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Nita Rughoonundun-Chellapermal: « On devrait évaluer l’Ecole et non les apprenants !»

11 décembre 2010, 23:39

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La chargée de cours au Mauritius Institute of Education, revient sur la notion d’évaluation dans le sillage des résultats des examens du Certificate of Primary Education..


Stigmatisation et spirale de l’échec. Ce sont les termes qu’utilisent en France des critiques du système de notes scolaires.

Avec pas mal de justesse d’ailleurs. La stigmatisation devient un “self-fulfilling prophecy”, les enfants réalisant effectivement ce que l’école prédit pour eux! Le cycle infernal des tests et examens enferme ceux qui auraient le plus besoin d’aide et de soutien dans les apprentissages et devient le moteur de l’échec scolaire.

A Maurice, aussi ces critiques se justifient. L’école est un lieu dont la mission est d’accueillir les enfants d’une société pour assurer leur développement. Par générosité ? Par nécessité plutôt car l’avenir de notre société et de notre civilisation en dépend. Savez-vous que l’homme est la seule espèce à élever pendant aussi longtemps sa progéniture ?

L’éducation est un droit pour nos enfants, mais du coup, en même temps une obligation faite aux institutions éducatives et aux adultes. Or, et c’est là tout le paradoxe, en même temps qu’on l’érige en droit universel, ceux qui ont la charge de l’éducation transfèrent cette responsabilité sur les enfants.

L’attente de notes crée chez beaucoup d’enfants une anxiété profonde qui inhibe grandement et durablement leurs capacités d’apprentissage à l’école.
On a mené campagne pendant longtemps contre la violence corporelle ou verbale dans nos écoles. L’évaluation notée sans autre finalité pédagogique est une violence aussi et qui a des séquelles durables comparables.

Peut-on dire que notre système scolaire ne peut fonctionner que sur un système de notation rigide parce qu’il est foncièrement élitiste?

Non. D’abord, je n’ai rien contre un système élitiste. A condition qu’il privilégie tout autant tous les autres enfants, à profils divers.

Ensuite comment répondre à une question si généralisante qui fait d’emblée le procès de notre école ? Un système de notation, si on en adopte un, se doit d’être rigoureux, fiable, “consistent”. Imaginez ce que cela serait si les correcteurs du CPE (environ 300 par matière) n’en disposaient pas! Nous devrions nous féliciter de réussir cela.

Mais vous vous souvenez sans doute du projet d’orienter les enfants vers les collèges selon leur lieu de résidence et non selon leurs résultats au CPE ?

Pourquoi est-ce que cela n’a pas abouti ? De la tentative d’abolition de classement au CPE? De celle en ce moment même de restriction des leçons particulières ? Notre système est élitiste parce que ceux qui y ont leurs intérêts veulent le maintenir ainsi et font pression sur les responsables du système. Avec souvent d’ailleurs l’aide indirecte de la presse qui rend compte et répercute mais ne prend pas assez de distance et n’analyse pas suffisamment.

Pourrait-on dire qu’il ne faut pas confondre entre le thermomètre (les notes scolaires) et la température (les méthodes d’enseignement desuètes)?

Pendant toutes les années où j’ai été associée à l’exercice du CPE, je me suis dit que les réponses des élèves et donc leurs résultats rendaient compte autant sinon davantage de l’enseignement prodigué que de l’apprentissage encouru. Je suis donc d’accord pour dire qu’il y a erreur sur la cible! Ce ne sont pas les apprenants qui devraient être évalués mais l’Ecole!

L’évaluation est pervertie de sa fonction réelle dans nos systèmes scolaires actuels.

Comment favoriser, éventuellement, ce que des pédagogues appellent l’école de la coopération pour remplacer celle de la compétition.

Depuis vingt ans que je suis dans la formation des enseignants je puis affirmer que nos formations vont dans ce sens. Dans les classes, il se fait de plus en plus de travaux de groupes. Mais une école est un microcosme de la société. On ne peut pas avoir une société batie sur des valeurs de compétition à outrance, de réussite facile et de trafic d’influences et une école fondée sur le respect et la collaboration. Cette question n’interpelle pas uniquement l’Ecole mais notre société toute entière.

L’Ecole mauricienne a maintes fois initié de tels projets. Je pense notamment au Education for All (EDEV). Et en ce moment le Enhancement Programme for Std IV qui représente un espace privilégié d’activités. Peut-être que c’est par ces entrées indirectes, non frontales que le changement va s’opérer.

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