Publicité

Raj Makoond : «La croissance de 3,7 % est réalisable si la conjoncture internationale s’améliore»

8 janvier 2013, 06:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le directeur du Joint Economic Council dresse le bilan de l’année 2012 dans divers secteurs et anticipe une année de défis pour la coopération régionale. 

? Quel bilan dressez-vous de l’économie du pays en 2012 ?

Nous terminons l’année 2012 avec une croissance de 3,3 % du Produit intérieur brut (PIB). C’est un objectif honorable, compte tenu du contexte économique international difficile et de la conjoncture nationale marquée par une restructuration de l’économie. L’année 2012 a été, toutefois, une source d’inquiétude sur le front de l’emploi, avec un taux de chômage de 8 %. Plus particulièrement chez les jeunes, où ce taux atteint 27 %.

Concernant le secteur manufacturier, les derniers chiffres pour le quatrième trimestre 2012 démontrent une amélioration du secteur de l’exportation, au niveau de la filière textile et de l’habillement. Une confirmation, si besoin est, de la pénétration des produits confectionnés à Maurice sur le marché sud-africain. Mieux : cette reprise montre aussi le positionnement de Maurice comme un hub pour le marché du denim. Le pays compte actuellement quatre entreprises engagées dans la fabrication de jeans.

Quant au tourisme, il demeure un secteur fragile, qui passe actuellement par une restructuration de fond – comme le sucre et le textile dans le passé. Le textile mauricien a subi les effets du démantèlement de l’accord multifibre dans les années 2000, alors que le sucre a fait l’objet d’une baisse de prix de 37 % imposée par la Commission européenne, dans le cadre de la réforme du Protocole sucre.

Il va de soi qu’avec la crise dans la zone euro, le secteur touristique doit se repositionner en termes de nouveaux marchés, à l’instar de la Chine et de l’Inde, et aussi de nouveaux produits touristiques, pour mieux répondre aux attentes de la clientèle. Je note également que la nouvelle stratégie de l’accès aérien d’Air Mauritius, portant sur le développement de hubs à Paris, Johannesbourg, Shanghai, Mumbai et Dubayy, va dans la bonne direction. Cela génère de la compétition pour entraîner une baisse de prix sur la destination mauricienne.

? Qu’en est-il des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’agro-industrie ?

Le secteur des TIC est un pilier économique qui contribue à la croissance du pays, en dépit du fait que le prix des télécommunications reste très élevé. Il y a forcément un travail à faire au niveau du Skills Development. D’ailleurs, en octobre de l’année dernière, on a lancé le programme ISDP (ICT Skills Development Programme), qui se veut être un partenariat public-privé, avec un partage des coûts sur la formation et l’octroi d’une allocation durant le stage. Quant à l’agro-industrie, le secteur sucre a su maintenir sa restructuration en termes d’exportation de sucre raffiné directement sur le marché européen, à travers la firme Suedsucker AG. Et, en offrant un prix raisonnable. Cependant, le développement du secteur agricole est un grand chantier qui n’a pas encore été exploité.

? Estimez-vous que nous sommes sur la bonne voie par rapport à la gestion économique du pays ?

Disons qu’en termes de gestion macro-économique, 2012 a démontré une gestion saine, avec un défi cit budgétaire de 2 % du PIB, un montant de dettes de moins de 55 % du PIB. Ce sont des indicateurs importants pour le développement national du pays. Mais, 2012 est aussi une année où il aurait dû y avoir une plus grande cohérence entre la politique monétaire et fiscale, notamment dans un contexte où l’inflation est sur une courbe descendante. Ce qui donnerait une plus grande marge de manoeuvre à ceux qui estiment que la croissance est la priorité dans cette équation.

? Quelles devraient être les grandes priorités économiques de 2013 ?

Le chiffre de 3,7 % de croissance estimé par Statistics Mauritius pour 2013 est réalisable si la conjoncture économique internationale ne se détériore pas. Cette hypothèse de croissance est basée sur une croissance de 2 % du secteur de l’exportation, de 3 % pour le tourisme, de 9 % pour les TIC et de 2 % pour le Seafood. En revanche, on relève une décroissance de 2 % pour le secteur de la construction.

? Il y a aussi le chômage…

Tout à fait. Je dirais que la préoccupation est surtout le chômage chez les jeunes. Et cela devrait être notre plus grand défi pour l’année en cours. C’est-à-dire comment faire face à un taux de chômage de 27 % chez les jeunes du pays. Dans le dernier budget, le ministre des Finances avait annoncé le lancement d’un Skill Working Group, un partenariat entre le public et le privé, pour encourager la formation et des stages pour les jeunes au niveau des entreprises sur la base d’un partage des coûts. Au niveau du Joint Economic Council (JEC), nous avons fait une série de recommandations pour accélérer la mise en route de ce programme.

? Est-ce que le dernier classement de Maurice dans le «Doing Business» vous rassure ?

Maurice aspire à devenir une importante plate-forme dans la région pour faciliter la coopération Asie-Afrique, tout en se positionnant comme une tête de pont pour l’Afrique. Dans ce contexte, Maurice doit figurer dans le Top 10 du classement Doing Business. Nous sommes aujourd’hui à la 19e place. Il y a des efforts à faire. Savez-vous que Singapour, comme une   plate-forme pour la Chine, est classé en première place ?

? Quelle analyse faites-vous de notre stratégie de coopération régionale ?

L’année 2013 sera une année de défi s pour la coopération régionale, avec de nouvelles percées à l’horizon. Nous sommes déjà présents en Afrique, avec l’installation de plusieurs secteurs d’activité, comme les finances, le sucre, le tourisme ou encore les services.

Maurice n’a pas le choix. Le pays doit créer un espace régional. Dans cette mouvance, tous nos engagements au niveau des instances régionales, comme la Commission de l’océan Indien, l’Indian Ocean Rim Association for Regional Cooperation, la Southern African Development Community, le Common Market for Eastern and Southern Africa, ou encore le Tripartite FTA (qui regroupe Maurice, les Seychelles, le Malawi, la Zambie et le Mozambique) doivent être poursuivis pour accélérer cette intégration régionale.

? Et au niveau international ?

Dans la zone euro, on va nécessairement vers une situation de stabilité, avec la décision de l’agence Moody’s de rehausser la notation de la Grèce. Restent l’Italie et l’Espagne, dont la situation est moins problématique.

Je note également que le Fonds monétaire international a révisé à la hausse l’estimation de croissance pour la Chine et l’Inde. S’agissant du fiscal cliff (mur budgétaire) qui a nécessité de longues négociations entre les représentants du Sénat et du Congrès américains, le deal intervenu le 31 décembre permet une reprise de l’économie des Etats-Unis, ce qui va influer positivement sur l’économie mondiale.

? Reste la question du «law & order». Est-ce que la situation sociale vous inquiète ?

Tout développement économique doit se faire dans le respect du law & order. La gestion du dossier des marchands ambulants ne fait pas honneur à notre pays. Maurice doit être une destination sûre, où les investisseurs se sentent à l’aise, où les touristes ne sont pas menacés et où les étudiants peuvent s’adonner à leurs études dans la sérénité. Dans le nouveau modèle économique, la question du law & order prend une place primordiale.

Propos recueillis par Villen ANGANAN

Publicité