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Nathalie Ahnee: «Voyez en l’homosexuel l’être humain, pas ce qu’il fait dans sa chambre à coucher!»

5 juin 2009, 10:37

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Du 1er au 6 juin 2009 a lieu la «Rainbow week». Nathalie Ahnee, présidente du Collectif Arc-en-Ciel, fait le point sur l’évolution du regard porté sur la communauté LGBTI à Maurice.

En bref, quelle est la nature du travail du Collectif Arc-en-ciel depuis sa création?

Le travail du Collectif a plusieurs aspects.

Premièrement, nous avons un rôle de soutien, d’écoute et de conseil, particulièrement aux membres de la communauté Lesbienne-Gay-Bisexuel-Transsexuel-Intersexué* (LGBTI), qui sont victimes de discrimination.

Deuxièmement, nous essayons de faire évoluer les lois concernant les homosexuels.

Troisièmement, nous militons, à travers des campagnes de formation, marches et autres actions, pour changer l’image négative que la société mauricienne a de la communauté LGBTI.

Pouvez-vous approfondir sur l’encadrement à ceux qui ont des difficultés à accepter/vivre leur homosexualité?

Comme je vous l’ai dit, nous avons un rôle de soutien, d’écoute et de conseil. Nous organisons des séances de discussion, de partage d’expérience. Nous recevons également régulièrement des membres de la communauté LGBTI qui sont victimes d’insultes, de menaces et de violence physique. Dans ces cas là, nous leur conseillons un des psychologues ou avocats qui collaborent avec le Collectif. Hormis les cas médiatisés de Kate et de Virginie ou encore de Gemma et de Ravinee, la majorité de ces personnes préfèrent la discrétion.

De nombreux cas nous sont aussi rapportés indirectement, au niveau desquels, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Le problème à Maurice, c’est que les ONG ne peuvent pas se porter partie civile. C’est aux victimes d’entrer une action en justice. Mais, souvent, les victimes n’en ont pas le courage. Les gens ne veulent pas parler de discrimination. C’est un sujet tabou, parce qu’à la base, l’homosexualité elle-même l’est.

La communauté LGBTI compterait combien de membres?

Selon des études, nous estimons que la communauté représente 5 à 10% population. Mais ceux qui osent s’affirmer constituent un nombre infime.

Selon vous, grâce aux actions du Collectif, par exemple, la Rainbow March, en quoi la perception envers les homosexuels a changé à Maurice, de nos jours?

La perception a changé parce qu’aujourd’hui, la société commence à accepter que cette communauté existe. Elle ne peut plus nier ce fait. C’est un premier pas, quoiqu’il reste de nombreux homophobes à Maurice. Le deuxième pas serait que la société accepte que cette communauté existe Et en respecte les membres, comme des êtres humains comme les autres.

Que pouvez-vous nous dire de l’accueil de ces actions auprès de la communauté LGBTI?

Les soirées que nous organisons sont très attendues des membres de LGBTI. Ils les réclament. C’est l’occasion pour eux de pouvoir être eux-mêmes sans craindre le regard des autres.

Toutefois, une minorité s’engage de façon militante.

Pourquoi, selon vous, sont-ils peu à militer?

Je pense que la communauté LGBTI est restée cachée, souterraine, pendant tellement longtemps que maintenant, revendiquer leurs droits est pour de nombreuses personnes, quelque chose qui les dépassent. Elles osent s’afficher au grand jour, car ils en sont au stade de s’accepter elles-mêmes. Je crois qu’il faut laisser le temps à la communauté de sortir du placard.

A votre avis, quels sont les préjugés envers les homosexuels qui sont les plus difficiles à combattre ici?

Les idées reçues. La société pense encore que les gays sont forcément des garçons efféminés et que les lesbiennes sont certainement des garçons manqués. Mais je tiens à préciser que, comme dans la communauté hétérosexuelle, les profils sont aussi variés dans LGBTI.

Puis, il y a cette partie de la société qui associe l’homosexualité à la perversion. Celle qui choisit de voir uniquement le côté sexuel des relations. C’est dommage qu’elle gomme tous les sentiments.

Le poids des religions cause aussi problème. Nous savons tous que la religion a une grande influence sur les citoyens et les hommes politiques mauriciens.

Est-ce que le Collectif a déjà eu des conflits avec des institutions religieuses du pays?

Nous n’avons jamais eu de communication avec les institutions religieuses. Mais nous ne sommes pas contre. Le Collectif Arc-en-ciel considère que la religion relève du domaine du privé. Pour nous, les valeurs religieuses n’ont pas leur place dans les décisions juridiques et l’élaboration des lois. Par exemple, nous n’allons pas jusqu’à demander des mariages religieux. Nous pensons plutôt à l’union légale. Maintenant, si une institution religieuse est disposée à marier un couple homo, tant mieux!

L’Etat reconnaît-il les homosexuels comme des citoyens à part entière? Existe-t-il des lois?

Je dirai que l’Etat ne les reconnaît pas suffisamment. Il existe deux lois, l’Employment Rights Act et l’Equal Opportunity Bill, qui font mention de la discrimination par rapport à l’orientation sexuelle. Un membre de LGBTI pourrait porter plainte s’il arrive à prouver qu’il a été licencié, non-embauché ou non-promu du fait de sa différence. Donc, est-ce que la loi est facilement applicable, j’en doute.

Hormis ces deux lois, il n’y a rien du tout par rapport à la reconnaissance de l’union. Il est toujours impossible aux membres de LGBTI, qui sont en couple, de créer un compte joint ou avoir un droit de regard sur l’enfant (d’un compagnon/compagne) qu’ils ont élevés ensemble… Ce sont ces petites choses du quotidien qui montrent que l’Etat ne les reconnaît pas à part entière.

En tant que présidente du Collectif, quel message souhaiteriez-vous passer aujourd’hui aux Mauriciens, au nom de la communauté LGBTI?

Je leur dirai de regarder les membres du LGBTI comme des êtres humains, au lieu de se focaliser sur ce qui se passe dans leurs chambres à coucher!

*Une personne intersexuée présente une morphologie sexuelle extérieure et/ou interne qui appartient aux deux sexes.

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