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Malaise au sein de la profession légale
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Malaise au sein de la profession légale

Protégé par la perception positive dont il jouit au sein du public, le judiciaire, contrairement aux départements du gouvernement, est généralement à l’abri des critiques et des commentaires. Mais derrière cette façade de sérénité et d’efficience tranquille, avocats et avoués chuchotent, accusent et s’énervent, incapables de faire part ouvertement de leur frustration et de leur colère un malaise couve au sein de la profession légale.
A l’origine de ce malaise, une pratique parfaitement légale : l’arbitrage privé. Pour des raisons de temps principalement, les conseillers légaux des entreprises privées sollicitent les juges pour qu’ils arbitrent des litiges – ces firmes ont, en effet, tendance à vouloir que ceux-ci soient réglés au plus vite. Ainsi, c’est en référé que l’aide du juge est sollicitée. Ce dernier acceptera d’arbitrer un litige contre un paiement variant entre Rs 1 million et Rs 3 ou 4 millions.
Le problème, selon ces mêmes sources, est que ces arbitrages privés se font généralement pendant les heures de bureau. Ce qui fait que «les juges n’ont souvent pas de temps à accorder aux autres affaires en Cour. En sus, la logistique de la Cour est utilisée pour ces arbitrages privés», apprenons-nous.
Résultat : les jugements dans les affaires en Cour devant ces juges souffrent – et tardent. «D’ailleurs, dans des jugements récents, le Conseil privé a attiré l’attention, à plusieurs reprises, sur le fait que l’on prenait trop de temps à rendre un jugement en Cour suprême», nous explique un avocat. Or «dans des affaires d’arbitrages privés, les jugements sont rendus dans un délai assez bref, avant six mois alors qu’en Cour, avec certains juges, cela peut prendre quelques mois, cela peut prendre un an ou cinq !» avancent des avocats.
Cette affaire a pris une telle proportion que lors de sa dernière assemblée générale, la Law Society, qui regroupe les avoués du pays, a abordé l’affaire et a estimé que la situation n’était pas saine. Mais, affirme un avoué, «personne ne dira ces choses publiquement parce que nous paraissons devant ces mêmes juges. Il est grand temps de légiférer pour que les sitting judges n’aient plus le droit de présider des arbitrages privés», affirme-t-il. «Cela pose aussi un problème éthique», soutient notre interlocuteur.
Il nous revient que ce problème a été porté à l’attention des autorités. «Mais personne ne veut se mettre le judiciaire à dos.» La Chambre de Commerce met aussi à la disposition de ses membres, un service d’arbitrage. Nous apprenons que cet organisme fait également appel à des magistrats pour des arbitrages privés. En effet, ce problème concerne aussi les magistrats. Ces derniers sont généralement sollicités pour présider des comités disciplinaires dans des entreprises, toujours contre paiement. «Et nous avons le même problème dans des cours inférieures, avec des affaires qui traînent parce que les magistrats sont occupés ailleurs.»
Et, souvent, apprenons- nous, cela donne lieu à des conflits d’intérêts. Un magistrat affecté à un tribunal spécialisé, s’est récemment retrouvé à présider un comité disciplinaire, à la demande de la direction de l’entreprise et donc, payé par cette entreprise. «Comment voulez-vous, après, que la personne que le magistrat a trouvée coupable lors de ce comité disciplinaire, puisse avoir recours à ce tribunal ?» commente un avocat.
Il ajoute que s’il peut techniquement «challenge le choix de celui qui préside, ce sera vu comme un affront au magistrat. Et comme l’a si bien dit une collègue, il faut caresser les magistrats et les juges dans le sens du poil», déclare-t-il, amer.
Deepa Bhookun
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