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Questions à Amédée Darga, Président du National Empowerment Programme (NEF)
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Questions à Amédée Darga, Président du National Empowerment Programme (NEF)

Qu’arrivera-t-il à la «National Empowerment Foundation» si un ministère de l’Intégration sociale est créé ? Le président de la NEF parle du combat contre la pauvreté et l’éthnicisation de ce problème.
 
Il y a eu depuis la conclusion de l’alliance PTr-MSM, une certaine inquiétude qu’il puisse y avoir une polarisation ethnique. Rama Sithanen en a d’ailleurs parlé jeudi, sur une radio privée...
Si l’on reste sur une vision classique de la société mauricienne, l’on pourrait croire que c’est ainsi. Je constate que Maurice 2010 ne correspond que partiellement à ce schéma. Certes, dans toute société pluriethnique, un certain degré de polarisation est inévitable.
Cependant, croyez-vous que les 2 000 à 3 000 jeunes qui vont voter pour la première fois dans chaque circonscription, sont dans ce schéma ? Ou seront-ils influencés par d’autres critères ? Croyez-vous, par exemple, que la deuxième génération dans les cités CHA et qui est en pleine mobilité sociale, a les mêmes réflexes que leurs parents ?
Le changement est déjà fait ?
Oui et la preuve est que je constate moins de polarisation sur le choix souhaité du prochain Premier ministre. Dans les catégories où cela existe, la polarisation vient par rapport à d’autres facteurs. Il est une tactique millénaire que pour mobiliser ses troupes, un général doit les exacerber contre un ennemi commun. Malheureusement, à Maurice, certains continuent à jouer sur les réflexes ethniques pour mobiliser. Mais, même parmi les plus pauvres, je ne suis pas sûr que la réflexion primaire est ethnique.
Oublions l’ethnie de la pauvreté. C’est un fait que la pauvreté a augmenté ?
C’est une fausse affirmation. Le bureau central des statistiques (BCS) fait un relevé chaque cinq ans. Il y a eu un relevé qui a été fait en 2001-02 et un deuxième en 2006-07. Le prochain sera fait en 2010 les statistiques ne sont pas sorties encore puisque le relevé est en train d’être fait. Ce qui est vrai, par contre, c’est que la pauvreté a augmenté entre 2001 et 2007. C’est le résultat du gouvernement de 2000 à 2005 et non pas celui du gouvernement actuel.
Et la politique menée ces derniers cinq ans fera-t-elle plus de pauvres ?
Il faudra attendre l’étude de 2010. Je peux vous dire que ce qui a été fait ces derniers cinq ans par rapport à la pauvreté et l’exclusion, est certainement plus important que ce qui a été fait les 20 dernières années. Je ne dis pas que c’est assez. Mais, le problème de la pauvreté a été traité de façon réelle. Il y a eu des milliards de roupies dépensées pendant 20 ans, mais 20 ans après, on se retrouve avec le même problème. Cela veut dire que les approches et les programmes étaient inefficaces. Par contre, de 2005 à 2010, l’approche a été différente par rapport à la question : comment tire-t-on quelqu’un de la pauvreté.
On ne sait pas si cela a marché puisqu’on n’a pas de chiffres...
Il y a des résultats. Nous pouvons compter aujourd’hui combien de familles se retrouvent hors de la pauvreté. Nos chiffres de référence sont 7 000 familles qui sont dans 229 poches de pauvreté.
Je croyais qu’il y avait plus de 100 000 personnes qui vivent dans la pauvreté ?
Je suis en train de parler de l’extrême pauvreté. Le gouvernement a fait le choix de s’occuper de la pauvreté absolue qui concerne 7 000 personnes. La pauvreté en 2006-07 concernait 26 000 familles. De ces 7 000 familles, 2 000 familles ont été prises en charge et commencent à sortir de la pauvreté.
Comment ?
L’élément le plus important est de leur donner un travail. Puis, c’est s’assurer que les enfants de cette famille puissent aller à l’école et le troisième, c’est le logement. C’est aussi important de donner à ceux qui se trouvent en détresse le moyen de s’en sortir. Mais, cela ne concerne pas tous les pauvres. Tout cela pour dire que l’on s’attaque à la pauvreté de façon intégrée : on rentre dans une famille et on vient apporter une solution. 200 familles ont été touchées jusqu’ici et je pense que d’ici à deux ans, on aura touché les 7 000 familles.
Quelle est la perspective de ces gens-là dans le long terme : gagner Rs 5 000 par moins alors que le coût de la vie continue à augmenter ?
Mieux. La perspective est un emploi dans un premier temps, mais c’est aussi qu’un autre membre de la famille se mette à un petit business. Nous avons mis un système de crédit à leur disposition. La différence c’est qu’auparavant, on donnait des choses aux pauvres en espérant que cela allait les aider.
Mais maintenant, nous avons une approche intégrée, un accompagnement social.
Si tout cela marche aussi bien, pourquoi faut-il un ministère de l’Intégration sociale ?
L’intégration sociale dépasse la question de pauvreté et touche à la réhabilitation de la personne et à son environnement.
N’est-ce pas exactement ce que la NEF faisait ?
Oui, mais c’est une bonne chose qu’il y ait un ministère qui définit les politiques générales et la NEF sera le bras agissant.
La NEF reste ?
Je ne peux pas vous l’affirmer puisque je ne suis pas le Premier ministre. Les ministères sont là pour définir les politiques, mais il faut un bras agissant et c’est cela, la NEF.
La NEF faisait très bien ce travaillà ! L’annonce de ce ministère ne seraitelle pas, finalement, qu’une mesure électorale ?
Je pense que c’est un très bon signal. La NEF fonctionnait sous l’égide du ministère des Finances. Mais avoir un ministère de l’Intégration sociale, c’est donner un signal de toute l’importance qui est donnée à ce problème.
Revenons-en à l’extrême pauvreté. Que fait-on avec les gens qui sont dans l’extrême pauvreté ? On fait de sorte qu’ils atteignent la seuil de pauvreté et puis le problème est réglé ?
Non, loin de là. Il leur est donné le moyen de faire le pas hors de la pauvreté. C’est un premier pied dans l’étrier pour qu’ils puissent s’en sortir et ne plus se retrouver dans la catégorie des pauvres. Nous les assurons d’un revenu croissant, mais surtout que leur prochaine génération a des outils pour se retrouver encore plus haut qu’ils l’ont été.
Mais que fait-on pour les pauvres ? Comment s’assurer qu’eux aussi aient un revenu croissant pour qu’ils puissent sortir de la pauvreté ?
Les pauvres sont pris en charge par toute une série de mesures. Ils ont aussi bénéficié des emplois que nous leur avons trouvés. On s’attaque à la pauvreté en nous assurant qu’ils puissent amener plus de revenus à la famille. Comment le faire ? A travers l’emploi.
Et certainement pas à travers l’endettement !
L’endettement est une question d’éducation de la famille. D’où l’accompagnement social. Il n’y a pas de solution qui fait que du jour au lendemain, on sort de la pauvreté. C’est un processus qui s’écoule sur plusieurs années. Mais, ce qui est important c’est qu’il y ait un point de départ où il y a des outils pour sortir de la pauvreté.
Vous dites que l’endettement est une question d’éducation. En même temps, si la vie est tellement chère qu’un salaire n’est pas suffisant, le salarié va s’endetter !
Quand on regarde les données du BCS, il y a quelques données qui sont gênantes. L’alcool et la cigarette représentait 5,4 % des dépenses des familles pauvres en 2006-07 alors que c’était 4,3 % en 2001-01. Cela veut dire qu’il y a un travail qui doit être fait pour éduquer les familles pauvres pour qu’elles comprennent que si elles sont dans cette situation, il y a des choix à faire dans la vie.
Le choix  doit être fait en réduisant certaines dépenses et en mettant les priorités là où elles doivent être. C’est-à-dire en dépensant plus sur l’éducation, sur la nourriture et dépenser moins sur les choses comme l’alcool. C’est pourquoi le programme de la NEF comprend toujours un élément d’accompagnement social.
Personne - le politicien qui vient dire cela est un menteur - ne peut aider un homme ou une femme à gérer sa vie pour progresser si la personne ne veut pas le faire.
 
propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
 
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