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Marjolaine André : Electron libre

14 septembre 2013, 20:00

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Marjolaine André : Electron libre

Marjolaine André a toujours revendiqué sa différence. Elle est aujourd’hui la première femme «Cadet Technician» au «Central Electricity Board» (CEB).

 

Marjolaine André arbore fièrement son bleu de travail, ses grosses chaussures et son casque de protection. Et même si elle est contente d’être enceinte de son premier enfant, elle commence à trouver le temps long, à être ainsi obligée de faire du travail de bureau au Central ElectricityBoard (CEB) de Pamplemousses.

 

«Je suis heureuse d’attendre un bébé mais je n’aurais pas cru que cela m’empêcherait d’exercer mon métier. C’est mon médecin qui a recommandé un travail plus léger. Mais je me sens comme prisonnière», confie lajeune femme âgée de 31 ans.La belle devra pourtant patienterencore six mois pourdonner naissance et trois moissupplémentaires avant de reprendrele chemin du travail.Elle a hâte d’y être.

 

Cette native de Montagne-Fanal, à Rodrigues, a toujours voulu être différente. D’ailleurs, son père disait en parlant d’elle et de sa fratrie qu’au lieu d’avoir trois filles et deux garçons, il avait eu deux filles et trois garçons.

 

C’est au collège Le Chou qu’elle fait sa scolarité secondaire jusqu’à la Form V. Ses matières de prédilection sont l’économie et le commerce. Les emplois étant rares à Rodrigues, un de ses frères, qui a des connaissances à Maurice, lui trouve un emploi comme vendeuse dans une boutique au Caudan Waterfront. C’est ainsi que Marjolaine André vient s’installer à Maurice.

 

Son emploi ne lui plaît pas mais elle s’en accommode car il faut bien vivre. Ce qu’elle veut, c’est être chauffeur d’autobus car sa famille possède un minibus. Elle apprend donc à conduire un bus et passe même son permis en espérant trouver de l’emploi comme chauffeur. C’est peine perdue. Elle change donc son fusil d’épaule et décide qu’elle sera mécanicienne. Les cours de mécanique auprès du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) affichant complet, elle se laisse tenter par le NTC3 en électricité.

 

Elle est la seule fille dans une classe comptant 26 garçons. Si elle est bien acceptée par eux, lorsque c’est son tour de diriger une équipe lors des travaux pratiques, c’est une autre paire de manches. «J’étais obligée d’élever la voix parfois ou de me répéter pour qu’ils m’écoutent». Ce qui joue en sa faveur, c’est qu’elle est régulièrement première lors des contrôles et, au final, les garçons viennent lui demander des tuyaux pour leurs révisions. Estimant qu’il est important de partager son savoir dans la vie, Marjolaine ne se fait pas prier.

 

Son certificat obtenu, elle trouve un emploi d’électricienne chez ManserSaxon où elle est la seconde femme employée comme électricienne au sein de l’entreprise. Elle apprécie le travail. Rien ne lui semble difficile. «Mon père disait toujours que lorsque l’on est passionné par quelque chose, rien ne paraît difficile et c’est vrai».

 

Au bout d’un an, Marjolaine est taraudée par le désir de se perfectionner et reprend avec ravissement le chemin du MITD où l’on s’apprête à lancer le NTC2 en électricité. Formation échelonnée sur deux ans. Elle est presque en territoire conquis puisqu’elle y retrouve plusieurs garçons qui étaient dans sa classe en NTC3. Ce cours lui ouvre les portes d’un stage de sept semaines au CEB. Elle s’y plaît tant qu’elle ne pense plus à se mettre à son compte une fois son diplôme obtenu mais à essayer d’intégrer cette compagnie.

 

C’est chose faite à sa quatrième tentative pour y remplir une vacance. Marjolaine, qui est habituée à être la seule femme dans un milieu masculin, dit avoir été très bien accueillie au CEB de Pamplemousses où elle est en poste depuis son recrutement. Se comporte-t-elle différemment pour se faire accepter ? «Pas du tout. Ce sont mes collègues qui ont changé les leurs. On m’a dit qu’on n’entend plus de gros mots depuis que je suis employée. De toutes les façons, il n’y a pas de métiers pour les hommes et d’autres propres aux femmes. J’ai le même courage que les hommes, les mêmes capacités et compétences qu’eux et je nevois pas pourquoi il faudrait compartimenter.»

 

Recrutée comme Trainee Technician, elle a été titulariséecomme Cadet Technician aubout de deux ans. «Les cours m’ont donné ma base mais tout le reste, je l’ai appris au CEB, surtout les principes à respecter en matière de sécurité.» Avecl’équipe composée d’unedizaine de techniciens, ellegrimpe sans hésiter aux pylônesd’une dizaine de mètresde haut pour effectuer desréparations et autres ajustementstechniques. Elle a beauchercher mais elle ne trouveaucune difficulté à son travail.

 

La peur du danger, Marjolaine ne connaît pas. «Les gens disent que je fais un métier dangereux.Mais tout peut être dangereux dans la vie. Il faut savoir composer avec le danger.» Elle est actuellement en période d’essai, avant d’être titularisée comme technicienne.

 

Marjolaine et son compagnon Gopal, qui est policier, ont fait construire leur maison à Rodrigues. C’est d’ailleurs elle qui y a fait toutes les installations électriques, ainsi que les travaux de plomberie. «À Rodrigues, il y a un adage populaire qui dit qu’il ne faut pas avoir appris quelque chose pour pouvoir le faire. Je m’intéresse à la plomberie et donc, je peux me débrouiller en la matière.»

 

Et si son compagnon aimerait bien qu’ils demandent leur mutation pour Rodrigues, Marjolaine, elle, veut se parfaire avant. «Pas avant d’avoir été titularisée comme technicienne…»

 

 

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