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Prem Saddul, président de la CWA : « Hausse du tarif de l’eau dans un proche avenir »

5 janvier 2013, 06:18

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Le rapport commandité aux Singapouriens pour un état des lieux de notre gestion de l’eau sera appliqué au plus vite, a annoncé le Premier ministre. Le Président de la CWA nous explique dans un entretien ce qui va changer. Si Prem Saddul apprécie l’expertise singapourienne, il affirme néanmoins qu’elle n’était pas essentielle.

Le PM a annoncé mardi que le rapport des Singapouriens sur le problème d’eau est prêt. Avions- nous vraiment besoin des Singapouriens ?

Je pense que nous avons tout à gagner avec l’expérience de Singapour car ce pays est une success story en ce qui concerne la gestion d’eau. Je rappelle que c’est suite à la visite du PM à Singapour, en 2008, qu’un Memoramdum of Understanding ( MoU) pour évaluer la gestion de l’eau dans sa globalité a été signé entre la Singapore Cooperation Enterprise et le gouvernement mauricien. Ce rapport, intitulé Mauritius Water Sector Reform , a été préparé en collaboration avec les différents stakeholders mauriciens et avec la contribution du ministre Rashid Beebeejaun, qui nous a été d’une grande aide.


Mais Singapour n’a pas d’eau, alors qu’ici nous la gaspillons. Son « expérience » , comme vous dites, n’est pas la même, n’est- ce pas ?Mais c’est la manière dont ils gèrent cette ressource qui nous intéresse. Cette expérience est d’autant plus valable que leur situation est pire que la nôtre ! Et puis, quand un pays comme Singapour propose de vous aider, vous ne dites pas non !


Mais, avait- on bien besoin des Singapouriens pour cette étude ?
Enfin, n’exagérons rien ! Je ne dirai pas qu’on avait « bien besoin » d’eux, mais c’est toujours une bonne chose de profi ter du savoir- faire d’un pays ami. Et, je précise que ce rapport n’a pas été fait uniquement par des Singapouriens ils ont dû prendre en considération notre avis.


Ce rapport valait donc les Rs 30 millions et quelque que le gouvernement a payées ?
( Rires…) Ça, je ne peux pas vous le dire, car c’est vous qui m’apprenez combien ça a coûté ! Plus sérieusement, ce rapport est le produit d’une collaboration d’Etat à Etat. Ce genre de choses ne se discute pas à notre niveau.


Que pensez- vous des recommandations faites ?
Ce plan stratégique apportera, entre autres, une intégration scientifi que dans la gestion de l’eau à Maurice. Il nous apportera aussi une autosuffi sance pour les besoins des différents secteurs à long terme, une diminution conséquente de notre Non Revenue Water ( NdlR, l’eau qui se perd et qui représente un manque à gagner pour le CWA – environ 50 %), et surtout un meilleur service et une satisfaction maximale de la population, voire une distribution 24/ 7.


Notre principal problème est- il le captage et le stockage de l’eau ?
Dans une certaine mesure, oui. Mais il faut prendre en considération le fait que nous consommons plus d’eau. Surtout avec la croissance économique, le développement rapide des villas IRS, des marinas, des bâtiments commerciaux et autres complexes résidentiels qui poussent à travers le pays. Et, les Mauriciens consomment en moyenne, par jour, 170 litres d’eau potable par tête d’habitant ( contre 140 litres au Singapour) ! Il est temps de planifi er l’avenir. C’est pourquoi nous avons mis en chantier des mégas barrages tels que le Bagatelle Dam , le Rivière- des- Anguilles Dam et aussi des mini- barrages dans plusieurs endroits. J’ajoute que, depuis l’an dernier, nous avons commencé à nous intéresser sérieusement à ce qu’on appelle les water rights . ( NdlR, l’eau qui se trouve sur des propriétés privées, principalement sucrières). Le concept de water rights est non seulement complexe et historique, mais surtout mal compris. Pour moi, water rights veut dire le droit d’exploiter l’eau qui se trouve sur sa propriété, mais pas le droit de la posséder. Car l’eau reste le bien de l’Etat.


Mais vous dites qu’ils peuvent exploiter sans posséder cela ne change pas grand- chose puisqu’ils exploiteront comme ils veulent !
Non, ils exploiteront sous le contrôle de la CWA et de la Water Resource Unit . Le dossier est actuellement au Parquet.


Notre problème d’eau est- il le résultat du sous- investissement au niveau des réservoirs et des tuyaux ?
( Rires…) C’est vrai que ce ne sont que les Anglais qui ont construit des réservoirs ! Maurice, elle, n’en a construit qu’un. Mais, il ne faut pas oublier que la demande en eau potable a considérablement augmenté de 1968 à 2010. Chaque année, nous investissons dans le renouvellement de nos vieux tuyaux, dont certains datent de 100 ans. En 2012, on a investi plus de Rs 775 millions dans le renouvellement des tuyaux. En 1968, seules 50 % des familles étaient connectées au réseau. C’est à partir de 1970 qu’on s’est concentré sur l’expansion de notre système de captage et de distribution. On a construit le Midlands Dam , on a posé des kilomètres de nouveaux tuyaux pour étendre le système. On a investi massivement et aujourd’hui, 100 % des familles sont connectées au réseau. A partir de 2000, on a commencé à mettre plus d’emphase sur le renouvellement des vieux tuyaux. Car on a pris conscience du fait que si nous faisons du business as usual, nous irons au- devant de grands problèmes.


Vous disiez plus tôt que 50 % de notre eau se perd entre La Marie et les maisons. Les autorités n’ont pourtant pas mis le budget nécessaire à la disposition de la CWA pour régler ce problème qui date de longtemps !
La perte physique d’eau est actuellement de 35 %. Si on ajoute les pertes commerciales et autres – car il y a des gens qui volent l’eau –, le chiffre arrive à 50 %. A la CWA, nous avons mis sur pied une Non Revenue Water Unit pour étudier ce problème et une équipe de Singapour est attendue en mars, cette année, pour épauler la CWA dans cette tâche.


Encore Singapour ? C’est quoi cette obsession ?
Il n’est pas question d’obsession. Ils viendront et travailleront sous notre directive et apporteront leur connaissance technique.


Et, ils seront payés séparément ? Est- ce un contrat différent de celui du rapport sur la gestion de l’eau ?
Oui, c’est un contrat séparé, mais c’est le gouvernement qui prendra en charge les frais. Notre objectif est, à long terme, de réduire le pourcentage de perte d’eau et de le ramener à la norme internationale de 15 à 20 %.


Est- ce que 50 % de l’eau utilisée provient des nappes phréatiques ?
Oui. Nous sommes une île volcanique, donc basaltique, avec des couches perméables et imperméables qui alternent. Nos montagnes forment, dans plusieurs endroits, des barrages naturels souterrains, ce qui nous donne des réservoirs d’eau souterrains conséquents. Tout cela pour vous dire que l’eau des nappes phréatiques est supérieure à l’eau des réservoirs.


Mais, je croyais que ces nappes mettaient du temps à se remplir…
Si je prends les conditions atmosphériques actuelles, avec une pluviosité allant de 60 mm à 200 mm du 31 décembre 2012 au 3 janvier 2013 – et en prenant en considération l’hydrologie souterraine –, c’est dans une semaine que nos nappes phréatiques commenceront à se « recharger » . Mais, il nous faut beaucoup de pluie pour complètement remplir nos réservoirs souterrains.


Justement, n’est- ce pas un peu irresponsable d’utiliser cette eau ?
Ecoutez, à Hawaii, ils utilisent aussi les nappes phréatiques. Cette eau est de meilleure qualité puisqu’elle a un fi ltre naturel. Mais, c’est vrai que parfois, pendant la période sèche, nous avons dû arrêter d’utiliser bon nombre de nappes phréatiques puisqu’elles ont été trop utilisées et il n’y a que de l’eau boueuse qui en ressort.


L’on dit qu’avec nos spécificités, le pays ne devrait jamais manquer d’eau si cette ressource est bien gérée…
Il ne faut pas oublier que notre unique source d’eau est la pluie. Et, avec le changement climatique, l’effet d’ El Nino et La Nina , qui affecte de plus en plus notre région, nous aurons à faire face à des périodes de sécheresse rallongées. Si nous réglons le Non Revenue Water , une grosse partie du problème sera réglée. Je pense aussi qu’il faut augmenter le tarif de l’eau potable. Il est plus bas que celui pratiqué dans les îles de l’océan Indien et des pays du continent africain. Une augmentation aiderait à lutter contre le gaspillage. Je prévois une augmentation dans un proche avenir.


Le PM a parlé mardi de dessalement d’eau. Or, depuis des années, des permis de développement ont été donnés sans prendre cet aspect en considération. Vos commentaires ?
Produire leurs propres besoins en eau, potable et non potable, est, pour chaque hôtel, une condition obligatoire à l’obtention d’un permis EIA. Bientôt, je l’espère, le dessalement deviendra obligatoire pour d’autres établissements commerciaux. Mais, j’estime qu’il faut le faire en prenant en considération l’aspect écologique et économique Le dessalement coûte cher. A titre d’exemple, la CWA dépense Rs 13 pour produire 1 m 3 d’eau potable. Pour produire le même volume par le processus de dessalement, cela coûte entre Rs 30 et Rs 35.


Au moins là, les gens ne gaspilleront pas, puisque cela coûtera plus cher !
Je suis tout à fait d’accord avec vous !

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