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Philippe Hao Thyn Voon, président du Comité olympique mauricien

4 janvier 2013, 09:52

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L’homme est plus inquiet face à la situation qui prévaut actuellement au sein du sport mauricien qu’à l’idée que se tiendront dans trois mois les élections qui renouvelleront le comité directeur du Comité olympique mauricien (COM). Philippe Hao Thyn Voon soutient que l’heure est grave et craint tout simplement pour Maurice un classement final encore pire aux 9es Jeux des îles de l’océan Indien à La Réunion en 2015 : une quatrième place qui ne ferait pas honneur au potentiel mauricien et qui entacherait son mandat à la tête du Conseil international des Jeux (CIJ). C’est pour cela qu’il appelle à l’union de toutes les composantes du sport mauricien et à l’aide du secteur privé en cette conjoncture mondiale difficile. 

L’année 2012 tire à sa fin. Comment qualifieriez-vous ces douze mois   ?
L’année 2012 a été mouvementée. J’ai été au chevet de plusieurs fédérations durant l’année. Dans certaines d’entre elles, c’était le calme plat. D’autres étaient en pilotage automatique, le pouvoir sans rien de plus, pourvu que le poste occupé soit assuré. Certaines essayaient de faire quelque chose mais leurs entraîneurs n’ont rien fait. Et devant l’absence de réalisations, c’est le silence, pour ne pas créer de polémique. D’autres voulaient faire ou dire des choses mais quand elles s’exprimaient, elles se faisaient taper dessus.

Quand on n’est pas dans les bons carnets du ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS), on a des difficultés, tout le temps. Je ne suis pas d’accord avec cette politique de deux poids, deux mesures.

2012 tire à sa fin. Dans l’ensemble, depuis les Jeux olympiques, depuis les Jeux des îles même (JIOI), c’est le statu quo. Nous n’avançons pas.

Cette année aura été marquée par l’incessant bras de fer opposant le ministère de la Jeunesse et des Sports à la présidente de la Fédération mauricienne de natation. Avez-vous le sentiment d’avoir joué votre rôle à fond en défendant une cause juste : le refus de l’arbitraire et de la dictature ?
Oui. J’ai toujours été pour la justice. Je ne regarde pas la personne en face de moi. Aujourd’hui, je peux être contre X mais demain me battre à ses côtés s’il y a injustice.

Rédiger une lettre de démission et la porter à un membre d’une fédération alors qu’il est dans son champ de légumes et lui demander de signer afin de faire tomber une présidente : n’est-ce pas là de l’injustice ? Qui ne sait pas ce qui s’est passé ? Afin que le comité directeur « falls under seven » ! Et avant même que ce comité ne « falls under seven », un « caretaker committee » avait été constitué. J’étais à Pékin quand le ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) a soutenu m’avoir contacté. Le problème était là : cela n’avait jamais été le cas.

C’est le MJS qui m’a poussé à prendre position dans cette affaire au nom de la justice. Il n’y a jamais eu de consultation avec le Comité olympique (COM). Quid du Sports Act dans ce cas précis ? La loi stipule qu’il doit y avoir consultation avec le COM avant la mise en place d’un « caretaker committee ».
 
Où en est  ce combat aujourd’hui alors qu’approche la fin du temps réglementaire : les élections devant permettre d’élire un nouveau comité directeur ?
Le COM reconnaît la Fédération mauricienne de natation (FMN) depuis janvier. C’est le cas aussi de la Fédération internationale de natation (FINA), qu’il y ait cinq ou six membres !

Le fin mot de l’histoire et on l’a revu en football avec le scandale Pietro Allata, c’est bien la fausse autonomie des fédérations et la vraie ingérence des politiciens dans les affaires internes des instances sportives…
Oui, là aussi, il y a deux poids, deux mesures. Une fédération est traitée d’une façon, une autre d’une autre façon.

Avez-vous le sentiment que les dirigeants sportifs sont conscients de leur statut et de leur rôle et qu’ils les assument pleinement ou qu’ils préfèrent le copinage politique ?
J’ai côtoyé presque tous les présidents, ils ont peur. Ils n’ont pas le courage nécessaire. Ils ont tous les mains liées quelque part par certaines autorités pour ne pas utiliser le mot chantage. Je prends le cas du père de Widaad Gukhool. Il a fait une sortie dans un journal. Le ministre des Sports l’a convoqué à son bureau pour lui poser une seule question : où travaillez-vous ? Il a répondu au ministère de l’Agriculture. Il s’est entendu dire alors : vous pouvez vous en aller. Comment appelle-t-on cette façon de faire ? N’est-ce pas de l’intimidation ? Et il a eu peur. Nous vivons dans la peur.

Au retour des 8es Jeux des îles, neuf présidents de fédération étaient prêts à tenir une conférence de presse. J’avais déjà réservé une salle à l’hôtel Le Saint George. Et dès que le MJS a eu vent de leur initiative, il les appelés un à un. Seuls les présidents des fédérations de natation, d’haltérophilie et de lutte ont finalement rencontré la presse. Tous les autres avaient disparu. On parle souvent de la liberté de la presse. Mais quid de la liberté des fédérations ? De leur autonomie, de leur droit de s’exprimer ? Une déclaration dans la presse équivaut à dix coups de téléphone. C’est du harcèlement !
 
A ce chapitre, eu égard à la situation peu enviable dans laquelle se trouve le sport mauricien, que peut-on espérer de la classe actuelle des administrateurs sportifs ?
Ils n’ont aucun plan alors que nous sommes à moins de mille jours des 9es JIOI. Il n’y a aucun plan, rien ! Rien non plus du côté du comité de suivi mis en place par le MJS.

On aurait pu attendre pourtant d’eux qu’ils viennent avec des idées sachant qu’il n’y a pas grand-chose à espérer des politiques…
Toutes les fédérations ont été déçues du budget. Elles n’ont rien. Où va la Corporate Social Responsibility (CSR) ? Les fédérations sont les parents pauvres. Je sympathise avec le gouvernement, dans la conjoncture financière mondiale actuelle, il ne peut rien faire. Il n’a pas assez d’argent.

Je reviens des championnats d’Afrique de tennis de table tenus au Caire. Sur 45 pays affiliés à la Fédération africaine de tennis de table, seuls huit ont répondu présent. Tous les autres font face à des contraintes financières. Même ceux qui auraient pu venir en train ou en voiture ne l’ont pas fait. J’ai remarqué aussi que le niveau du jeu a baissé. Nous sommes redescendu au niveau des années 90.

Une année déjà s’est écoulée depuis la raclée essuyée aux 8es Jeux des îles aux Seychelles. Il n’y a pas eu de relance de la machine permettant d’entamer un nouveau cycle…
  Je lance un appel aux fédérations : encouragez vous athlètes, restez actifs pour pouvoir obtenir de bons résultats, surtout aux JIOI de 2015.

Le plus grand mal de certaines fédérations c’est que les dirigeants s’entretuent. Ils ne s’occupent pas de leurs athlètes, ils ne s’occupent pas de la formation. Dans certains cas, là où il faudrait une vingtaine d’athlètes, il n’y en a que cinq. Il faut une cinquantaine d’athlètes pour pouvoir en sortir quinze. Comment dans mille jours former un athlète et ramener une médaille ? Quand ce n’est pas le manque de moyens, c’est la guerre intestine.

Le gouvernement n’a pas de sous mais le secteur privé en a. S’il n’y a pas d’élan national, si toutes les forces du privé ne sont pas unies à partir de maintenant, c’est la catastrophe en 2015.

C’est une situation embarrassante pour le tout nouveau président du Conseil international des Jeux que vous êtes…
Oui, c’est même paradoxal. Je souhaite que Maurice récolte de bonnes performances durant ma présidence. Ce serait malheureux que nous finissions quatrièmes demain…

Même s’il y avait eu un exploit cette année de la part de Richarno Colin aux Jeux olympiques de Londres, il aurait masqué un grand vide…
Le sport ne nourrit pas son homme. PADCO (Ndlr : la compagnie que dirige Philippe Hao Thyn Voon) a embauché plein de vedettes, dans différentes disciplines, qui étaient sans emploi. Combien de firmes ont fait ce que PADCO a fait ? Si dix firmes en faisaient autant, on aurait vu la lumière au bout du tunnel.


Etes-vous inquiet de cette stagnation généralisée ?
Oui, je suis inquiet. Demain sera trop tard. La situation est grave. Il est souhaitable qu’il y ait un consensus général dans le privé. Je sais que le gouvernement est coincé dans la conjoncture actuelle. Toutes les firmes privées peuvent donner un coup de main. Il ne faut pas que le Club Maurice tente d’aider à la veille des JIOI. Le coup de main doit venir dès maintenant.

Peut-on attendre du COM qu’il sonne le réveil et sorte les fédérations de leur léthargie ?
Le job du COM, c’est le haut niveau. Ce n’est pas le job du COM d’entraîner les joueurs. Nous aidons dans la formation des coaches, dans l’obtention de stages pour les fédérations. Nous n’intervenons pas dans la préparation et l’entraînement. Nous offrons, grâce au CIO, des bourses aux meilleurs. La préparation des JO commence deux ans avant.

Le COM n’a aucun fonds. Ce que nous faisons actuellement, offrir Rs 40 000 à chaque fédération olympique, aucun comité olympique au monde ne le fait. Cela représente quelque Rs 800 000 tirées de notre budget de fonctionnement. Nous avons demandé et obtenu la permission du CIO avant de faire cela.

Y a-t-il une solution au problème du sport mauricien ?
On peut appeler les fédérations, les encourager à faire avec ce qu’elles ont en main, à faire ce qu’on peut.
 
Nous sommes en panne d’idées ? De compétences ? De moyens financiers aussi ?
Au retour des 8es JIOI, j’avais dit qu’il faut des étrangers pour encadrer nos fédérations. Tout cela demande de l’argent. Un entraîneur étranger ne viendra pas ici pour 2000 US dollars. Le mal est là. 3000 US dollars, cela équivaut à Rs 1 million. Le budget alloué à certaines fédérations tourne autour de Rs 1 million, Rs 1,5 million. Tout est question d’argent.

Je me bats pour que les fédérations soient incluses dans le régime de la CSR. A ce moment-là, les firmes pourraient « prendre » une fédération. Le MJS avait évoqué la possibilité de puiser 50% des salaires de leur CSR quand une firme emploie un sportif mais rien n’a été fait à ce jour.

Quid des firmes qui n’ont pas réalisé de profits et qui emploierait dix athlètes ? Comment faire dans ce cas car la CSR est puisée des profits ?

Si réflexion il y aura, ce sera sûrement à l’issue des élections du COM prévues à la fin de mars…
Avant les élections, après, je serai toujours en train de travailler pour les athlètes. Je ne fais pas de campagne. Ma philosophie a toujours été le bien-être tous les jours pour les athlètes, « athletes first » ! C’est encore plus vrai pour ceux qui le méritent.

Comment abordez-vous cette échéance ?
Mon équipe est là, elle travaille. On fait ce qu’on peut. Je suis serein. Le comité a accompli beaucoup de choses. Nous avons travaillé dans la transparence.

Etes-vous candidat à votre propre succession ?
Oui. Je peux dire : donnez-moi un nouveau mandat, j’ai encore beaucoup de choses à accomplir.

Avez-vous peur du copinage politique et de son influence à l’heure du choix ?
Il faut espérer qu’il ne mettra pas sa main là-dedans, que la politique restera loin de ça.

Votre bilan parle-t-il en votre faveur ?
Oui, nous avons tout fait dans la transparence, c’est le plus important. A tous les niveaux.

Et si vous l’emportiez à nouveau dans quelques semaines, quelle serait votre priorité ? Quel est le projet qui vous tient le plus à cœur ?
Nous poursuivons notre projet de Musée olympique. Ce ne sera pas seulement un musée. Ce bâtiment abritera notre bureau aussi. Il faut espérer également que nous ayons un bon Sports Act, qui nous permette à tous de travailler dans la transparence et qui respecte l’autonomie des fédérations.

Vu les dérives, le laisser-aller, le diktat des uns et l’incapacité de donner une vision claire, y a-t-il encore un projet qui peut fédérer tous les acteurs afin d’être bénéfique au sport mauricien ?
Mon souhait est que toutes les composantes de la communauté sportive unissent leurs efforts. Nous pouvons bâtir une communauté sportive solide dans cette partie de l’Afrique.

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