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Nilen Venkadsami: «Notre mobilisation effraie»
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Nilen Venkadsami: «Notre mobilisation effraie»

? Ce qui a commencé par un grand élan patriotique connaît, actuellement, quelques cafouillages. Que se passe-t-il ?
C’est vrai que tout a commencé avec un dynamisme qui a dépassé nos plus grandes espérances. Mais, au fur et à mesure que le jour approche, nous notons que certains font délibérément de la provocation dans le but de démobiliser les gens.
? Pourquoi feraient-ils cela ?
Cette mobilisation populaire pour demander une nouvelle île Maurice est en train d’effrayer l’establishment et la classe politique traditionnelle.
? J’ai plutôt l’impression que votre marche les indiffère !
Ah non, je ne suis pas d’accord. Si vous allez sur le site web des partis politiques, tous les débats tournent autour de ce sujet. Ils savent qu’il y a un mécontentement généralisé dans le pays, mais ils ne s’attendaient pas à ce que cela se cristallise dans ce mouvement.
? Et comment expliquer le changement de date ?
Le groupe avait choisi la date du 11-septembre, sans réaliser que cela allait aussi être la date du Maiden. Nous voulions le faire un dimanche, parce que les gens sont plus ou moins libres et nous voulions absolument tenir la marche durant ce week-end, car les examens vont bientôt commencer.
? Vous voudriez me faire croire que la signification du 11-septembre a échappé au comité organisateur ?
C’était une coïncidence. La signification du 11-septembre n’a, à aucun moment, été une considération. Si nous avions imaginé que les gens feraient ce lien, nous n’aurions pas choisi cette date ! La tenue du Maiden est la principale raison pour laquelle nous avons avancé la date.
La police nous a fait comprendre qu’elle sera déployée presque exclusivement pour cet événement hippique et que donc, pour notre manifestation, nous n’aurions pas eu un contingent suffisant de la police.
? Un de vos membres, Noor Adam Essack, qui vous a donné un coup de main au départ, a annoncé, depuis mercredi, qu’il prenait ses distances. Pourquoi ?
(Hésitations…) Je me suis engagé dans ce mouvement parce que j’aime mon pays. Mais, je ne sais pas si c’est le cas de tous les membres.
Certaines personnes ont peut-être réalisé qu’elles ont quelque chose à en tirer. Mais je lance un appel à tous il est temps de voir plus grand et se rappeler que nous protestons samedi
(NdlR, aujourd’hui) contre le fait que la classe politique s’est «lavé les mains» vis-à-vis de la population.
? Vous demandez aux gens de s’indigner. ’indigner contre quoi exactement ?
Les gens en ont marre des mésalliances, qui ont pour seul objectif de monopoliser le pouvoir politique entre les mains de deux ou trois familles. Du communalisme à outrance qui ne sert qu’à nous diviser. Des scandales, de la fraude et de la corruption et surtout de l’absence de volonté politique pour combattre ces fléaux.
En tant que jeune papa, je ne veux pas que ma fille grandisse dans ce pays, car tout le monde n’a pas les mêmes chances. Les politiciens n’en ont que faire de nous et s’occupent seulement de leurs intérêts. Il est temps d’y mettre un frein.
? Et après, que se passera-t-il ?
Les politiciens ont le sentiment qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent et que les gens ne vont jamais réagir. Nous voulons, à travers ce mouvement, envoyer un message à tous les Mauriciens : les choses peuvent changer si vous descendez dans la rue pour faire comprendre aux politiciens que le peuple veille au grain.
? Vous avez beaucoup insisté sur le fait que vous ne vouliez pas être associé aux partis politiques. Pourquoi ?
Beaucoup de gens ont dit qu’il faudrait que nous restions «apolitiques». Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
? J’imagine qu’ils ne veulent pas que vous vous associiez à l’opposition !
Attention, nous ne sommes ni pro-opposition, ni pro-gouvernement !
? Vous pouvez difficilement être pro-gouvernement quand vous organisez une marche, qui pourrait mettre en péril l’ordre public...
Nous ne sommes pas en train de défier le gouvernement. Et, nous ne sommes pas dans la même mouvance que les pays arabes, car nous ne voulons pas déstabiliser le gouvernement ou le système politique. Notre combat est contre toute la classe politique, contre tout le système, qui a été corrompu. Mais ceux qui disent qu’ils veulent que ce combat reste apolitique ne savent pas ce que veut dire faire de la «politique».
? Il faudrait faire attention que l’arrogance ne corrompe pas...
Je me suis peut-être mal exprimé. On a peur du mot «politique» parce que ce terme a été perverti à Maurice. Notre action de samedi est une action politique, mais pas comme le font les partis politiques à Maurice.
? Par contre, comme eux, vous censurez les opinions contraires sur votre page «Facebook» !
Nous avons été submergés de réactions et à un moment, les choses ont dérapé, avec des attaques personnelles et des commentaires communaux. Nous avons essayé de ramener ces personnes à la raison, sans succès. Donc, nous avons effacé les messages insultants et dans certains cas, nous avons dû interdire ces personnes de notre page.
? Interdire et censurer, alors que vous n’en êtes qu’au tout début...
La liberté d’expression d’une personne s’arrête là où celle d’une autre commence. Ce pourquoi nous luttons importe plus que les tiraillements. Je veux d’une démocratie participative, où le pouvoir ne sera pas monopolisé par une certaine élite et où il faudra retourner vers le peuple pour prendre des décisions.
? Mais, vous faites le contraire de ce que vous dites. Vous parlez au nom du groupe, mais en même temps, c’est votre opinion que vous exprimez.
C’est tout à fait normal. Il n’y aura pas d’homogénéité parce que c’est quelque chose de spontané. L’important, c’est que tous, nous nous rallions derrière cette cause. Et je suis heureux de dire que Rezistans ek Alternativ, la classe syndicale et beaucoup d’ONG, de même que la société civile, nous soutiennent.
? Où étiez-vous quand les syndicats étaient descendus dans la rue, en début d’année, pour protester contre le sort des travailleurs et la vie chère ?
J’y étais en tout cas ! (Rires…) Mais c’est vrai que c’est très difficile de convaincre les gens de descendre dans la rue. Je crois qu’ils ont peur.
? Ils n’auraient plus peur, maintenant ?
Je pense qu’ils ont vu qu’ailleurs aussi, les gens descendaient dans la rue pour protester.
? Excepté que jusqu’ici, tout cela s’est passé sur internet. Sur vos quelque 20 000 adhérents, combien viendront vraiment ?
Je ne sais pas. J’espère qu’ils viendront tous.
? Les choses peuvent dégénérer si quelques têtes brûlées se joignent à votre groupe...
Nous en sommes conscients. Des professionnels de la sécurité travailleront sous les directives de la police. Quant à nous, au moindre dérapage, nous en informerons la police. Nous ne sommes pas en train de faire une révolution et nous ne croyons pas à l’anarchie.
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