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Nafiisa Sobratee : Ses recherches l’honorent

12 août 2013, 08:14

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Nafiisa Sobratee : Ses recherches l’honorent

Nafiisa Sobratee qui évolue dans le monde très sélect de la recherche agricole vient de faire honneur au pays en remportant le premier prix de la «3rd African Wide Women in Science Competition», organisée par le «Centre for Agricultural and Rural Cooperation de Wageningen/ACP-Union européenne», en collaboration avec l’«International Foundation for Science».

 

On peut dire que Nafiisa Sobratee, 32 ans, suit les traces du professeur Ameenah Gurib-Fakim car cette dernière a remporté la première édition de ce concours. C’est de sa mère qui adore les plantes et qui a la main verte que cette troisième des quatre enfants d’un ingénieur en télécommunication tient sa passion pour l’agriculture.

 

Très bien classée à l’examen de Certificate of Primary Education, cette Portlousienne de souche obtient une place au Mahatma Gandhi Institute où elle opte pour le côté technique avec comme combinaison de matières les mathématiques, la chimie et les Food Studies. Classée 18e après les lauréats, elle obtient une bourse de l’université de Maurice (UoM) et étudie en vue de décrocher une licence en agriculture et en sciences environnementales car elle est plus attirée par les sciences appliquées que par la théorie. «Et puis à l’époque, on parlait beaucoup d’environnementet du Sommet de Rio car Maurice était le premier pays signataire de la Convention et cela m’intéressait grandement

 

Son BSc (Honours) obtenu, Nafiisa Sobratee sent qu’elle n’a pas suffisamment étudié. Et comme elle s’est classée parmi les premières, elle décroche une bourse de la Tertiary Education Commission en vue d’obtenir une maîtrise par recherche, soit un MPhil. Sous la supervision des professeurs Françoise Driver et Romeela Mohee de l’UoM, elle poursuit l’étude du compostage de la fiente de poule.

 

«Pendant deux ans, c’était de la recherche pure et cela demandait beaucoup de discipline personnelle.» Ses travaux, validés par une université étrangère connue uniquement de ses directeurs de recherches, lui ouvrent la voie à un doctorat qu’elle axe sur la réduction des bactéries durant le compostage de la fi ente de poule. C’est sur la ferme de l’université à Réduit qu’elle procède à des expériences, n’hésitant pas à y mettre littéralement la main.

 

«Tout le monde sait que le compostage se transforme en matière organique mais comment s’assurer que le résidu soit dépourvu de microbes ? Là était la question. J’ai donc étudié un concept que les ingénieurs utilisent et qui est le Failure Mode and Effect Analysis. Il me fallait donc soumettre la fiente de poule au stress pour connaître quel type d’anomalies peut se produire durant le processus de compostage et où être plus vigilant. C’était très technique mais facile à appliquer. Il m’a fallu doser et suivre de près les procédures. Pour faire simple, disons que pendant le processus de compostage, les déchets chauffent. Il y a accumulation de la phase thermique, suivie de la phase mésophile et de la phase thermophile. Au moment où la température commence à baisser, il faut remuer et tourner les déchets avant que commencent la phase du refroidissement et la deuxième phase mésophile car autrement, certains microbes peuvent résister et leur population peut croître dans le vacuum entre ces deux étapes et demeurer dans la pile de compost. Le résultat est que si vous utilisez ce compost lorsque vous plantez des carottes par exemple, les microbes vont contaminer la plante. Et si vous consommez les carottes crues, il y a un risque sanitaire. Je suis venue démontrer à quelle étape il fallait accentuer le remuage du compost pour éviter que les microbes ne résistent et ne prolifèrent

 

 

Sur la base de ses recherches, elle obtient son doctorat en 2011, de même qu’un stage au département d’agronomie du Mauritius Sugar Industry Research Institute, travaillant notamment sur la pomme de terre, les nouvelles variétés de haricots enrichis aux vitamines et testés dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. Cet organisme étant en pleine restructuration à l’époque, elle travaille aussi sur une compilation de statistiques sur la pomme de terre.

 

Le plus étonnant est qu’avec tous ses diplômes, Nafiisa Sobratee peine à trouver un emploi. «J’aimultiplié mes demandes d’embauche. Au début c’était pour des postes qui cadraient avec mes qualifications mais je n’ai rien obtenu. Ensuite, j’ai postulé partout et toujours rien. Il ya des gens qui m’ont dit que c’est parce que mes qualifications étaient trop pointues. D’autres, qui m’ont faitpasser l’étape de l’entretien, ont déclaré qu’ils n’avaient pas les moyens dem e payer et d’autres encore ont dit que c’était conjoncturel de ne pas trouver d’emploi.»

 

 

Désemparée, Nafiisa Sobratee décide de poursuivre ses études en Afrique du Sud. Elle opte alors pour un post-doctoral research avec d’autres étudiants en doctorat auprès de l’université du Kwazulu Natal à Pietermaritzburg. Elle et l’équipe font de la recherche sur la détérioration du sucrose dans la canne à sucre après la coupe et jusqu’à son acheminement à l’usine de broyage.

 

«Il nous faut voir quelle technique utiliser pour prévenir cette détérioration et quels signaux biochimiques ont lieu et quels moyens techniques peuvent détecter cette détérioration et ainsi savoir s’il est possible de rejeter le chargement en fonction de sa faible teneur en sucrose ».

 

Comme il y a eu des recherches antérieures sur le sujet, l’équipe s’en inspire. «Maintenant que le Supply Chain Management est en vogue, onrevisite les études faites et on essaie de think out of the box.» Ils travaillent sous la supervision de professeurs sud-africain et éthiopien. Leurs recherches se poursuivent encore.

 

Entre-temps, en mai dernier, il y a un appel à candidatures pour participer au concours susmentionné et dont le thème est «Nourrir unmilliard de personnes en Afrique dansun monde qui change». Les critères de participation sont qu’il faut être originaire d’un pays africain, engagé dans la recherche et démontrer le potentiel de ladite recherche.

 

Comme elle a écrit quatre papiers à partir de ses travaux de doctorat qui ont été publiés dans des journaux scientifiques internationaux dont le Journal of Applied Microbiology et le Bioresource Technology, de même que dans des compilations de recherches de renom à l’étranger du fait que ses travaux s’étaient classés parmi les dix premiers dans la filière de fiente de poule, elle décide d’y participer.

 

«Lorsque j’étais encore à l’UoM, j’avais fait pas mal de présentations autour de ces quatre papiers lors de la Research Week et j’avais même fait imprimer une affiche que j’avais présentée au Jardin botanique lors de la World Food Day. J’ai donc envoyé un résumé de tout cela au concours ».

 

Ils sont 317 candidats à concourir et à sa stupéfaction, elle figure parmi les 54 présélectionnés. Ceux-là sont invités à participer à une formation sur l’écriture scientifique lors d’un atelier de travail en Ouganda. «C’était intéressant car àtravers des plaidoyers, un des formateurs qui est un avocat ayant étudié àl’université de Stanford aux Etats-Unis nous a montrés comment nos recherches peuvent être utilisées pour créer des politiques et comment développer des stratégiesde communication. On a ensuite eul’occasion d’améliorer la présentation de nos résumés (abstracts) avant de soumettre la version améliorée.»Sur les 54 résumés des présélectionnés, le jury en retient les dix meilleurs proposés par les femmes et les dix meilleurs soumis par les jeunes professionnels. Nafiisa Sobratee figure parmi les dix femmes sélectionnées.

 

C’est à Accra au Ghana, au cours de la 6th Africa Science Weeken juillet, qu’elle fait la présentation de son résumé amélioré devant un panel de cinq juges comprenant le professeur Ameenah Gurib-Fakim et un panel d’experts du Centre forAgricultural and Rural Cooperationde Wageningen aux Pays-Bas. Elle tombe des nues lorsqu’on annonce qu’elle est la gagnante de la catégorie AfricanWideWomen. «Les projets des dix finalistes étaient excellents. Ce qui a pu faire la différence, je pense, c’est la stratégie de communication. J’étais super émue d’avoir remporté le prix.»

 

Appelée à dire à quoi ce prix lui donne droit, elle réplique «à deuxtrophées et à me permettre d’étoffermon curriculum vitae». C’est tout ? «Je suppose qu’il va aussi me permettre de faire d’autres demandes de bourses pour des recherches plus approfondies

 

Mais avant toute chose, Nafiisa Sobratee veut terminer son postdoctorat. Son avenir, elle l’entrevoit comme chercheuse et professeur d’université car, dit-elle, le lien entre les deux est très important. Elle a une supplique à l’égard du secteur privé. «Je demande au secteur privéde financer la recherche pour que l’on puisse avancer dans nos efforts de suffisance alimentaire, tout en ne détruisant pas l’environnement…»

 

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