Mamoud Labadi rappelle, dans cet entretien, que le Fatah est le plus important parti de l’Organisation pour la Libération de la Palestine. L’autre étant le Hamas. Le Fatah est une formation de centre-gauche. Mamoud Labadi, pour sa part, explique sa présence à Maurice et livre ses réflexions sur le conflit israélo-palestinien.

Quels sens donner à cette présence du Fatah à l’anniversaire des 40 ans du MMM?

Nous avons été invités à assister au congrès. Si nous avons accepté de venir, c’est en raison du soutien du MMM et de la position ferme de ce parti en faveur de la cause palestinienne et aussi des relations que nous entretenons avec ce parti. Nous considérons que le MMM est un parti amical, qui milite pour les causes justes dans le monde et pour le peuple mauricien.

Quelle est la situation actuellement en Palestine?

La situation politique est toujours précaire. Une situation lamentable parce que l’occupation israélienne dure toujours. Nous n’avons pas abouti à une paix juste et durable dans la région. Cela veut dire que l’occupation sioniste se prolonge et, malheureusement, Israël ne veut pas faire des concessions et surtout ne veut pas d’une paix juste et durable avec les Palestiniens et l’autorité palestinienne. C’est pour cela qu’on peut dire que les Israéliens pratiquent une politique de refus de dialogue et d’enfermement. Israël tente de gagner du temps pour ne pas faire la paix et créer les conditions nécessaires pour cette paix. Malheureusement, Israël a toujours le soutien des Etats-Unis et des Etat occidentaux et, avec ce soutien, Israël prolonge le conflit dans la région. D’où la colonisation qui continue, la confiscation des terres, l’oppression quotidienne du peuple palestinien, la guerre, l’incarcération de militants. Aujourd’hui, Israël, plus que jamais, feint une posture pour ne pas faire la paix avec la Palestine.

Comment vivez-vous le soutien presque inconditionnel des pays occidentaux et des Etats-Unis à l’Etat hébreux?

Il y a sans doute des intérêts politiques, économiques, stratégiques en jeu. Malheureusement, je pense que les Occidentaux soutiennent aveuglement les Israéliens. Sans doute, il y a un petit changement et les Occidentaux ont commencé à réfléchir. Mais c’est un peu à cause de la culpabilité que ressentent les Occidentaux envers les juifs d’Europe, qui parlent toujours de l’holocauste. Cependant, il ne faut pas que les Palestiniens payent le prix où la facture du repentir des Européens ou de leur crime envers les juifs. Cela, alors que le peuple palestinien souffre depuis soixante ans et même plus. Sans doute, il y un changement mais ce n’est pas un changement qui va apporter une paix juste et durable dans la région.

Depuis l’entrée en scène d’Al Quaïda, le monde musulman est devenu l’ennemi numéro un de l’ouest. Quelle est votre lecture du conflit qui oppose certains à l’ouest à ce monde musulman?

Le conflit des civilisations entre l’occident et la civilisation musulmane fait partie du jeu de conflit des civilisations qui existe déjà, que ce soit entre le nord et sud, entre l’islam et le christianisme, entre l’orient et l’occident... A mon avis, ce genre de conflit n’a plus sa raison d’être. Il y a un mélange des civilisations désormais, une sorte d’interaction permanente. Mais il y a des éléments, surtout des éléments sionistes, qui essayent toujours d’enflammer ce conflit. Il faut dire qu’il y a de gens qui bénéficient de ce conflit et qui veulent toujours l’alimenter pour que l’occident soit toujours éloigné de l’orient. Mais aussi pour que l’occident ne fasse pas pression sur les Israéliens afin qu’ils se retirent des territoires occupés. Un tel retrait permettrait la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza et empêcher, ce qu’on appelle, la solution des deux Etats pour les deux peuples, le peuple israélien et le peuple palestinien.

Cette diabolisation de l’Islam, qui a commencé au début des années 2000, est-ce que vous la ressentez toujours en Palestine?

Moi, je dis que les occidentaux parfois ne respectent pas leurs propres valeurs. S’ils ne veulent pas respecter ce qu’ils prêchent tout le temps- démocratie, liberté, droit de l’homme- cela veut dire qu’ils sont toujours aux côtés des agresseurs.

Quelle est la position de vos voisins arabes par rapport à ce qui se passe chez vous?

Sur le plan populaire, le soutien des pays arabes est toujours là. Le peuple musulman, le peuple arabe et même les peuples du tiers-monde qui ne sont pas des peuples musulmans, veulent voir une solution à ce conflit qui a trop duré. Il faut dire que les musulmans, les arabes au même titre que les autres apportent leur soutien à la cause palestinienne pour sa justesse et non pas sur la base d’une même appartenance religieuse. Tout le monde veut voir la fin de la souffrance du peuple palestinien. La cause palestinienne a plusieurs dimensions. La dimension islamique en est une, certes. Mais il y a aussi une dimension de justice, des droits de l’homme et, comme je l’ai dis, la justesse de notre cause. C’est une cause de justice d’un peuple qui est constamment agressé.

La rencontre tant attendu entre le président Obama, le président de l’autorité palestinienne et le président israélien, la semaine dernière, n’a pas été à la hauteur des espérances…

Le président Abbas du Hamas a demandé clairement que les Israéliens cessent la colonisation sur le territoire palestinien. C''''est-à-dire qu’ils arrêtent la construction de colonies en Cisjordanie. Mais les Israéliens ont refusé. Ils ne veulent pas arrêter la colonisation. Ils veulent à tout prix continuer. C’est pour ça que cette réunion n’a pas été efficace et n’a pas été productive malgré la fait que le président Obama ait essayé de convaincre les israéliens.

Les déclarations du président Obama, justement, avaient aussi été interprétées comme une ouverture vers le peuple musulman et avaient créé l’espoir d’une fin des conflits engagés par son prédécesseur envers le monde musulman. Quelle est votre évaluation de cette nouvelle donne?

Au début, on a eu de l’espoir. On s’est dit qu’enfin, il y aura quelqu’un qui va oser dire la vérité aux Israéliens. Mais maintenant, le peuple palestinien et tout le monde sont déçus de sa position parce que les Israéliens posent tous les obstacles pour ne pas aboutir à la paix.

Avec ce nouvel échec, quelle va être la stratégie de la Palestine en vue de la création d’un Etat indépendant?

L’espoir n’est pas encore perdu. On espère qu’il y aura une percée vers la paix. Nous espérons que la pression internationale continue contre Israël. Israël et les Israéliens doivent réfléchir comme tout le monde afin de trouver des solutions acceptables pour les Palestiniens et pour le monde, lui-même. Israël ne peut pas agir comme un hors la loi. Il faut aussi qu’il respecte les lois internationales et les résolutions de l’ONU. Israël doit faire la paix parce que le monde revendique la fin de ce conflit et la fin de la souffrance du peuple palestinien.