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Musique locale : entre évolution et perte d’identité
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Musique locale : entre évolution et perte d’identité

En ce 21 juin 2009, le monde entier célèbre la musique. C’est également un jour propice pour s’interroger sur l’évolution de la musique locale.
On note depuis ces dernières années, qu’elle est de plus en plus empreinte de styles, rythmes et expressions importés. Mais dans cet alignement sur ce qui est produit à l’international, la musique mauricienne pourrait finir par perdre son identité.
Qu’en pensent les artistes mauriciens ?
Marclaine Antoine, musicien, spécialiste des instruments traditionnels
«Nous sommes en train de perdre ce qui nous est propre. Prenons, le séga. Je pense que le séga doit rester le séga, avec ce que cela implique au niveau des instruments, du rythme, des textes. L’encyclopédie de notre culture doit rester vivante. Pour faire du séga moderne, de nombreux musiciens utilisent des instruments tels que la batterie ou le synthétiseur, et négligent les instruments traditionnels comme la «ravanne», la «maravanne» ou le «triangle». Le problème, c’est que ces instruments modernes ne permettent qu’un seul type de rythme. Alors qu’avec la «ravanne» ou le «jerrycan», il est possible d’obtenir plusieurs sonorités et faire des variations. La musique mauricienne a déjà perdu des instruments tels que le «zese», le «bobre» ou le «makalapo». Aujourd’hui, les instruments traditionnels utilisés sont la ravanne ou la maravanne. Si les musiciens n’essaient pas de les inclure dans le séga moderne, à la longue, nous perdrons aussi ces instruments. J’en profite pour préciser que le séga typique n’est joué, de nos jours, que pour les touristes… Je pense que le ministère de la Culture ou la MASA devrait garder des archives sonores du séga typique et autres musiques traditionnelles. Ce serait une façon de préserver notre patrimoine culturel, car il est progressivement en train de s’évaporer.»
Marino Paul, chanteur de l’ancien groupe Dance Masters
«Mon opinion est partagée à ce sujet. L’influence des musiques d’ailleurs sur la musique locale fait partie de l’évolution musicale. Malgré cela, la majorité des artistes font en sorte que leur musique comprenne une touche mauricienne. D’ailleurs, que ce soit du séga, reggae ou du ragga, aujourd’hui, il y a toujours cette valeur qui reste et qui indique que tel morceau est joué ou interprété par des Mauriciens. Par exemple, nous savons tous que le véritable reggae est fait en Jamaïque, car c’est là-bas que cette musique est née. Parallèlement, personne ne pourra jouer du séga comme les Mauriciens.»
Menwar, auteur-compositeur-interprète (inventeur du sagaï)
«De nombreux artistes mauriciens utilisent la ravanne synthétique aujourd’hui – car il n’est pas nécessaire de chauffer celle-ci. Certains diront que ce n’est pas bien parce que ce n’est pas la vraie ravanne, la traditionnelle. D’autres diront que c’est bien de se servir de celle qui est synthétique car plus besoin de tuer des «cabris» pour leur peau. Peu importe si les musiciens utilisent la ravanne synthétique ou traditionnelle, l’âme du séga restera. Puis, je suis d’avis que ce qui compte, c’est de produire une musique qui est agréable pour les oreilles. Qui a le droit de dire que faire de la musique comme ci, c’est bien ou comme ça, c’est mauvais? Mais je pense que c’est important pour sa culture, qu’un jeune musicien mauricien apprenne d’abord la musique traditionnelle. Ensuite, il pourra choisir la musique qu’il fera personnellement.»
Kishore Taucoory, auteur-compositeur-interprète du groupe Bhojpuri Boys
«Je pense que tout dépend de l’auteur-compositeur, s’il veut donner à sa musique une touche européenne, par exemple, ou pas. Cela dépend de la couleur qu’il souhaite apporter à sa composition. Au niveau de Bhojpuri Boys, tous nos morceaux ont un parfum mauricien. Les musiciens mauriciens doivent réaliser que si nous faisons simplement qu’imiter ce qui est fait à l’étranger, nous ne créerons rien de nouveau, et nous ne pourrons jamais dépasser les initiateurs. Nous devrions plutôt garder notre originalité mauricienne pour laquelle nous savons que nous saurons respectés.»
Eric Triton, bluesman
«Je crois que c’est tout à fait normal que nous nous inspirions des musiques étrangères. Après tout, à Maurice, ne sommes-nous pas une nation pluriculturelle?  Il faut aussi noter que la majorité des artistes mauriciens débutent dans les hôtels. Mais je pense que cela ne tue pas notre culture. Au contraire, notre musique évolue, cela augmente notre savoir musical. Il y en a qui sont très influencés par la musique d’ailleurs. Puis, d’autres qui conservent l’identité mauricienne dans leur musique. C’est aux futurs musiciens qu’il revient de savoir dans quelle direction ils veulent aller. S’ils veulent être simples musiciens ou des artistes. Il s’avère aussi que la conservation de notre culture musicale est difficile. La pratique du séga typique est aujourd’hui interdite dans les plages publiques, sous prétexte qu’elle dérangera les touristes. Mais en général, le monde se modernise. Les musiciens mauriciens doivent choisir entre suivre le mouvement, ou pas, et alors, conserver le peu de culture musicale que Maurice possède. Moi, je suis pour la première option.»
 
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