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Michel Gauthey : «Le métro-léger est une solution attractive mais contraignante et coûteuse»

4 août 2010, 09:28

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Le directeur de l’Agence Française de Développement à Maurice revient sur le projet de métro-léger ainsi que sur l’implication de l’AFD pour le développement durable à Maurice.

 

? L’Agence Française de Développement (AFD) a repris ses activités à Maurice en 2006, quel bilan peut-on faire aujourd’hui ?

Quand l’AFD est revenue à Maurice, nous étions dans un contexte de rupture avec la fin des accords sur le sucre et le textile. L’AFD a ainsi contribué à soutenir le pays dans cette période de transition. Le bilan est très largement positif, car Maurice a fait preuve d’une étonnante capacité de réaction pour diversifier son économie. Au niveau de l’AFD, le bilan est également positif, avec quelque 350 millions d’euro d’engagements. Ce qui fait de Maurice le pays de l’Afrique Sub-saharienne le plus important pour nous. L’AFD est ainsi devenue le premier prêteur bilatéral pour le financement de projets d’infrastructure et le soutien au modèle de développement durable. Sur le plan personnel, l’expérience a été très enrichissante, aussi bien dans ma vie professionnelle que dans ma vie privée. Je quitterai Maurice à regret.

? Quelle va être la prochaine étape de la coopération avec Maurice ?

Une nouvelle directrice de l’AFD arrive prochainement. Tous les 3 ou 4 ans, il y a une réflexion stratégique avec les autorités mauriciennes, afin de définir les grands axes de la coopération. Au début, nous avons beaucoup travaillé sur les infrastructures et le secteur productif. Désormais, nous allons plus insister sur les projets comportant une dimension de développement durable. On devrait faire le point l’année prochaine, ce qui nous permettra d’y voir plus clair. D’un point de vue général, il n’y a pas à attendre de véritable changement de la politique de la France, qui inscrit son action dans la continuité. En outre, le mélange entre prêts et subventions fait que les financements sont moins soumis aux aléas budgétaires.

? L’AFD est plus particulièrement impliquée dans le projet «Maurice Ile Durable» (MID). Quel est son rôle dans ce projet ?

L’AFD s’est impliquée très tôt dans le développement durable à Maurice, car il s’agit d’une problématique qui intéresse aussi bien la France que l’Union européenne. Il était logique de soutenir le pays dans sa démarche. D’autant qu’il existe des entreprises françaises très bien placées dans ce domaine. Concrètement, le soutien au projet MID représente une aide budgétaire de 125 millions d’euros.

L’AFD fournit également un appui en terme d’expertise technique financé par un don de 2 millions d’euros. Cela concerne, par exemple, des études sur l’utilisation de l’éthanol comme carburant, des travaux sur les véhicules «eco friendly», ou la mise en place d’une cellule sur le changement climatique. Le développement durable est maintenant au centre de tous les projets. Par exemple, quand l’AFD finance l’assainissement des eaux dans le Nord, elle contribue à la diminution de la pollution des eaux du lagon.

? L’AFD a présenté un rapport sur le dessalement de l’eau de mer à Rodrigues. Ce rapport semble avoir été mal reçu. Pourquoi ?

Il n’y aura pas de développement possible à Rodrigues sans résoudre la question de l’eau, à la fois pour l’agriculture et la consommation de la population. La solution des barrages ne résoud pas le problème de la fourniture de l’eau potable et présente des risques environnementaux et technologiques. C’est pourquoi l’AFD a proposé la solution d’une usine de dessalement de l’eau mer fonctionnant à l’électricité fournie par des éoliennes. L’AFD a déjà financé des projets similaires qui fonctionnent en Afrique. Le dessalement fonctionne avec une énergie propre et permettrait d’alimenter la population et l’industrie hôtelière. L’eau n’est actuellement pas payée à Rodrigues, il faudra donc proposer une alimentation régulière en eau de bonne qualité à des prix raisonnables. Les rendements éoliens sont tellement bons à Rodrigues que cela permettra une production d’eau à faibles coûts. Nous allons refaire des projections afin de revoir les chiffres, notamment au niveau des amortissements des investissements. Mais il ne faut pas présenter l’unité de dessalement et les barrages comme des projets concurrents. Nous proposons également aux autorités mauriciennes et rodriguaises de réfléchir ensemble à une approche globale de l’eau via l’établissement d’un schéma directeur qui n’exclura aucune option a priori. Ensuite ce sera aux autorités mauriciennes de prendre des décisions en toute souveraineté et de rechercher les financements appropriés.

? Où en est le projet de métro léger ?

Le gouvernement mauricien semble avoir repris sa réflexion à ce sujet. Nous sommes toujours dans la ligne du développement durable avec le développement des transports en commun et le choix entre l’option métro-léger ou les couloirs de bus. Les deux solutions ont leur raison d’être. Il faut faire un choix en tenant compte des coûts d’investissement, des coûts de fonctionnement, des prévisions de trafic , notamment. Le métro léger est une solution attractive mais contraignante et coûteuse. Il faudra par exemple voir d’où vient l’électricité nécessaire à son fonctionnement. Que le choix se porte sur le métro-léger ou les bus, si on nous demande un appui, nous sommes prêts à aider au financement du projet choisi. Compte tenu de sa taille, cet investissement devrait faire intervenir d’autres bailleurs de fonds comme La Banque européenne d’investissement ou la Banque mondiale.

? L’AFD contribue à améliorer les capacités commerciales de Maurice. Comment opérez-vous ?

Il s’agit, grâce à une ligne de dons, d’aider le pays à être plus compétitif à travers ses associations et institutions professionnelles. Une subvention de 1,5 million d’euros a identifié un certain nombres d’actions : renforcement d’ Entreprise Mauritius. Cette association a ainsi pu former des cadres à l’exportation. Nous avons mis en place un partenariat avec Ubifrance pour la formation des cadres. Un partenariat entre l’Université de Maurice et l’Université du Havre a été également développé dans la logistique pour l’enseignement, la création de diplômes et la formation professionnelle. L’AFD aide également le Mauritius Standard Bureau à se mettre aux normes internationales et à nouer des partenariats avec des institutions françaises similaires.

? L’AFD veut renforcer les relations entre Maurice et La Réunion. Sur quel type de projets peut-on baser cette synergie ?

La réunion des Etats généraux de l’Outremer a conclu à la nécessité pour les départements d’Outre-mer français de se lancer dans un développement plus endogène. Il s’agit pour eux de mieux s’intégrer dans leur environnement géographique et économique. Pour La Réunion, le partenaire le plus évident, c’est Maurice. Le secteur privé a déjà tissé des liens entre les deux îles. Là aussi, l’AFD mise sur le développement durable, car il s’agit d’une problématique très consensuelle. La Réunion est en avance sur certains domaines et peut partager ses expériences. Les normes réunionnaises peuvent servir à Maurice, par exemple dans les chauffe-eau solaires. Sur ce créneau, Maurice connaît un problème d’homologation et doit former des techniciens. Nous développons des collaborations entre l’Association pour le développement industriel de La Réunion et le Joint Economic Council. Un audit sur les gros consommateurs d’électricité mauriciens est ainsi en cours. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie de La Réunion coopère également dans plusieurs domaines avec Maurice. Nous travaillons aussi sur une offre touristique complémentaire.

Propos recueillis par Pierrick PEDEL

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