce que l’Afrique peut être une réponse à notre quête d’une croissance et un développement plus robustes ?

Certainement. Le potentiel de développement du continent africain est aujourd’hui une évidence. Notre succès sur le marché sud-africain est là pour illustrer le potentiel de ce marché émergent. Ce succès a été rendu possible par un ensemble de facteurs, dont l’accès préférentiel aux marchés sud-africains, la volonté de ce marché, la gouvernance politique et la bonne connectivité, tant maritime qu’aérienne. Faire des affaires avec d’autres pays africains de la région et au-delà représente d’autres défis.

Si l’accès préférentiel s’y applique aussi, les barrières non tarifaires, l’absence de bonne gouvernance et surtout l’inadéquation des liens maritimes et aériens représentent de sérieux problèmes. Mais, en même temps, le potentiel est immense. Il s’agit de mettre le paquet pour étendre notre champ d’activités en Afrique. Le budget 2013 fait mention de plusieurs mesures dans cette direction. Mais, pour réussir, la connectivité aérienne et maritime est vitale, en sus de nos efforts de promotion et de la diplomatie économique.


Propos recueillis par Villen ANGANAN

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