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Patrick Ah-Vee : «Les exportateurs ne devraient pas se fier à un euro fort»

13 juin 2012, 07:22

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Le trésorier de la HSBC commente les effets de la crise dans la zone euro.  Il estime que l’affaiblissement de l’euro aura un impact négatif sur le secteur d’exportation à Maurice.

? La crise dans la zone euro fait frémir les principaux marchés européens. Quelle est votre lecture de la situation ?

L’impact de la crise de la zone euro va, en fait, bien au-delà de cette zone géographique. Même les économies émergentes qui ont été à l’avant-garde en termes de croissance, ces dernières années, commencent à ressentir les effets.

La croissance en Chine, en Inde, en Australie et même au Brésil, subit déjà un ralentissement. À titre d’exemple, la Chine, dont l’économie est axée sur l’exportation, est largement dépendante de la zone euro pour ses exportations et peut difficilement se sentir immunisée. En outre, lorsque la Chine commence à prendre froid, l’Australie qui a connu une résilience relativement bonne jusqu’ici mais qui est extrêmement dépendante de la Chine en tant que marché d’exportations, commence à ressentir les effets. C’est le prix de la mondialisation. Même la timide et fragile reprise aux Etats-Unis pourra difficilement survivre à terme à une détérioration de la situation dans la zone euro.

? Les résultats des élections, prévues prochainement en Grèce, seront déterminants sur un éventuel retrait ou non de cet État de la zone euro. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que les responsables politiques vont tout faire pour essayer de maintenir la Grèce à l’intérieur de la zone euro. La question est de savoir s’ils réussiront dans cette tâche.

On voit déjà les divergences entre la France et l’Allemagne sur l’approche à adopter envers les économies «périphériques».

On a débattu quant à la possibilité de maintenir une union monétaire sans une union fiscale. Mais la question la plus fondamentale est la suivante : est-ce qu’une union monétaire et fiscale peut réellement subsister avec des taux de croissance (ou de décroissance) qui varient si largement parmi les pays membres ? Est-ce que tous les pays membres ont les mêmes intérêts ? Certains diront même qu’il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’euro demeure relativement faible, vu la place importante des exportations dans son économie. J’entrevois une éventuelle sortie de la Grèce, mais seulement après d’ardues tentatives de maintien.

Les grosses interrogations seront celles-ci : pourra-t-on assurer une sortie ordonnée de la Grèce ? Est-ce que la contagion à d’autres pays «périphériques» (tels que l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande) pourra être contenue ? Les réponses à ces questions dépendront essentiellement de l’évolution du prix de l’euro.

? Quel pourrait être l’impact de cette crise sur le cours de l’euro ?

Si on se fi e uniquement à l’aspect taux de change – remarquez qu’on ne peut ignorer d’autres aspects importants, de nature sociale, économique et autres – une sortie ordonnée de la Grèce serait le cas de figure le plus favorable à l’euro en tant que devise, éventuellement.

Comme je le disais précédemment, je suis d’avis que la Grèce va sortir de la zone euro, mais uniquement après de longues et ardues tentatives de maintien. Je pense aussi que ce ne sera qu’au prix de longues discussions, parfois conflictuelles, qu’on arrivera finalement à contenir la contagion et d’autres éventuels retraits. Cela sera possible à travers des mesures agressives de la part des autorités de la zone euro, y compris de la Banque centrale européenne.

En se fondant sur cette analyse et sans vouloir entrer dans des prédictions plus précises, j’entrevois, cette année-ci, une baisse du prix de l’euro sur le marché international, suivie toutefois d’un éventuel rebond. Mais, ce ne sera probablement pas avant la seconde partie de 2013. «It might get worse before it gets better». Cependant, cela ne voudra nullement dire que la crise dans la zone euro sera, alors, derrière nous.

? On assiste actuellement à une appréciation de la roupie vis-à-vis de l’euro. Doit-on craindre pour notre industrie du textile et des services qui dépendent d’un euro fort pour rentabiliser leurs opérations ?

Il ne fait aucun doute que l’affaiblissement continuel de l’euro a un impact négatif considérable sur le secteur d’exportation. Cependant, j’ajouterai que les compagnies exportatrices ne devraient pas se fi er à un euro fort, qui représente un facteur externe, pour rentabiliser leurs opérations.

Certains ont d’ailleurs déjà commencé à diversifier leurs exportations vers d’autres destinations, telles que les Etats-Unis, le continent africain, entre autres. Au fait, c’est tout le modèle traditionnel consistant à produire, en vue d’exporter vers la zone euro, qui est remise en cause.

En attendant un éventuel shift au niveau de ce modèle - qui prendra son temps – il y a un besoin pressant pour les opérateurs du secteur d’exportation, de se servir davantage des outils de gestion de risques de change.

? Estimez-vous que le ‘hedging’, en tant qu’outil de couverture de risques, est suffisamment utilisé par les opérateurs économiques ?

Certains exportateurs utilisent déjà des instruments financiers permettant une gestion proactive des risques de change. Celles qui s’en servent activement, depuis des années, peuvent témoigner dans quelle mesure cela leur a été bénéfique. D’ailleurs, on encourage les exportateurs à recourir davantage à ces outils de gestion. La HSBC a été avant-gardiste en ce qui concerne l’introduction sur le marché de produits innovateurs permettant une gestion plus efficace des risques sur le marché financier, y compris les risques de change. On a été très actif à promouvoir ces produits financiers. Et nous continuons dans cette démarche visant à éduquer davantage le marché à cet effet.

Je me fais donc l’avocat d’une approche plus proactive, en général, dans la gestion des risques de change. Cela permettra de se protéger face aux intempéries d’un marché dont la volatilité a crû de façon exponentielle, depuis le début de la crise financière en 2007.

? Que pensez-vous de la décision des autorités de venir avec une ligne de crédit spéciale en devises pour le secteur d’exportation ?

Il y aura des rencontres entre les différents stakeholders, après quoi on sera en mesure de connaître les détails sur la mesure annoncée. Ce que je peux dire à ce stade est, qu’étant donné que les recettes d’exportation sont libellées en devises étrangères, cela permettra aux exportateurs de convertir leurs dettes, qui sont largement en roupies, en devises. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre d’une réduction de leurs risques.


Propos recueillis par Villen ANGANAN

 

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